samedi 21 janvier 2012

Le mensonge du Père Noël

"Ses paroles avaient un écho particulier en moi, car elles me rappelaient les Noëls de mon enfance. J’étais tout excité en préparant ma lettre au père Noël, avec la liste des jouets que j’espérais. Pendant des semaines j’y pensais, attendant impatiemment le jour où je les posséderais enfin. Mon excitation atteignait son paroxysme le soir du réveillon : mes yeux ne quittaient plus le sapin au pied duquel j’imaginais déjà mon bonheur du lendemain. J’allai me coucher en percevant la nuit à venir comme interminable, et c’est reconnaissant que je découvrais l’heure sur mon réveil au petit matin. Le grand jour était enfin arrivé ! Lorsque je poussais la porte du salon et découvrais les paquets-cadeaux multicolores sous le sapin illuminé, j’étais empli d’une joie intense. Je déballais tout, haletant d’excitation, puis passais le plus clair de la journée à jouer avec ce que j’avais reçu, m’arrangeant toujours pour m’échapper de l’interminable repas familial, et laisser les adultes à leurs conversations ennuyeuses. Mais je me souviens que, le soir approchant, le soleil déclinant à l’horizon, ma joie se tarissait progressivement. Mes nouveaux jouets ne généraient déjà plus en moi le même élan de gaieté. J’en arrivais à envier mon excitation de la veille. J’aurais voulu la revivre. Je me rappelle m’être dit, une année, que mes rêves de jouets me rendaient finalement plus heureux que les jouets eux-mêmes. L’attente était plus jouissive que son dénouement.
J’en fis part au sage, qui me dit en souriant :
- Le plus grand mensonge des parents à leurs enfants ne porte pas sur l’existence du père Noël, mais sur la promesse tacite que ses cadeaux les rendront heureux."

GOUNELLE Laurent, « L’homme qui voulait être heureux », Pocket n°13 841, 2010, p.132


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