vendredi 25 février 2011

Méditer au téléphone

 "Le téléphone est très pratique mais il peut nous tyranniser. Sa sonnerie peut nous déranger. On peut être interrompus par un trop grand nombre d’appel. Quand on parle au téléphone, on oublie parfois. Que l’on parle au téléphone – on perd alors un temps précieux (et de l’argent). Souvent, on parle de choses qui ne sont pas importantes. Combien de fois n’avons-nous pas fait la grimace en recevant la facture de téléphone ? La sonnerie du téléphone crée en nous une sorte de vibration - et peut-être quelque anxiété : « Qui appelle ? Bonnes ou mauvaises nouvelles ?» Pourtant, une force nous pousse vers le téléphone et l’on ne peut pas y résister. Nous sommes victimes de notre propre téléphone.
Je recommande ceci : la prochaine fois que vous entendez votre téléphone sonner, restez simplement là où vous êtes. Inspirez et expirez en conscience. Souriez et récitez ces vers : « Écoute, écoute. Ce son merveilleux me fait revenir à mon vrai moi. » À la seconde sonnerie, vous pouvez répéter ce vers et votre sourire va encore se renforcer. Quand vous souriez, les muscles de votre visage se détendent et vos tensions disparaissent. Vous pouvez vous permettre de respirer et de sourire ainsi. Car si la personne qui appelle a quelque chose d’important à dire, elle attendra certainement trois sonneries. Quand le téléphone sonne pour la troisième fois, vous pouvez continuer à respirer et à sourire tout en marchant vers le téléphone lentement, d’un air souverain. Vous êtes votre propre maître. Vous savez que votre sourire n’est pas destiné à vous seul, mais aussi à l’autre. Si vous êtes irrité ou en colère, l’autre va recevoir votre négativité. Mais comme vous avez respiré avec attention et que vous souriez, vous demeurez dans la pleine conscience. Quand vous décrochez le téléphone, quelle chance pour la personne qui vous appelle !
Avant de passer un coup de téléphone, vous pouvez aussi inspirer puis expirer trois fois. Ensuite, composez le numéro. Quand vous entendez la sonnerie, vous savez que votre amie pratique la respiration, qu’elle sourit et qu’elle ne décrochera pas avant la troisième sonnerie. Alors dites-vous à vous-même : « Elle respire, pourquoi pas moi ? » Vous inspirez et expirez, elle aussi. C’est très beau !"

Thich Nhat Hanh, « La sérénité de l’instant », préface du XIVème Dalaï-lama, J’ai Lu n°8863, 2009, p. 44-45

Guérir la dépression sans médicaments

"La notion de cohérence du cœur et le fait qu’il soit possible d’apprendre à la contrôler facilement vont à l’encontre de toutes les idées reçues sur la manière de gérer le stress. Un stress chronique provoque anxiété et dépression. Il a aussi des conséquences négatives bien connues sur le corps : insomnie, rides, hypertension, palpitations, mal de dos, problèmes de peau, de digestion, infections récurrentes, infertilité, impuissance sexuelle. Il affecte, enfin, les relations sociales et la performance professionnelle : irritabilité, perte de la capacité d’écoute, baisse de la concentration, repli sur soi et perte de l’esprit d’équipe.
Ces symptômes sont typiques de ce que l’on appelle le surmenage, qui peut concerner aussi bien le travail que le fait de se sentir bloqué dans une relation affective qui nous vide de toute notre énergie. Dans une telle situation, la réaction la plus courante est typiquement de se focaliser sur les conditions extérieures. On se dit : « Si seulement je pouvais changer ma situation je me sentirais beaucoup mieux dans ma tête, et du coup mon corps irait mieux. » Entre-temps, nous serrons les dents, nous attendons le prochain week-end ou les vacances, nous rêvons à des jours meilleurs dans « l’après ». Tout se réglera « quand j’aurai enfin terminé mes études… quand j’aurai déniché un autre job… quand les enfants ne seront plus à la maison… quand j’aurai quitté mon mari… quand je prendrai ma retraite… », et ainsi de suite. Malheureusement, les choses se passent rarement de la sorte. Les mêmes problèmes ont tendance à refaire surface dans d’autres situations, et le fantasme d’un jardin d’Éden enfin trouvé un peu plus loin, au prochain croisement, devient rapidement à nouveau notre principale méthode de gestion du stress. Tristement, nous progressons souvent ainsi jusqu’au jour de notre mort.
La conclusion que l’on peut tirer des études sur les bienfaits de la cohérence cardiaque est aux antipodes : il faut prendre le problème à l’envers. Au lieu d’essayer perpétuellement d’obtenir des circonstances extérieures idéales, il faut commencer par contrôler l’intérieur : notre physiologie. En jugulant le chaos physiologique et en maximisant la cohérence, nous nous sentons automatiquement mieux, tout de suite, et nous améliorons notre rapport aux autres, notre concentration, notre performance et nos résultats. Du coup, les circonstances favorables après lesquelles on ne cesse de courir finissent par se produire, mais c’est presque un effet dérivé, un bénéfice secondaire de la cohérence : dès lors que nous avons apprivoisé notre être intérieur, ce qui peut arriver dans le monde extérieur a moins de prise sur nous".

Servan-Schreiber David – Guérir le stress, l’anxiété et la dépression sans médicaments ni psychanalyse, Editions Robert Laffont 2003, p. 64-66

Menhir, St Brieuc, Côtes d'Armor

Le « flux» et le sourire du Bouddha

"Pour vivre en harmonie dans la société des humains, il faut atteindre et maintenir un équilibre entre nos réactions émotionnelles immédiates – instinctives – et les réponses rationnelles qui préservent les liens sociaux au long cours. L’intelligence émotionnelle s’exprime au mieux lorsque les deux systèmes du cerveau, le cortical et le limbique, coopèrent à chaque instant. Dans cet état, les pensées, les décisions, les gestes, s’agencent et s’écoulent naturellement, sans que nous y prêtions une attention particulière. Dans cet état, nous savons quel choix nous devons faire à chaque instant, et nous poursuivons nos objectifs sans effort, avec une concentration naturelle, parce que nos actions sont alignées sur nos valeurs. Cet état de bien-être est ce à quoi nous aspirons continuellement : la manifestation de l’harmonie parfaite entre le cerveau émotionnel, qui donne l’énergie et la direction, et le cerveau cognitif, qui organise l’exécution. Le grand psychologue américain Millali Csikszentmihalyi (prononcer «chic-sainte-mihal »), qui a grandi dans le chaos de la Hongrie de l’après-guerre, a dédié sa vie à la compréhension de l’essence du bien-être. Il a baptisé cette condition l’état de « flux » (de l’anglais « flow ») .
Curieusement, il existe un marqueur physiologique très simple de cette harmonie cérébrale, dont Darwin a étudié les fondements biologiques il y a plus d’un siècle : le sourire. Un sourire faux – celui auquel on s’oblige pour des raisons d’ordre social – ne mobilise que les muscles zygomatiques de la face, ceux qui, retroussant les lèvres, découvrent les dents. Un sourire « vrai », par contre, mobilise en outre les muscles qui entourent les yeux. Or ceux-ci ne peuvent pas être contractés volontairement, c’est-à-dire par le cerveau cognitif. La commande doit provenir des régions limbiques, primitives et profondes. C’est pour cette raison que les yeux, eux, ne mentent jamais : c’est leur plissement qui signe l’authenticité ou non d’un sourire. Un sourire chaleureux, un sourire vrai, nous donne à comprendre intuitivement que notre interlocuteur se trouve, à cet instant précis, dans un état d’harmonie entre ce qu’il pense et ce qu’il ressent, entre cognition et émotion. Le cerveau a une capacité innée à atteindre l’état de flux. Son symbole le plus universel est le sourire sur le visage du Bouddha".

Servan-Schreiber David – Guérir le stress, l’anxiété et la dépression sans médicaments ni psychanalyse, Editions Robert Laffont 2003, p. 45-46

Une pièce pour respirer

"Nous avons une pièce pour chaque chose – pour manger, pour dormir, pour regarder la télévision – mais nous n’avons pas de pièce pour la pleine conscience. Je recommande d’installer une petite pièce dans nos maisons que nous appellerons la « pièce pour respirer », où nous pourrons être seuls et pratiquer respiration et sourire, tout au moins dans les moments difficiles. Cette petite pièce devrait être considérée comme une ambassade du Royaume de la Paix. Elle devrait être respectée, inviolée par la colère, les cris ou ce genre de choses. Quand un enfant sera sur le point de se faire gronder, il pourra se réfugier dans cette pièce. Ni son père ni sa mère n’y pourront plus le gronder. Il sera en sécurité dans le périmètre de cette ambassade. Les parents aussi auront parfois besoin d’y trouver refuge – pour s’asseoir, pour respirer, pour sourire et récupérer. Du coup, cette pièce pourra servir à toute la famille.
Je recommande de décorer très simplement la pièce pour respirer et de ne pas trop l’éclairer. On pourra y installer une petite cloche qui fasse un joli son,(...).
Imaginez que votre mari est en colère. Comme il a appris à respirer, il sait que le mieux qui lui reste à faire est d’aller dans cette pièce, de s’asseoir et de pratiquer. Vous ne vous apercevrez peut-être pas qu’il y est allé ; vous étiez occupée à couper des carottes à la cuisine. Mais vous souffrez aussi, parce que vous venez justement d’avoir une altercation. Vous coupez les carottes un peu brutalement parce que l’énergie de la colère est prise dans ce mouvement. Soudain, vous entendez la cloche – et vous savez quoi faire. Vous arrêtez de couper et vous commencez à respirer. Vous vous sentez mieux, vous commencez peut-être même à sourire en pensant à votre mari qui sait quoi faire quand il est fâché. Il est assis dans la pièce pour respirer, il respire et il sourit : c’est merveilleux, peu de gens font ça. Soudain, un sentiment de tendresse s’élève et vous vous sentez beaucoup mieux. Après trois respirations, vous recommencez à couper les carottes, mais cette fois d’une tout autre manière.
Votre enfant, qui a été témoin de la scène, a senti qu’une tempête était sur le point d’éclater. Elle s’est retirée dans sa chambre, a fermé la porte et a attendu en silence. Mais au lieu d’une tempête, elle a entendu la cloche et elle a compris ce qui était en train de se passer. Elle a été tellement soulagée qu’elle a voulu montrer sa gratitude à son père. Elle est allée lentement dans la pièce pour respirer, a ouvert la porte, est entrée tranquillement et s’est assise à côté de son père pour lui exprimer son soutien. Lui, cela l’aide beaucoup. Il se sent déjà prêt à ressortir – il est capable de sourire maintenant – mais comme sa fille est assise là, il veut faire tinter la cloche de nouveau pour que sa fille puisse respirer.
Dans la cuisine, vous entendez la cloche pour la deuxième fois. Vous réalisez qu’il y a peut-être mieux à faire que de couper des carottes. Vous posez votre couteau et vous allez dans la pièce pour respirer. Votre mari a conscience que la porte s’ouvre et que vous entrez. Alors, bien qu’il soit maintenant tout à fait bien, puisque vous entrez, il reste encore quelque temps et fait tinter la cloche pour que vous puissiez respirer. C’est une scène très belle. Si vous êtes très riche, vous pouvez acheter de magnifiques Van Gogh et les accrocher dans votre salon. Mais ce sera moins beau que cette scène dans la pièce pour respirer. La pratique de la paix et de la réconciliation est l’une des actions humaines les plus belles et les plus artistiques".

Thich Nhat Hanh, « La sérénité de l’instant », préface du XIVème Dalaï-lama, J’ai Lu n°8863, 2009, p. 60-62

Mouvements lents

"Toute action que vous effectuez est composée d’éléments différents. Lacer vos chaussures, par exemple, donne lieu à une série complexe de mouvements élémentaires. La plupart d’entre eux ne sont pas observés. Afin de développer l’habitude globale d’être Attentif, vous pouvez effectuer des activités simples à vitesse très lente – en faisant un effort pour porter attention à chaque détail de l’action.
Prenez l’exemple de boire une tasse de thé en étant assis à une table. Beaucoup de choses sont à observer. Remarquez votre posture assise. Sentez l’anse de la tasse entre vos doigts. Humez l’arôme du thé. Remarquez la position de la tasse, de votre bras, de la table. Observez l’apparition de l’intention de lever le bras, sentez la tasse contre vos lèvres et le liquide qui coule dans la bouche. Notez le goût du thé. Observez ensuite l’intention de baisser le bras. Tout ce processus est à la fois beau et fascinant, si vous l’observez complètement, en exerçant une attention détachée à chaque sensation ainsi qu’au flux de la pensée.
Ce même schéma peut être appliqué à beaucoup d’autres activités quotidiennes. En diminuant intentionnellement la vitesse de vos pensées, de vos paroles et de vos mouvements, vous les pénétrerez beaucoup plus profondément qu’il ne vous serait possible de le faire autrement. Au début, cette vitesse délibérément lente est difficile à conserver dans les activités ordinaires, mais la capacité s’en développe avec le temps. Si des réalisations profondes ont lieu pendant la méditation assise, des révélations encore plus profondes peuvent se produire lorsque nous examinons notre propre fonctionnement intérieur au sein de l’activité. C’est là que se trouve le laboratoire où nous commençons réellement à voir les mécanismes de nos propres émotions et les effets de nos passions. C’est là que nous pouvons vraiment mesurer la fiabilité de notre raisonnement, percevoir la différence entre nos véritables motivations et l’armure de faux-semblants que nous entretenons pour nous duper et duper es autres.
Une grande partie de ces découvertes est surprenante. Beaucoup sont dérangeantes, mais toutes sont utiles. L’attention pure apporte de l’ordre dans la confusion qui règne dans les détours cachés du mental. A mesure que vous développez une compréhension claire au sein des activités ordinaires de la vie, vous gagnez la capacité de demeurer rationnel et paisible, tout en faisant pénétrer la lumière de l’Attention dans les coins et recoins irrationnels du mental. Vous commencez à voir à quel point vous êtes responsable de votre propre souffrance mentale. Vous voyez que vos propres misères, peurs et tensions sont produites par vous-même. Vous voyez de quelle façon vous êtes la cause de votre propre souffrance, de vos propres faiblesses et limitations, Et, plus vous comprenez profondément ces processus mentaux, moins ils ont de prise sur vous".

Vénérable Hénépola GUNARATANA, « Méditer au quotidien, une pratique simple du bouddhisme », Marabout n°3644, 2010, p. 244-246

Vivre au présent

"Nous savons préparer nos vies, mais pas toujours les vivre. Nous savons comment sacrifier dix ans pour un diplôme et nous sommes prêts à travailler très dur pour obtenir un poste, une voiture, une maison, etc… Mais nous avons du mal à nous rappeler que nous sommes vivants au moment présent, le seul où nous puissions l’être. Chaque inspiration que l’on prend, chaque pas que l’on fait peut être empli de paix, de joie et de sérénité. Il nous faut simplement nous éveiller, vivant au moment présent. … Le bonheur n’est possible qu’au moment présent. Bien sûr, planifier le futur fait partie de la vie. Mais la planification elle-même ne peut avoir lieu qu’au moment présent".

Thich Nhat Hanh, « La sérénité de l’instant », préface du XIVème Dalaï-lama, J’ai Lu n°8863, 2009, p. 19-20

Aimer guérit

"- Moi qui suis maintenant au seuil de ma vie, je deviens convaincu que l’amour est la solution à la plupart des problèmes que rencontrent les êtres humains dans leur vie. Cela peut sembler une idée simple, convenue, et pourtant pratiquement personne ne la met en œuvre, car il est souvent difficile d‘aimer.
- Disons qu’il y a des gens qu’on n’a vraiment pas envie d’aimer. J’ai même l’impression parfois que certains font tout pour ne pas être aimés !
- Certains sont méchants car ils ne s’aiment pas eux-mêmes. D’autres sont pénibles parce qu’ils ont beaucoup souffert et veulent le faire payer à la terre entière. Quelques-uns, parce qu’ils se sont fait avoir par des gens et croient se protéger par une attitude désagréable. Certains ont été tellement déçus par les autres qu’ils ont refermé leur cœur en se disant qu’ils ne seraient plus déçus à l’avenir s’ils n’attendaient plus rien des autres. D’autres sont égoïstes car ils sont persuadés que tout le monde l’est, et ils croient alors qu’ils seront plus heureux s’ils passent avant les autres. Le point commun entre tous ces gens est que, si vous les aimez, vous les surprenez, car ils ne s’y attendent pas. La plupart, d’ailleurs, refuseront d’y croire au début, tellement cela leur semble anormal. Mais si vous persévérez et le leur démontrez, par exemple dans des actes gratuits,cela peut bouleverser leur façon de voir le monde et, accessoirement, leurs relations avec vous.
- Je veux bien l’admettre, mais ce n’est pas facile d’aller vers des personnes comme ça en ayant des sentiments positifs à leur égard.
- C’est plus facile si vous savez qu’un autre point commun entre tous ces gens est qu’il y a néanmoins une intention positive derrière chacun de leurs actes. Ils croient que ce qu’ils font est la meilleure chose à faire, voire la seule possible. C’est pour cela que, même si ce qu’ils font est critiquable, ce qui motive leurs comportements est souvent compréhensible.
Pour pouvoir aimer une telle personne, distinguez-la de ses actes. Dites-vous que, malgré son attitude détestable, il y a quelque part, au fond d’elle, peut-être très enfoui et sans qu’elle le sache elle-même, quelque chose de bien. Si vous parvenez à percevoir ce quelque chose et que vous l‘aimez, vous amènerez cette personne à entrer en contact avec cette petite part d’elle-même.
Vous savez, l’amour est la meilleure façon d’obtenir un changement chez l’autre. Si vous allez vers quelqu’un en lui reprochant ce qu’il a fait, vous le poussez à camper sur sa position et à ne pas écouter vos arguments. Se sentant rejeté, il rejettera vos idées. Si, à l’inverse, vous allez vers lui en étant convaincu que, même si ce qu’il a fait ou dit est désastreux, il est, au fond de lui, quelqu’un de bien et qu’il avait une intention positive en le faisant, vous l’amenez à se détendre et à s’ouvrir à ce que vous voulez lui dire. C’est la seule façon de lui offrir une chance de changer.
(…) Les gens ont tendance à se comporter selon la façon dont on les voit, à s’identifier à ce que l’on perçoit d’eux. Il faut comprendre que chacun de nous a des qualités et des défauts ; ce sur quoi l’on focalise son attention a tendance à prendre de l’ampleur, à s’étendre. Si vous braquez les projecteurs sur les qualités d’une personne, même si elles sont infimes, elles s’accentueront, se développeront jusqu’à devenir prépondérantes. D’où l’importance d’avoir dans votre entourage des gens qui croient en vous, en vos qualités et en vos capacités".

GOUNELLE Laurent, « L’homme qui voulait être heureux », Pocket n°13 841, 2010, p. 125-127

village de Vaux, Moselle

lundi 14 février 2011

Penser moins

"Quand nous pratiquons la respiration consciente, nos pensées ralentissent. Nous pouvons nous reposer vraiment. La plupart du temps, nous pensons trop. La respiration consciente nous aide à nous calmer, à nous détendre, à être paisible. Elle nous aide à ne pas penser autant et à ne pas être possédé par la tristesse du passé et les angoisses du futur. Elle nous relie à la vie, merveilleuse au moment présent.
Bien sûr, penser est important. Mais bon nombre de nos pensées sont inutiles. C’est comme si, dans la tête, chacun d’entre nous avait une cassette qui n’en finit pas de tourner, jour et nuit. On pense à ceci, à cela et c’est difficile d’arrêter. Avec une cassette, on n’a qu’à appuyer sur le bouton. Mais avec nos pensées, il n’y a pas de bouton. Parfois, on pense et on s’inquiète tellement qu’on n’arrive plus à dormir. Si le médecin nous donne des tranquillisants et des somnifères, cela va peut-être aggraver la situation – ce type de sommeil n’étant pas vraiment réparateur. Et si l’on continue à utiliser ces drogues, on devient dépendant. On continue à vivre dans la tension et on fait parfois des cauchemars.
Avec la méthode de respiration consciente, on inspire et on expire… et on arrête de penser ! Car dire « inspire » et « expire », ce n’est pas penser : « inspire » et « expire » ne sont que des mots qui nous aident à nous concentrer sur notre respiration. Si l’on continue à inspirer et expirer de cette façon pendant quelques minutes, nous nous sentons vraiment revigorés. Nous, nous retrouvons. Nous découvrons les belles choses du présent qui nous entourent. Le passé n’est plus là, le futur n’est pas encore. Si l’on ne revient pas à soi au moment présent, on ne peut pas être en contact avec la vie.
Quand nous sommes en contact avec les éléments de régénération, d’apaisement et de guérison qui sont en nous et à l’extérieur de nous, nous apprenons à chérir, à protéger ces choses et à les faire grandir. Ces éléments propices à la paix nous sont accessibles à chaque instant".

Thich Nhat Hanh, « La sérénité de l’instant », préface du XIVème Dalaï-lama, J’ai Lu n°8863, 2009, p. 25-26



Changer, c'est vivre...

"-La résistance au changement, c’est la principale différence entre l’enfant et l’adulte : l’enfant a envie d’évoluer. L’adulte fait tout pour ne pas changer.
- Peut-être.
– Je vais te donner mon sentiment…
Il se pencha légèrement vers moi et prit le ton de la confidence.
- Quand on n’a plus envie d’évoluer, c’est que l’on commence tout doucement à mourir…
- Je me suis rendu compte d’une chose troublante, reprit-il. Chez la plupart des gens, cette volonté de ne plus faire évoluer son comportement apparaît aux alentours de vingt ou vingt-cinq ans. Tu sais à quoi correspond cet âge, biologiquement ?
– Non.
– C’est l’âge auquel le processus de développement du cerveau se termine.
– Alors, ce n’est peut-être pas un hasard si c’est l’âge auquel on n’a plus envie d’évoluer. C’est donc peut-être naturel…
- Oui, mais l’histoire ne s’arrête pas là. On a longtemps cru que le nombre de nos neurones diminuait alors de façon irréversible jusqu’à la fin de notre vie. Mais on a très récemment prouvé que l’on pouvait continuer d’en créer, étant adulte.
– Vous me remontez le moral je commençais à me sentir vieux...
– Plus précisément, ce processus de régénération peut survenir sous l’effet de différents facteurs, parmi lesquels… l’apprentissage. Bref, si l’on décide de continuer à apprendre et à évoluer, on reste jeune. Le corps et l’esprit sont intimement liés. Tu en veux une preuve ?
– Oui.
– Statistiques officielles du ministère de la Santé : au moment où la plupart des gens prennent leur retraite, leur santé décline brutalement. Pourquoi, d’après toi ? Tant qu’ils sont en activité, ils sont plus ou moins tenus de s’adapter, d’évoluer au moins un peu pour ne pas être considérés comme de vieux ringards. Dès qu’ils prennent leur retraite, ils ne font plus d’efforts sur ce point. Ils se figent dans leurs habitudes, et c’est le déclin qui commence…
- C’est gai…
- Pour rester en vie, il suffit de rester dans la vie, c’est-à-dire d’être dans le mouvement, d’évoluer. Je connais une femme qui s’est mise au piano à quatre-vingt-un ans. C’est fabuleux ! Tout le monde sait qu’il faut des années d’apprentissage avant de savoir vraiment en jouer. Ça veut dire qu’à quatre-vingt-un ans, elle considère que ça vaut quand même le coup d’investir quelques années à apprendre un instrument de musique pour ensuite savoir en jouer ! Je parierais gros sur ses capacités de vivre encore longtemps.
Si tu veux rester jeune toute ta vie, continue d’évoluer, d’apprendre, de découvrir, et ne t’enferme pas dans des habitudes qui sclérosent l’esprit, ni dans le confort engourdissant de ce que tu sais déjà faire".

GOUNELLE Laurent, « Dieu voyage toujours incognito », éd. Anne Carrière, 2010, p. 125-128

La paix se développe d’abord en nous

"Accomplir la paix dans le monde par la transformation intérieure est difficile, mais nous devons nous y efforcer car c’est la seule façon d’y arriver. Où que j’aille, c’est ce que je prône. Ce qui m’encourage, c’est que des gens dont les chemins de vie sont très différents comprennent mon message. La paix se développe d’abord en nous. Et je crois que l’amour, la compassion et l’altruisme sont les bases fondamentales de la paix. Une fois que ces qualités se sont développées dans un individu, peut alors se créer une atmosphère de paix et d’harmonie. Cette atmosphère s’étend de l’individu à sa famille, puis de la famille à la communauté et finalement au monde entier".
 (Sa Sainteté le XIVème Dalaï-lama en préface du livre de Thich Nhat Hanh, « La sérénité de l’instant », J’ai Lu n°8863, 2009)
 ... et la suite de cette préface : "« La sérénité de l’instant » est le guide pour un voyage dans cette direction-là. Thich Nhat Hanh enseigne d’abord la pleine conscience de la respiration et des petites actions de la vie quotidienne. Il nous montre ensuite comment utiliser les bénéfices de la pleine conscience et de la concentration pour transformer et guérir les états psychologiques difficiles. Enfin, il met en évidence le lien entre la paix de l’âme et la paix sur Terre. C’est un livre de grande valeur. Il peut changer la vie des individus – et transformer notre société tout entière".

Etre le changement

"- Ma conviction, reprit-il, est que tout changement doit venir de l’intérieur de soi, pas de l’extérieur. Ce n’est ni une organisation, ni un gouvernement, ni un nouveau patron, ni un syndicat, ni un nouveau conjoint qui changeront ta vie. ... • En fait, le problème n’est pas là. La réalité, c’est que personne ne changera ta vie, si ce n’est toi. C’est pour ça qu’il faut se prendre en main. ... Note bien, je crois que la pensée de Gandhi [« Nous devons être le changement que nous voulons voir dans le monde. »] dépassait les considérations individuelles, les attentes personnelles de changement. Je pense qu’il désignait surtout les évolutions que chacun aimerait voir dans la société d’une manière générale, et il voulait sans doute dire qu’il est beaucoup plus fort d’incarner soi-même la voie à suivre, et finalement d’être un modèle pour les autres, que de simplement dénoncer et critiquer".

GOUNELLE Laurent, « Dieu voyage toujours incognito », éd. Anne Carrière, 2010, p. 120-121

Inter-être

"Si vous êtes un poète, vous verrez clairement le nuage flotter dans cette feuille de papier. Sans nuage, pas de pluie. Sans pluie, les arbres ne peuvent pas pousser. Et sans arbres, on ne peut pas faire de papier. Le nuage est essentiel à l’existence du papier. Si le nuage n’est pas là, la feuille de papier n’y est pas non plus. Donc on peut dire que nuage et feuille de papier « inter-sont». Inter-être n’est pas encore dans le dictionnaire, mais si on combine le préfixe « inter» et le verbe « être», on a un nouveau verbe : inter-être.
Si l’on regarde encore plus en profondeur cette feuille de papier, on peut y voir le soleil. Sans soleil, la forêt ne grandit pas. En fait, rien ne grandit sans soleil. Du coup, on sait que le soleil est aussi dans cette feuille de papier. Le soleil et le papier inter-sont. Et si l’on continue à regarder, on peut voir le bûcheron qui a coupé l’arbre et l’a mené à la fabrique pour le transformer en papier. Et l’on voit alors le blé. Nous savons que le bûcheron ne peut exister sans son pain quotidien – et du coup, le blé qui est devenu son pain est aussi dans la feuille de papier. Le père et la mère du bûcheron y sont aussi. Quand l’on regarde de cette façon, nous voyons bien que sans toutes ces choses, la feuille de papier ne peut pas exister.
En regardant encore plus profondément, nous pouvons nous y voir nous aussi, dans cette feuille de papier. Ce n’est pas difficile à voir puisque la feuille regardée fait partie de notre perception. Votre esprit est là – et le mien aussi. On peut donc dire que tout est dans cette feuille de papier. Il est impossible d’y nommer une chose qui n’y soit pas – le temps, l’espace, la terre, la pluie, les minéraux du sous-sol, le soleil, le nuage, la rivière, la chaleur. Tout coexiste dans cette feuille de papier. C’est pourquoi je pense que le mot inter-être devrait être dans le dictionnaire : « être », c’est inter-être. On n’est jamais tout seul. Nous devons inter-être avec tout ce qui existe. Cette feuille de papier est, car tout le reste est.
Supposez que nous voulions faire revenir un de ces éléments à sa source, les rayons du soleil au soleil, par exemple. Pensez-vous que cette feuille de papier pourra continuer d’exister ? Non : car sans la lumière du soleil, rien ne peut être. Et si nous supprimions le bûcheron, le faisant revenir au temps précédant sa conception, alors nous n’aurions pas non plus de feuille de papier. Le fait est que cette feuille de papier est uniquement faite d’éléments « non-papier ». Et si nous faisions revenir ces éléments à leur source, alors il n’y aurait plus de papier du tout. Sans éléments « non-papier », comme l’esprit, le bûcheron, la lumière du soleil, etc., il n’y aura pas de papier. Aussi fine que soit cette feuille de papier, elle contient tout l’univers en elle".

Thich Nhat Hanh, « La sérénité de l’instant », préface du XIVème Dalaï-lama, J’ai Lu n°8863, 2009, p.113-115

jeudi 3 février 2011

Jardiner, c'est bon pour le moral!

Jardiner, c'est bon pour le moral!
"Outre l'activité physique que cela représente, jardiner expose à aspirer et à ingérer en quantité une bactérie naturellement présente dans le sol, Mycobacterium vaccae. Récemment, une étude a montré que celle-ci stimule la croissance des neurones cérébraux et la production locale de sérotonine, ce qui se manifeste sur le plan clinique par une sédation nette de l'anxiété et une augmentation des capacités à apprendre..."

Pratiques de Santé, Hors-série n°40, janvier 2011


Cultures au Bénin

Léon Tolstoï, « Les trois questions »

"Un jour, il apparut à un empereur que si seulement il connaissait la réponse aux trois questions suivantes, rien ne le ferait jamais s’écarter du droit chemin :
  • Quel est le meilleur moment pour chaque chose ?
  • Quelles sont les plus importantes personnes avec lesquelles travailler ?
  • Quelle est la plus importante chose à faire à tout moment ?
L’empereur promulgua un décret dans tout son empire annonçant que quiconque pourrait répondre aux trois questions recevrait une grosse récompense. Près avoir lu ce décret, beaucoup se dirigèrent vers le palais en apportant leurs multiples réponses.
En réponse à la première question, quelqu’un suggéra à l’empereur d’établir un emploi du temps complet, avec les heures, jours, mois et années, et les tâches à accomplir. En le suivant à la lettre l’empereur pourrait espérer parvenir à faire chaque chose au bon moment.
Un autre rétorqua qu’il était impossible de tout prévoir, que l’empereur devait mettre de côté toutes les distractions inutiles et qu’il devait rester attentif à toutes choses afin de savoir quand et comment agir.
Un autre encore insista sur le fait que l’empereur seul ne pouvait espérer posséder la clairvoyance et la compétence nécessaires pour décider quand faire chaque chose. Il lui semblait primordial de nommer un Conseil des Sages et d’agir selon leurs recommandations.
Un autre encore dit que certaines questions nécessitaient une décision immédiate et ne pouvaient attendre une consultation. Cependant, si le souverain désirait connaître à l’avance ce qui allait se produire, il lui était possible d’interroger le devins et les magiciens.
Les réponses à la seconde question divergeaient aussi beaucoup.
Quelqu’un dit que l’empereur devait placer toute sa confiance en ses ministres, un autre recommanda les prêtres et les moines tandis que d’autres encore suggéraient les médecins ou même les militaires.
À la troisième question, à nouveau des réponses très variées furent proposées. Certains affirmèrent que la science était la plus importante des recherches, d’autres insistèrent sur la religion et d’autres encore sur l’art militaire.
L’empereur ne fut satisfait par aucune des réponses données, et la récompense ne fut pas attribuée.
Après plusieurs nuits de réflexion, le souverain décida de rendre visite à un ermite vivant dans la montagne qui était tenu pour un être illuminé. Tout en sachant que l’ermite ne quittait jamais les montagnes et qu’il était connu pour ne recevoir que les gens pauvres et refuser tout contact avec les riches et les puissants, l’empereur souhaitait rencontrer le saint homme pour lui soumettre les trois questions. C’est ainsi que le souverain se déguisa en pauvre paysan et demanda à son escorte de l’attendre au pied de la montagne pendant qu’il partait seul à la recherche de l’ermite.
En atteignant la demeure du saint homme, l’empereur l’aperçut en train de bêcher le jardin devant sa hutte. À la vue de l’étranger, l’ermite salua de la tête et continua à bêcher. C’était un labeur apparemment très pénible pour lui car il était vieux ; il haletait bruyamment chaque fois qu’il enfonçait la bêche dans le sol pour retourner la terre.
L’empereur s’approcha de lui et dit : « J’ai trois questions auxquelles j’aimerais que vous m’aidiez à répondre : Quel est le meilleur moment pour chaque chose ? Quelles sont les plus importantes personnes avec lesquelles travailler ? Quelle est la plus importante chose à faire à tout moment ? »
L’ermite écouta attentivement, puis il tapota sur l’épaule de l’empereur et se remit à bêcher. Le monarque dit alors : « Vous devez être fatigué. Laissez-moi vous aider. » Le vieil homme le remercia, lui tendit la bêche et s’assit par terre pour se poser.
Après avoir bêché deux plates-bandes, l’empereur s’arrêta, se tourna vers l’ermite et lui répéta ses trois questions. De nouveau, le vieil homme ne lui répondit pas, mais, se leva, montra la bêche et dit : « Pourquoi ne vous reposez-vous pas un peu ? Je vais reprendre. » Mais l’empereur continua à retourner la terre : Une heure passa, puis deux. Finalement le soleil se cacha derrière la montagne. Le souverain posa la bêche et dit à l’ermite : « Écoutez, je suis venu ici vous demander si vous pouviez répondre à mes trois questions. Mais si vous n’êtes pas en mesure de le faire, dites-le-moi afin que je puisse rentrer chez moi. »
L’ermite leva la tête et demanda à l’empereur : « N’entendez-vous pas quelqu’un qui court dans notre direction ? » L’empereur tourna la tête et vit un homme avec une longue barbe blanche surgir des bois. Il courait de manière désordonnée, les deux mains pressant une blessure sanglante qu’il avait au ventre. L’homme courut vers le souverain. Avant de s’écrouler sans connaissance sur le sol. Il gémissait. En ouvrant sa chemise, l’empereur et l’ermite découvrirent une profonde plaie. Le monarque nettoya complètement la blessure, puis il utilisa sa propre chemise pour le panser. Comme le sang coulait abondamment, il dut rincer la chemise et bander plusieurs fois, et ce jusqu’à ce que la plaie s’arrête de saigner.
Finalement, l’homme blessé reprit connaissance et demanda un peu d’eau. L’empereur courut jusqu’au ruisseau et rapporta une jarre d’eau fraîche. Pendant ce temps, le soleil avait disparu et le froid de la nuit était en train de s’installer. L’ermite aida l’empereur à porter l’homme dans la hutte où ils l’allongèrent sur le lit. Là, il ferma les yeux et s’assoupit paisiblement. Le souverain était épuisé par sa longue journée passé journée passée à marcher dans la montagne et à bêcher le jardin. Appuyé contre la porte, il s’endormit. Quand il se réveilla, le soleil était déjà haut au-dessus des montagnes. Pendant un moment, il oublia où il était et ce qu’il était venu faire. Il regarda vers le lit et vit l’homme blessé qui se demandait lui aussi ce qu’il faisait dans cette hutte. Lorsque celui-ci aperçut l’empereur, il le fixa attentivement du regard et dit dans un murmure à peine perceptible : « S’il vous plaît, pardonnez-moi. »
« Mais qu’avez-vous donc fait qui mérite d’être pardonné ? », demanda le souverain.
« Vous ne me connaissez pas, Votre Majesté, mais moi je vous connais. J’étais votre ennemi juré et j’avais fait le vœu de me venger car lors de la dernière guerre, vous avez tué mon frère et saisi tous mes biens. Quand j’ai appris que vous veniez seul sur cette montagne pour rencontrer l’ermite, j’ai décidé de monter un guet-apens et de vous tuer. J’ai attendu longtemps, mais ne vous voyant pas venir, j’ai quitté ma cachette pour tenter de vous trouver. C’est ainsi que je suis tombé sur les gardes de votre escorte qui m’ont reconnu et m’ont infligé cette blessure. Heureusement, j’ai réussi à prendre la fuite et à courir jusqu’ici. Si je ne vous avais pas rencontré, je serais certainement mort à l’heure qu’il est. J’avais l’intention de vous tuer et au lieu de cela, vous m’avez sauvé la vie ! J’éprouve une grande honte, mais aussi une reconnaissance infinie. Si je reste en vie, je fais le vœu de vous servir jusqu’à mon dernier souffle et j’ordonnerai à mes enfants et petits-enfants de suivre mon exemple. Je vous en supplie, Majesté, accordez-moi votre pardon ! »
L’empereur était comblé de joie de voir avec quelle facilité il s’était réconcilié avec un ancien ennemi. Non seulement il lui pardonna, mais de plus il promit de lui faire restituer tous ses biens et fit envoyer son propre médecin et ses serviteurs pour s’occuper de lui jusqu’à sa guérison complète. Après avoir donné l’ordre à son escorte de ramener l’homme chez lui, il revint voir l’ermite. Le souverain désirait poser une dernière fois les trois questions au vieil homme avant de retourner à son palais. Il trouva l’ermite en train de semer des graines dans les plates-bandes bêchées la veille.
Le vieil homme se leva et le regarda. « Mais vous avez déjà la réponse à ces questions. »
« Comment cela ? », dit l’empereur intrigué.
« Hier, si vous n’aviez pas eu pitié de mon âge et ne m’aviez aidé à retourner la terre , vous auriez été attaqué par cet homme à votre retour . Vous auriez alors profondément regretté de ne pas être resté avec moi.
Par conséquent, le moment le plus important était le temps passé à bêcher le jardin, la personne la plus importante était moi-même, et la chose la plus importante était de m’aider. Plus tard, lorsque l’homme blessé est arrivé, le moment le plus important était celui que vous avez passé à soigner la plaie, car si vous ne l’aviez pas fait, il serait mort et vous auriez raté l’occasion de vous réconcilier avec un ennemi. De la même façon, il était la personne la plus importante, et soigner la blessure était la tâche la plus importante. Rappelez-vous qu’il n’existe qu’un seul moment important, c’est maintenant. Cet instant présent est le seul moment sur lequel nous pouvons exercer notre maîtrise. La plus importante personne est toujours la personne avec qui vous êtes, celle qui est en face de vous, car qui sait si vous aurez affaire à quelqu’un d’autre dans le futur ? La tâche la plus importante est de rendre heureuse la personne qui est à vos côtés, car cela seul est la recherche de la vie. »
Léon Tolstoï, « Les trois questions » (1885) in « Maîtres et serviteurs »
L’histoire de Tolstoï semble tirée des Écritures : à mes yeux, elle est aussi riche et profonde que n’importe quel texte sacré. Nous parlons d’œuvres sociales, de contribuer à aider l’humanité et à amener la paix dans le monde, mais nous oublions souvent que nous devons vivre avant tout pour les gens qui nous entourent. Si vous ne savez pas rendre service à votre mari, votre femme, votre enfant vos parents, comment allez-vous faire pour servir la société ? Si vous ne savez pas rendre heureux votre propre enfant, comment pouvez-vous étendre rendre qui que ce soit heureux ? ...
Servir la paix. Servir ceux qui sont dans le besoin. Le verbe servir est si vaste. Revenons abord à un échelon plus modeste : nos familles, nos camarades de classe, nos amis, notre propre communauté.  … Comment pouvons-nous vivre l’instant présent, vivre ici et maintenant avec les personnes qui nous entourent, en contribuant à diminuer leur souffrance et à leur apporter du bonheur ? Comment ? En pratiquant la Pleine Conscience. Le principe que Tolstoï nous offre paraît simple. Mais si nous voulons le mettre en pratique, il faut utiliser des méthodes de Pleine Conscience afin de chercher et trouver la Voie".

Thich Nhat Hanh, « Le miracle de la pleine conscience », J’ai Lu n°8774, 2010, p. 71-78