vendredi 28 février 2014

Une seule parole peut anéantir une vie, comme lui redonner sens.

« Si nos pensées sont puissantes, nos paroles le sont aussi. Elles peuvent produire des dégâts et des miracles. Une seule parole peut anéantir une vie, comme lui redonner sens. La puissance du verbe est telle que des hommes qui savent le dominer peuvent entraîner des foules à leur suite, soulever des peuples entiers, bouleverser ou asservir des âmes. Apprenez, ô enfants des hommes, à maîtriser vos paroles. Pensez aux conséquences de vos propos.
Un homme rend visite à un vieux sage : “Maître, je dois te raconter comment se conduit ton disciple.
— Je t'arrête tout de suite ! interrompt le sage. As-tu passé ce que tu veux me dire à travers les trois tamis ?
— Trois tamis ? dit l'homme étonné.
— Tes propos doivent passer par les trois tamis. Le premier est celui de la vérité. As-tu vérifié si ce que tu veux me dire est vrai ?
— Non, je l'ai entendu dire et...
— Bon, alors tu as certainement fait passer tes propos à travers le deuxième tamis, celui de la bonté. Si ce n'est pas tout à fait vrai, ce que tu veux me dire est sans aucun doute quelque chose de bon ?
— Non, bien au contraire...
— Hum, passons tes propos au troisième tamis : est-ce que ce que tu as à me dire est utile...
— Utile ? Pas vraiment...
— Eh bien, conclut le vieux sage en souriant, si ce que tu as à me dire n'est ni vrai ni bon ni utile, je préfère ne pas l'entendre. Et quant à toi, je te conseille de l'oublier.” »
(LENOIR Frédéric, « L’Âme du monde », NiL, 2012, p.152-153)

Stupa de Bodnath (Népal)

lundi 24 février 2014

Les pensées se dissolvent comme les nuages d’été

Ce qu’on appelle communément « esprit » est un tourbillon de pensées qui oscillent entre l’attachement et le rejet, la joie et la peine. Ces pensées entretiennent en nous un état de confusion ... . Contrairement à la conscience éveillée, ce flot de pensées nous entraîne continuellement d’une illusion à une autre. Des sentiments de désir ou de haine surviennent soudain, provoqués par les circonstances les plus diverses comme la rencontre imprévue d’un ami ou d’un ennemi. Si on ne les contrecarre pas immédiatement au moyen d’un antidote approprié, ils s’enracinent et prolifèrent en renforçant le pouvoir des émotions perturbatrices et en créant toujours plus de tendances aux conséquences malheureuses. Pourtant, quelle que soit leur force apparente, il ne s’agit que de pensées qui finiront par disparaître en révélant leur nature vide. Dès que nous reconnaissons la véritable nature de l’esprit, les pensées qui semblent apparaître et disparaître sans jamais cesser ne peuvent plus nous impressionner ni nous leurrer. Comme les nuages d’été qui se forment dans le ciel, demeurent un moment, puis se dissolvent dans l’espace, les pensées éphémères s’élèvent en nous, demeurent un instant, puis s’évanouissent dans la dimension vide de l’esprit. En fait, rien ne s’est véritablement passé.
Quand un rayon de soleil traverse un morceau de cristal, il provoque l’apparition de lumières irisées, claires, brillantes et néanmoins sans substance. De même, les pensées, dans leur infinie variété, qu’elles soient de désir, de dévotion, de compassion, de méchanceté ou autres, sont insaisissables, impalpables, immatérielles ; il n’en est aucune qui ne soit pas pure vacuité. Si vous savez reconnaître cela au moment même où les pensées surgissent, ces dernières s’évanouiront. La haine qu’elles expriment, par exemple, ne pourra plus vous ébranler, et les autres émotions perturbatrices cesseront d’elles-mêmes. Vous ne commettrez plus d’actes malveillants, et, par conséquent, vous ne causerez plus de souffrances.
(Dilgo Khyentsé Rinpotché, cité par Matthieu RICARD, « Chemins spirituels, petite anthologie des plus beaux textes tibétains » (2010), Pocket n°14 777, 2011, p.193-194)


Annapurna II, vue depuis Sarangkot (Népal)

samedi 22 février 2014

Nous sommes programmés pour réagir avant de réfléchir

Comme nous l'avons vu, à l'époque où la vie était beaucoup plus fragile, cette réaction de stress déclenchait le comportement habituel ou instinctif le plus adapté à la survie. Les souvenirs persistants d'événements stressants nous permettaient d'éviter ces situations dans l'avenir. Mais, aujourd'hui, si nous voulons agir de façon appropriée, la régulation du cortex préfrontal nous est souvent plus utile. Dans le monde professionnel moderne, les facteurs de stress ne sont plus des tigres ou des ennemis prêts à nous dévorer ou à nous transpercer à la lance. Il est essentiel d'être capable de penser de manière claire et créative pour gérer les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Or, nous sommes souvent « usés » : submergés par des tracasseries permanentes qui font basculer le cerveau en mode de crise.
Lorsqu'on est « usé », le contrôle des pensées ne relève plus de l'aire préfrontale mais de circuits émotionnels plus primitifs du mésencéphale. La vitesse et les réflexes l'emportent sur la réflexion et la créativité. Les centres émotionnels du cerveau court-circuitent l'aire préfrontale, paralysant l'attention et réduisant l'espace de mémoire dédié aux données nouvelles et aux apprentissages. Plus on est « usé », plus il est difficile de retenir des informations dans la mémoire de travail, d'être attentif ou de réagir avec souplesse – sans parler d'être créatif.
Or, l'entraînement à la pleine conscience peut contribuer à apaiser l'amygdale.
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Nous sommes programmés pour réagir aux changements perçus chez les autres. Leurs sourires, leurs grimaces, leurs froncements de sourcils et leurs rictus nous aident à interpréter les signes de danger qui reflètent parfois les intentions d'un tiers. On comprend aisément l'importance de ce phénomène pour la survie. À l'époque où nos lointains ancêtres parcouraient les plaines ou les jungles, les groupes qui mettaient en commun leurs yeux et leurs oreilles étaient bien plus vigilants que les individus isolés. Dans un monde sans merci, l'aptitude collective à repérer très vite – et parfois discrètement – les signes de menace, mais aussi à mobiliser rapidement la réponse de peur de chacun, élevait sensiblement les chances de survie. La « contagion émotionnelle » – la capacité à influencer les émotions ou le comportement d'autrui en induisant de manière consciente ou inconsciente des états émotionnels et des attitudes – joue un rôle important dans la dynamique interne de tout groupe.
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(CHASKALSON Michael, « Méditer au travail pour concilier sérénité et efficacité » (2011), Préface de Christophe ANDRÉ (2013), CD audio d’exercices conçus et lus par Christophe ANDRÉ (2013), Éditions des Arènes 2013, p.145-147)

Panthère des neiges

mercredi 19 février 2014

Pourquoi s'intéresser à l'attention ?

Assis dans l'herbe face à l'étang, j'attends. Un poisson vient de bondir hors de l'eau et j'attends son retour. Je suis immobile, le regard tranquillement posé sur la surface reflétant la lumière du soleil. Un petit bruit à droite. Fausse alerte. Je n'ai pas bougé, même pas mes yeux. Un petit bruit à gauche. Toujours rien. Le fuyard tarde à revenir. Je fixe toujours, sans bouger. Pourtant, quelque chose en moi se déplace sans cesse. Ce qui bouge quand rien ne bouge, c'est l'attention.
Plus foudroyante encore que mon regard, mon attention balaye le plan d'eau à la recherche de sa proie. À gauche, à droite, droit devant, partout à la fois. Parfois sous mon contrôle, parfois libre, indépendante et capricieuse. Toujours fougueuse, et souvent fugueuse. Pourquoi s'intéresser à l'attention ? Parce qu'elle détermine notre perception du monde, notre rapport à ce qui nous entoure et à nous-même. Elle éclaire le monde et nos pensées, nos sensations et nos sentiments comme une torche. « Mon expérience est définie par ce à quoi je porte attention », disait William James, l'un des pères de la psychologie moderne. Faire attention à un objet, à une scène ou à un être, c’est le faire exister dans le champ de son expérience sensible, c’est lui donner vie. L'attention est un don. On fait attention à quelqu'un, on lui porte attention, comme s'il s'agissait de faire ou d'apporter un cadeau. En anglais, faire attention se dit to attend, ce qui signifie aussi « assister », « être présent ». Faire attention à un proche, c'est être présent à ses côtés... vraiment. Car on peut être présent physiquement tout en étant absent, perdu dans ses pensées - « Je t'ai trouvé absent ».
(LACHAUX Jean-Philippe, « Le cerveau attentif ; Contrôle, maîtrise et lâcher-prise » (2011), Éditions Odile Jacob Poche n°328, 2013, p. 9-10)

Le Lac de Lispach, Vosges (France)

lundi 17 février 2014

Interdépendance et physique quantique

La mécanique quantique a établi que la lumière a une nature duelle, qu'elle prend l'apparence d’une onde ou d'une particule selon l'action de l'observateur. Si l'appareil de mesure est activé, la lumière est particule, sinon elle est onde. En Orient, un physicien bouddhiste ne sera pas pris de court par cette situation. Pour lui, la lumière n'a pas d'existence propre, parce qu'elle est interdépendante de l’observateur, l'interdépendance étant l'un des principes fondamentaux du bouddhisme. Puisque tout est interdépendant, rien ne peut se définir et exister par soi-même. Il va donc de soi que la nature de la lumière se définit en fonction de l'acte d'observation du physicien. Par contre, en Occident où l'idée d’une réalité solide intrinsèque est fortement ancrée, existant indépendamment de tout, et en particulier de l'observateur, il est plus difficile de concevoir que la lumière puisse avoir une nature duelle, dépendant de l'acte d'observation. Je ne pense pas que ce soit par accident que les fondateurs de la physique quantique, tels Niels Bohr et Erwin Schrödinger, aient plaidé pour une unité de pensée entre la science occidentale et les philosophies de l'Orient. Ils percevaient dans la pensée orientale une issue possible permettant de sortir des nombreux paradoxes inhérents à la mécanique quantique appréhendée selon un schéma occidental. Pour Bohr, « parallèlement aux leçons de la théorie atomique [...] nous devons nous tourner vers les problèmes épistémologiques auxquels des penseurs comme le Bouddha et Lao-Tseu ont été déjà confrontés, en essayant d'harmoniser notre situation de spectateurs et acteurs dans le grand drame de l'existence ». [Niels Bohr, « Physique atomique et connaissance humaine », traduit par Edmond Bauer et Roland Omnès, Gallimard, 1991].
(TRINH XUAN THUAN, « Le cosmos et le lotus », 2011, Éditions Albin Michel 2011, p. 156-157)

Lune

vendredi 14 février 2014

Changer : la possibilité

Est-il possible de progresser en matière d'aptitude au bien-être ? On a longtemps pensé que ce n'était pas évident, et qu'il y avait un niveau moyen vers lequel nous avions inévitablement tendance à revenir, pour le meilleur (après de gros chagrins) ou pour le pire (après des événements merveilleux). C'est toujours vrai, mais la nouveauté, c'est qu'on considère aujourd'hui qu'il est possible d'élever ce niveau moyen de bonheur : ponctuellement à la suite d'événements favorables, ou plus durablement, à la suite d'efforts adaptés. Bonne nouvelle, donc : nous sommes moins prédestinés par notre passé, nos gênes et nos habitudes qu'on ne le pensait. Moins bonne nouvelle cependant : ça peut aussi marcher dans l'autre sens, et notre bonheur moyen peut diminuer si nous passons notre temps à ruminer, rouspéter et à nous focaliser sur les mauvais côtés de notre existence. Restons donc attentifs à la maintenance !
(ANDRÉ Christophe, « Et n’oublie pas d’être heureux », Éd. Odile Jacob, 2014, p.72)

À proximité de la guelta de Matmata, (Sud de la Mauritanie)

mardi 11 février 2014

L'interdépendance = Tout est relié

Si vous y regardez de près, rien ne possède d'existence intrinsèque. C'est cette absence d'existence indépendante que nous appelons « vacuité ». Pensez à un arbre : vous aurez tendance à le percevoir en tant qu'objet clairement défini, ce qui est vrai à un certain niveau. Mais un examen attentif vous montrera qu'en fin de compte, il ne possède pas d'existence indépendante.
Si vous le contemplez, vous constaterez qu'il se dissout en un réseau extrêmement subtil de relations s'étendant à l'univers entier : la pluie qui tombe sur ses feuilles, le vent qui l'agite, le sol qui le nourrit et le fait vivre, les saisons et le temps, la lumière de la lune, des étoiles et du soleil — tout cela fait partie de l'arbre.
En poursuivant votre réflexion, vous découvrirez que tout dans l'univers contribue à faire de l'arbre ce qu'il est, qu'il ne peut à aucun moment être isolé du reste du monde et qu'à chaque instant, sa nature se modifie imperceptiblement. C'est ce que nous entendons lorsque nous disons que les choses sont vides, qu'elles n'ont pas d'existence indépendante.
(SOGYAL Rinpoché, « Étincelles d’éveil » (1995), Pocket n°14 913, 2013, pensée du 9 janvier)

Pays Dogon (Mali)

samedi 8 février 2014

Pleine conscience et dépression

Pourquoi il est impossible de « résoudre » les émotions comme des problèmes
Imaginez : vous vous promenez le long d'une rivière par une belle journée ensoleillée. Vous n'êtes pas en pleine forme, mais, au début, vous n'en êtes pas vraiment conscient. Et puis, au bout d'un moment, vous vous sentez un peu cafardeux. Regardant le ciel, vous vous dites : Quelle belle journée, je devrais être heureux.
Arrêtez-vous un instant sur cette idée : Je devrais être heureux.
Comment vous sentez-vous maintenant ? Un peu plus mal ? C'est normal. Pratiquement tout le monde répond de la même façon à cette question. Pourquoi ? Parce que lorsqu'il s'agit d'émotions, comparer ce que nous ressentons et ce que nous aimerions ressentir (ou ce que nous devrions ressentir) rend malheureux et nous éloigne encore plus de l'état souhaité. Cette façon de se focaliser sur l'écart renvoie à la stratégie mentale que nous utilisons pour résoudre les problèmes.
Normalement, quand on n'est pas trop déprimé, on remarque à peine la petite chute de moral que procure cette comparaison. Mais si notre esprit, fonctionnant en mode « faire », s'efforce de résoudre des problèmes comme « Mais qu'est-ce que j'ai ? » et « Pourquoi n'ai-je pas plus de volonté ? », on peut se retrouver piégé. En effet, il va tout naturellement évoquer (et maintenir à la conscience) les idées correspondant au sujet traité – par exemple, l'image de la personne que je suis à cet instant (triste et solitaire), l'image du genre de personne que je veux être (calme et heureuse) et l'idée du genre de personne que je redoute de devenir si je sombre dans la dépression (vaincue et pathétique). Le mode « faire » se concentre ensuite sur la disparité entre ces images, sur tout ce qui nous empêche d'être celui ou celle que nous voudrions être.
Le fait de se concentrer sur la disparité entre la personne que nous voudrions être et celle que nous pensons être nous rend un peu plus déprimé que nous ne l'étions au moment où le mode « faire » s'est mis en marche. Visant à nous « aider », le mode « faire » voyage dans le temps : il recherche le souvenir de notre dernier épisode cafardeux pour essayer de comprendre ce qui s'est passé ou il imagine notre avenir, un avenir gâché par le malheur, pour nous rappeler qu'il faut à tout prix éviter d'en arriver là. Les souvenirs du passé et les images de l'avenir ainsi évoqués ajoutent leur poids à ce qui pèse déjà sur notre humeur. Or plus nos phases dépressives ont été importantes dans le passé, plus les images et les commentaires qui nous reviennent sont négatifs, puissants et nous paraissent avoir une réalité présente. Le sentiment d'infériorité, de solitude nous semble familier, mais, au lieu d'y voir le signe que notre esprit suit à nouveau une ancienne ornière, nous prenons ce caractère familier pour la preuve que tout cela est vrai. C'est pourquoi il est difficile de s'en dégager, comme nos amis et parents nous y incitent certainement : le mode « faire » nous persuade que rien n'est plus important que de nous tirer d'affaire en identifiant et en réglant le « problème ».  ...
Cette activité mentale égocentrique et autocritique que vous appelez peut-être ressassement, est nommée rumination par les psychologues. Quand on rumine, on s'interroge vainement sur son mal-être, sur les causes, la signification et les conséquences de ce mal-être. ...
Quand on a le cafard, on rumine, parce qu'on croit qu'on va trouver ainsi le moyen de résoudre son problème ; les études prouvent pourtant que c'est le contraire qui se produit : l'aptitude à résoudre les problèmes se détériore nettement au cours de la rumination. La rumination est un élément du problème, pas un élément de la solution.
...
II existe une autre stratégie pour gérer les états, les souvenirs et les modes de pensée négatifs dans l'instant, au moment où ils surgissent. L'évolution nous a dotés d'un autre mode d'approche, qui a le pouvoir de nous transformer. On l'appelle la conscience.

La pleine conscience commence par la conscience
En un sens, cette capacité humaine nous est familière depuis toujours. Mais le mode « faire » l'a éclipsée. La conscience ne procède pas par analyse critique, mais par connaissance directe. On l'appelle le mode « être ».
(WILLIAMS Mark, TEASDALE John, SEGAL Zindel, et KABAT-ZINN Jon, « Méditer pour ne plus déprimer » (2007), préface de Christophe ANDRÉ, Éditions Odile Jacob, 2009, p. 67-71 : extraits)

Papillon, rives de la rivière Trishuli (Népal)

mercredi 5 février 2014

Qu’est-ce que la vigilance ?

Qu’est-ce que la « pratique » de la vigilance ? Comment fait-on ?
La vigilance consiste très simplement à se souvenir de fixer l’attention en pleine conscience sur le présent, sur ici et maintenant. C’est la « pensée sans support », le « jeûne de l’esprit », le « vrai silence ». Lorsqu’un objet pénètre dans la conscience par n’importe laquelle des six entrées (les cinq sens et l’imagination), cet objet doit être vu comme il est, sans être bienvenu ou rejeté, sans que le pratiquant cherche à s’y accrocher ou à le repousser – il faut « le laisser aller comme si c’était un morceau de bois pourri », comme disait Huang Po. Tel est le vrai sens de la « voie du milieu » du bouddhisme : voir chaque objet tel qu’il se présente avec un esprit qui soit « alerte, pleinement conscient, auto-attentif, évitant autant l’attachement que la répulsion pour quoi que ce soit ». « N’aimez pas, ne détestez pas, alors tout sera clair. » Le Bouddha avait l’habitude de définir la vigilance et la pleine conscience comme ceci : « voir l’apparition, la présence et la disparition de toutes les perceptions, les sensations et les pensées ». Il avait aussi coutume de dire que son enseignement pouvait se résumer par « voir seulement ce que l’on voit dans ce que l’on voit ; entendre seulement ce que l’on entend dans ce que l’on entend ». C’est la même chose.
Mais quand nous essayons de faire cela, que découvrons-nous ? Nous constatons d’abord qu’il est tout à fait impossible de le faire, ne serait-ce qu’une minute ; l’esprit est emporté par un flot de pensées tumultueuses qui l’empêche d’être assez clair et précis pour éviter de réagir aux pensées et objets qui se présentent. Nous pouvons seulement commencer. Pour cette raison le Bouddha, plein d’« habileté tactique », enseigna la pratique de la vigilance comme une méthode d’entraînement graduel grâce à laquelle, partant d’un état initial de chaos, de confusion et d’indiscipline, l’esprit sauvage peut être sevré de l’habitude de « courtiser des dieux étranges » pour être calme et savoir CE QUI EST.
(BERCHOLZ S. et CHÖDZIN KOHN S., « Pour comprendre le bouddhisme » (1993), Pocket 4794 (2004), par Bhikku Mangalo p.195-196)

Quartier des potiers, Bhaktapur (Népal)

dimanche 2 février 2014

L'entraînement à la pleine conscience peut nous aider à nous rendre plus créatifs

L'entraînement à la pleine conscience, comme l’ont montré Richard Davidson et d'autres chercheurs, ... peut nous aider... à nous rendre plus créatifs.
Dans une étude publiée en 2001, Ronald Friedman et Jens Forster ont analysé l'impact des systèmes d'approche et d’évitement sur la créativité. Deux groupes d'étudiants ont reçu une feuille de papier sur laquelle était dessinée une souris piégée dans un labyrinthe. La consigne était simple : ils devaient aider la souris à sortir du labyrinthe. Mais chaque groupe disposait d'un dessin légèrement différent. Dans la version « approche », un morceau de gruyère était posé à l'extérieur du labyrinthe, devant un trou de souris. Dans la version « évitement », au lieu d'un morceau de fromage alléchant, une chouette, prête à fondre à tout moment sur le rongeur, planait au-dessus du labyrinthe.
Il fallait deux minutes environ pour faire sortir la souris du labyrinthe et tous les étudiants y sont parvenus plus ou moins dans ce délai, quelle que soit la version du dessin sur laquelle ils travaillaient. On pourrait donc penser qu'il n'y avait pas de différence significative entre les groupes. Mais ce sont les répercussions de cette tâche pourtant simple qui ont été stupéfiantes. Un test de créativité, proposé peu après aux étudiants, a montré que ceux qui avaient aidé la souris à éviter la chouette affichaient des performances inférieures de 50 % à celles de leurs camarades qui l'avaient aidé à trouver le fromage. L'état mental provoqué par la présence de la chouette avait généré un sentiment persistant de prudence, d'évitement et de vigilance. Ces sujets affichaient une activité accrue du cortex préfrontal droit, d’où une créativité affaiblie, des options et une flexibilité réduites. En revanche, une activation accrue du cortex préfrontal gauche est associée à une augmentation de la créativité.
(CHASKALSON Michael, « Méditer au travail pour concilier sérénité et efficacité » (2011), Préface de Christophe ANDRÉ (2013), CD audio d’exercices conçus et lus par Christophe ANDRÉ (2013), Éditions des Arènes 2013, p.119-120)