vendredi 24 décembre 2010

Simplicité et profondeur

"Dans le monde contemporain, il nous faut certes travailler pour gagner notre vie. Pourtant, ce n'est pas une raison pour nous laisser enchaîner à une existence routinière, sans aucune perspective du sens profond de la vie. Notre tâche est de trouver un équilibre, une voie du juste milieu. Apprenons à ne pas nous surcharger d'activités et de préoccupations superflues mais, au contraire, à simplifier notre vie toujours davantage. La clé nous permettant de trouver un juste équilibre dans notre vie moderne est la simplicité".

Sogyal Rinpoché, « Le livre tibétain de la vie et de la mort », Éditions de la Table Ronde 2003, p. 52, Également disponible dans le Livre de Poche.

Récolte devant une maison, Bénin

Jon Kabat-Zin et la méthode MBSR

"Un nombre croissant d'études scientifiques indique que la pratique de la méditation à court terme diminue considérablement le stress (dont les effets néfastes sur la santé sont bien établis), l'anxiété, la tendance à la colère (laquelle diminue les chances de survie après une chirurgie cardiaque) et les risques de rechute chez les personnes qui ont préalablement vécu au moins deux épisodes de dépression grave. Huit semaines de méditation (de type MBSR*), à raison de trente minutes par jour, s'accompagnent d'un renforcement notable du système immunitaire, des émotions positives et des facultés d'attention, ainsi que d'une diminution de la tension artérielle chez les sujets hypertendus et d'une accélération de la guérison du psoriasis. L'étude de l'influence des états mentaux sur la santé, autrefois considérée comme fantaisiste, est donc de plus en plus à l'ordre du jour de la recherche scientifique.

Matthieu Ricard, "L'art de la méditation" (p. 23-24, Pocket Evolution n°14068)

*MBSR : « Mindfulness Based Stress Reduction » est un entraînement séculier à la méditation sur la pleine conscience, fondé sur une méditation bouddhiste, qui a été développé dans le système hospitalier des États-Unis d'Amérique depuis plus de vingt ans par Jon Kabat-Zin , Ph.D, et qui est maintenant utilisé avec succès dans plus de deux cents hôpitaux pour diminuer les douleurs post-opératoires et celles associées au cancer et autres maladies graves".

Voir « The clinical use of mindfulness meditation for the self-regulation of chronic pain », Journal of Behavioral Medecine, 8, 1985, p. 163-190

Sélectionner les "nourritures d'impressions"

"Nos sens sont nos fenêtres sur le monde extérieur, et parfois le vent souffle et chamboule tout en nous. Beaucoup d’entre nous laissent leurs fenêtres ouvertes tout le temps, permettant aux images et aux sons du monde de nous envahir, de nous pénétrer, exposant nos « soi » tristes et troublés. Nous nous sentons si glacés et si seuls alors. Ne vous arrive-t-il pas de regarder un programme de télévision ennuyeux et d’être incapable de l’arrêter ? Les bruits tapageurs, les crépitements des armes vous incommodent. Cependant, vous ne vous levez pas pour éteindre votre poste. Pourquoi vous torturez-vous de cette façon ? Ne voulez-vous pas fermer vos fenêtres ? Avez-vous peur de la solitude – du vide et de l’isolement que vous devez affronter en vous retournant vers vous-même ?
Nous sommes ce que nous ressentons et ce que nous percevons. Si nous sommes en colère, nous sommes la colère. Si nous sommes amoureux, nous sommes l’amour. Si nous regardons un pic de montagne enneigé, nous sommes la montagne. En regardant un mauvais programme de télévision, nous sommes ce programme. En rêvant, nous sommes le rêve. Nous pouvons être tout ce que nous voulons, sans avoir besoin d’une baguette magique. Aussi, pourquoi ouvrons-nous nos fenêtres à de mauvais films et programmes, des films faits par des producteurs avides de spectaculaire, à la recherche d’argent facile, des films qui font battre nos cœurs à toute vitesse, nous font serrer les poings, et nous rejettent à la rue complètement épuisés ? Qui permet que de tels films et programmes de télévision soient réalisés ? Et surtout pour les plus jeunes. Mais c'est nous ! Nous sommes trop peu exigeants, prêts à regarder tout ce qui passe à l’écran, trop seuls, paresseux, ou blasés pour créer nos propres vies. Nous allumons la télévision et la laissons en permanence, permettant à quelqu’un d’autre de nous guider, de nous modeler, et de nous détruire. En nous perdant de cette façon, nous laissons notre destin entre les mains d’autres qui n’agissent peut-être pas de manière responsable. Nous devons être conscients des types de programmes qui endommagent nos systèmes nerveux, nos esprits, et nos cœurs, et déterminer quels émissions et films sont bénéfiques pour nous".

Thich Nhat Hanh, « La vision profonde, De la pleine conscience à la contemplation intérieure », Albin Michel n°131, 2009, p. 60-62

Douleur, souffrance et force intérieure

"Nous pouvons constater que les souffrances du corps viennent souvent de l'esprit, ou que, à souffrance corporelle égale, un esprit paisible et heureux souffre beaucoup moins qu'un esprit agité et inquiet. Nous pouvons constater aussi que bien des personnes, ayant une grande fortune, étant comblées de tout ce que le bien-être matériel peut apporter, sont dépressives, angoissées et malheureuses... alors que d'autres, dont la vie pratique est tissée de divers ennuis, ayant un esprit heureux, étant paisibles intérieurement, donnent l'impression d'une grande sérénité. Quelqu'un dont l'esprit est lucide, ouvert, équilibré, prévoira l'attitude qu'il aura en face d'inévitables difficultés et restera dans la paix même si de grands malheurs lui arrivent, tandis qu'un esprit borné, agité et inquiet, non réfléchi sera tout de suite déconcerté et sans ressources devant le plus petit imprévu désagréable. L'esprit est beaucoup plus important que le corps. Donc, si l'état de notre esprit nous permet de supporter et même de ressentir nos souffrances physiques soit beaucoup plus, soit beaucoup moins, cela montre que nous devons attacher une grande importance à notre manière de penser. La « préparation » de notre esprit est donc extrêmement importante. ... Notre esprit et surtout celui des autres en récolteront les fruits. Par un esprit noble, pur et généreux nous répandrons la joie autour de nous, nous en ressentirons une grande paix et nous pourrons la communiquer aux autres".

Dalaï-lama, « Enseignements essentiels », Albin Michel 1989, p. 17-18

dimanche 12 décembre 2010

Pratiquer à chaque instant

"Quand je contribuai à la fondation de l’Institut des hautes études bouddhiques en 1964, je fis une grave erreur. Les étudiants, qui comprenaient des jeunes moines et nonnes, étudièrent seulement des livres, des Écritures, et des idées. A la fin de leurs études, ils n’avaient récolté rien de plus qu’une poignée de connaissances et leurs diplômes. Dans le passé, quand des novices étaient acceptés dans un monastère, on les envoyait immédiatement dans le jardin pour apprendre à désherber, à arroser et à planter en Pleine Conscience. Le premier livre qu’ils lisaient était un recueil de gathas écrit par Maitre Doc The, l’ouvrage qui comprenait les poèmes à réciter en boutonnant votre veste, en vous lavant les mains, en traversant une rivière, en transportant de l’eau, en mettant vos chaussons au petit matin, enfin, des choses pratiques. Ainsi ils pouvaient pratiquer la Pleine Conscience toute la journée. C’était seulement plus tard qu’ils commençaient à étudier les soutras et à participer à des discussions ou à des entretiens privés avec le maître, et, même alors, les études théoriques étaient menées conjointement avec des activités pratiques. Si je devais aider à la création d’une autre université, je calquerais son fonctionnement sur celui des anciens monastères".

Thich Nhat Hanh, « La vision profonde, De la pleine conscience à la contemplation intérieure », Albin Michel n°131, 2009, p. 42-43

Intervalle de présence

"La plupart du temps, c’est à travers nos échanges avec le monde extérieur, nos souvenirs ou nos projections dans l’avenir, que nous faisons l’expérience de l’esprit ou de la conscience. Etes-vous irritable le matin ? Hébété le soir ? Hanté par une relation qui a échoué ? Inquiet pour la santé d’un enfant ? Mettez tout cela de côté. La vraie nature de l’esprit – l’expérience claire de notre connaissance – est obscurcie en temps ordinaire. Quand vous méditez sur l’esprit, essayez de rester concentré sur le moment présent. Ne laissez pas le souvenir d’expériences passées interférer sur le cours de vos réflexions. L’esprit ne doit pas être tourné vers le passé, ni perturbé par des appréhensions ou des espoirs concernant le futur. Une fois éloignées les pensées qui parasitent votre concentration, ce qui subsiste est l’intervalle entre les souvenirs d’expériences passées et vos anticipations et projections dans l’avenir. Cet intervalle est vide. Vous devez vous efforcer de rester concentré sur ce vide.
Au début, votre expérience de cet intervalle ne pourra être que fugitive. Pourtant, à mesure que vous vous perfectionnerez dans cette pratique, vous deviendrez capable de le prolonger. En agissant ainsi, vous vous débarrasserez des pensées qui entravent l’expression de la véritable nature de l’esprit. Peu à peu filtrera l’éclat éblouissant de la connaissance pure. Par la pratique, l’intervalle s’élargira de plus en plus jusqu’à ce qu’il vous soit possible d’entrevoir ce qu’est la conscience. Il est important de comprendre que l’expérience de cet . intervalle mental – la conscience débarrassée de tout processus de pensée – n’a rien à voir avec un « blanc » de l’esprit. Elle ne s’apparente pas davantage à un sommeil profond et sans rêves, ou à un évanouissement.
Au début de votre méditation, dites-vous : « Je ne laisserai pas des pensées sur l’avenir, des anticipations, des peurs, des espoirs, des souvenirs du passé distraire ou égarer mon esprit. Je resterai concentré sur l’instant présent. » Une fois affirmée une telle volonté, prenez l’espace entre passé et futur comme objet de la méditation et maintenez-y simplement votre conscience, libre de tout processus de pensée conceptuel'.

Dalaï-lama, « L’art de la compassion », J’ai Lu n°6959, 2008, p. 93-94

Etre attentif

"Quand je devins étudiant novice au monastère Tu Hieu, j’appris d’abord à rester conscient pendant toutes mes activités – en désherbant le jardin, en ratissant les feuilles autour de la mare, en lavant la vaisselle dans la cuisine. Je pratiquais la Pleine Conscience suivant les enseignements du maître de méditation Doc The dans son petit ouvrage « Principes de pratique quotidienne ». Selon ce livre, nous devons être pleinement conscients de toutes nos actions. Quand nous nous réveillons, nous savons que nous nous réveillons ; pendant que nous boutonnons notre veste, nous savons que nous boutonnons notre veste ; pendant que nous nous lavons les mains, nous savons que nous nous lavons les mains.
…  Quand j’étais enfant, j’ai souvent entendu ma mère dire à ma sœur aînée qu’une fille doit être attentive à chaque moment. J’étais content d’être un garçon qui n’avait pas besoin d’être aussi concentré. Ce fut seulement quand je commençai à pratiquer la méditation que je réalisai que je devais porter mille fois plus attention à mes mouvements que ma sœur ne devait le faire. Et non seulement à mes mouvements, mais aussi à mes pensées et à mes sentiments ! Ma mère, comme toutes les mères, savait qu’une fille qui est attentive à tous ses gestes devient plus belle, plus gracieuse. Ses mouvements ne sont pas saccadés, précipités ou malhabiles ; ils deviennent souples, calmes et gracieux. Sans le savoir, ma mère avait enseigné la méditation à ma sœur".

Thich Nhat Hanh, « La vision profonde, De la pleine conscience à la contemplation intérieure », Albin Michel n°131, 2009, p. 27-29

Terre d'accueil

"Chacun d’entre nous a besoin d’« appartenir » à un endroit, comme un centre de retraite ou un monastère, dans lequel tout élément du paysage, les tintements de la cloche, et même les bâtiments, sont là pour nous rappeler de revenir à la Pleine Conscience. C’est une grande aide que d’aller dans ces lieux de temps en temps, pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines, pour se régénérer. Même si nous ne pouvons pas nous y rendre effectivement, nous avons seulement besoin d’y penser, et nous nous sentons sourire, devenir plus calme et plus heureux.
Les gens qui vivent là irradient la paix et la fraîcheur, les fruits de la vie en Pleine Conscience. Ils sont toujours présents pour prendre soin de nous, nous consoler et nous soutenir, nous aider à guérir nos blessures. Chacun d’entre nous doit trouver une terre d’accueil spirituelle où il peut se retirer de temps en temps, de la même façon que nous courrions nous réfugier chez notre mère quand nous étions jeunes".

Thich Nhat Hanh, « La vision profonde, De la pleine conscience à la contemplation intérieure », Albin Michel n°131, 2009, p. 44

jeudi 2 décembre 2010

S'améliorer

"Peu d'entre nous peuvent affirmer que rien ne vaut la peine d'être amélioré dans leur façon de vivre et dans leur expérience du monde. Certains pensent que leurs travers et leurs émotions conflictuelles contribuent à la richesse de la vie et que c'est cette alchimie singulière qui fait d'eux ce qu'ils sont, une personne unique ; qu'ils doivent apprendre à s'accepter ainsi, à aimer leurs défauts au même titre que leurs qualités. Ceux-là risquent fort de vivre dans une insatisfaction chronique sans se rendre compte qu'ils pourraient s'améliorer au prix d'un peu d'effort et de réflexion.
Imaginons qu'on nous propose de passer une journée entière à éprouver de la jalousie. Qui d'entre nous l'accepterait avec plaisir ? En revanche, si on nous invitait à passer cette même journée le cœur plein d'amour pour les autres, la plupart d'entre nous trouveraient cette option infiniment préférable".

(Matthieu RICARD, « L’art de la méditation », Pocket 2010 n°14068, p. 14)

Village traditionnel, Bénin

Calmer l'esprit

"J’ai pris la dernière bouteille de jus de pomme fait maison et j’ai donné un verre plein à chaque enfant en servant Thanh Thuy la dernière. Comme sa part provenait du fond de la bouteille, il y avait donc un peu de pulpe dans son verre. Quand elle a remarqué les particules, elle a fait la moue et a refusé de le boire. … Une demi-heure plus tard, alors que j’étais en train de méditer dans ma chambre, je l’ai entendue appeler. Thuy voulait se servir elle-même un verre d’eau fraîche mais, même sur la pointe des pieds, elle n’arrivait pas à atteindre le robinet. Je lui rappelai que son verre de jus de fruit était sur la table et le lui demandai de le boire d’abord. En se tournant vers lui, elle se rendit compte que la pulpe s’était déposée et que le jus semblait clair et délicieux. Elle alla jusqu’à la table et prit le verre à deux mains. Après en avoir bu la moitié, elle le reposa et demanda : « Est-ce un verre différent, Grand-Père Moine ? » « Non, répondis-je. C’est le même qu’auparavant. Il s’est assis paisiblement pendant un moment, et maintenant, il est transparent et délicieux. » Thuy observa à nouveau le verre. « Il est vraiment bon. Est-ce qu’il t’a imité pour pratiquer la méditation assise, Grand-Père Moine ?
… » Je suis certain que Thanh Thuy qui n’a pas encore quatre ans et demi, comprend ce qu’est la méditation sans avoir besoin d’explication. Le jus de pomme est devenu clair après s’être reposé un moment. De la même façon, si nous méditons un moment, nous aussi, nous deviendrons clair. Cette clarification nous rafraîchit et nous procure force et sérénité. Comme nous nous sentons rafraîchis, notre environnement se régénère par le fait même. Les enfants aiment à venir près de nous, pas simplement pour avoir des bonbons ou écouter des histoires. Ils aiment être près de nous parce qu’ils peuvent sentir cette « fraîcheur »".

Thich Nhat Hanh, « La vision profonde, De la pleine conscience à la contemplation intérieure », Albin Michel n°131, 2009, p. 11-14

Vigilance

"Un célèbre ermite tibétain limitait sa pratique de la méditation à l’observation de son esprit. Il avait l’habitude, quand une pensée non vertueuse le traversait, de tracer une croix noire sur le mur de sa cellule. Au début, les murs étaient couverts de croix noires. Mais, à mesure qu’il devenait plus vigilant, ses pensées se faisaient plus vertueuses, des croix blanches remplaçaient peu à peu les noires. Appliquons la même vigilance dans notre vie quotidienne !"

Dalaï-lama, « L’art de la compassion », J’ai Lu n°6959, 2008, p. 50