dimanche 31 mai 2015

Reconnaître et conduire le flux des pensées (1)

Personne ne peut me mettre en colère, si ce n'est moi-même.
Il est incroyablement apaisant de constater que nous pouvons influencer nos pensées. Mais cela implique d’apprendre à les connaître, à les nommer et à les admettre. Les pensées ne sont que des pensées. Ce ne sont pas des faits, c'est ce que notre esprit produit à partir des faits. Étonnant, n'est-ce pas ?
Vous pouvez apprendre à diriger vos pensées, à les identifier, à les accepter et à régulièrement mettre en doute leur degré de vérité. Cela commence simplement par les observer, par exemple quand vous faites la vaisselle, juste avant une compétition sportive, en conduisant, en faisant la queue.
Vous constatez alors la diversité des types d'idées :
  • des idées sur vous-même : si seulement je...
  • des idées sur d'autres : les choses iraient beaucoup mieux s'il faisait plus d'efforts...
  • des doutes : est-ce que j'accorde assez d'attention à mon enfant ou pas assez ?
  • des inquiétudes : que se passerait-il s'il faisait cela ?
  • des idées fausses : il n'arrivera jamais à rien.
Les enfants aussi ont des centaines de doutes et d'angoisses concernant leurs relations sociales, l'école, ce qui se passe à la maison, les modifications qui s'opèrent en eux. Notre cerveau produit environ trois mille idées par heure, soit en moyenne cinquante-deux par minute, presque une par seconde. C'est énorme. Avant que vous vous en rendiez compte, elles vous entraînent, vous êtes, en pensée ailleurs que ce à quoi vous étiez occupé. Et... vous croyez aussi tout ce que vous pensez. Que faire alors de toutes ces pensées ?
Au cours des formations « L'attention, ça marche ! » que nous donnons dans les écoles et aux parents, nous examinons comment l’esprit travaille, de façon à comprendre que nous avons des idées et que nous ne sommes pas nos idées. Si ce n'était pas le cas, nous ne pourrions pas les observer. Nous commençons alors par une sorte de jeu que vous pouvez faire chez vous.
S'arrêter une minute de penser
Les plus jeunes reçoivent la consigne d'arrêter de penser et surtout de ne pas penser à un régime de bananes. « Facile », dit José. Après une minute, je vois des visages tendus. Les enfants ont fait leur possible, mais sans succès. « C'est idiot ! Je n'ai fait que penser à ce que je ne voulais pas penser ! »
Qu'avez-vous constaté durant cette minute ?
Les enfants déclarent qu'ils n'ont pas pu réprimer des idées concernant les bananes. En effet, dès que vous essayez de chasser une idée, vous obtenez l'effet inverse. De plus, lorsque vous laissez ensuite libre cours à vos pensées, les idées réprimées surgissent bien davantage que si vous n'aviez pas essayé de les bloquer. Si c'est déjà le cas pour les idées neutres, vous pouvez imaginer ce qui se produit pour des préoccupations. (*)
(*) L'intérêt de l'exercice présenté ici a été largement confirmé par des expériences rigoureuses, dont les premières ont été menées à l'université de Virginie par Daniel Wegner et son équipe (D. Wegner et al., « Paradoxical effects of thought suppression »,Journal of Personality and Social Psychology,1987, 53 : 5-13. — D. Wegner, White bears and other unwanted thoughts : Suppression, obsession and the psychology of mental control, New York, Viking, 1989 ; rééd. Guilford, 1994. — D. Wegner, « Ironic processes of mental control », Psychological Review, 1994, 101 : 34-52).
Par ailleurs, les thérapeutes cognitive-comportementalistes ont montré l'effet contre-productif de la volonté de contrôler et d'éliminer des idées anxiogènes dans le développement des troubles obsessionnels compulsifs (TOC) (cf : P. Salkovskis, « Obsessional-compulsive problems : a cognitive-behavioural analysis », Behaviour Research and Therapy, 1985, 25, 571-583).

(SNEL Éline, « Respirez : la méditation pour les parents et les ados » (2014), Éditions des Arènes, 2015, p.70-73)

Parc national des lacs de Plitvice (Croatie)

samedi 23 mai 2015

Trois bonnes choses

C’est un exercice classique de psychologie positive : le soir, avant de s’endormir, penser à trois bons moments de la journée. Pas des moments exceptionnels, juste de tout petits bons moments : une rigolade avec un proche, une lecture intéressante, un compliment, une musique qui nous a touché, le sentiment fugitif entre 11 h 15 et 11 h 18 que notre vie était belle, etc. Y penser intentionnellement et avec intensité, c’est-à-dire pas juste effleurer le souvenir de ces moments en deux secondes et demie, puis passer aux soucis du jour et du lendemain. Non, vraiment leur faire de la place : les évoquer, les visualiser, les ressentir à nouveau, dans le corps tout entier et pas seulement dans la tête ; pas tellement y réfléchir, mais plutôt les savourer.
Pratiquer cela tous les soirs pendant quelques semaines va améliorer notre moral et notre bien-être, et notre sommeil aussi. Et pourtant qui le fait et le refait régulièrement ? Même moi, qui suis un convaincu, qui trouve l’exercice agréable et instructif, et qui connaît tous ces travaux, je dois régulièrement me réactiver, me remotiver, pour m’y remettre. Toute la difficulté de la psychologie positive est là : dans cette simplicité qui cache la nécessité d’une régularité bien plus exigeante qu’on ne le croit.
(ANDRÉ Christophe, « Et n’oublie pas d’être heureux », Éd. Odile Jacob, 2014, p.342)

Parc national des lacs de Plitvice (Croatie)

lundi 4 mai 2015

Nous aimer nous-mêmes est la base de la compassion

Nous avons tendance à croire que nous connaissons et comprenons déjà très bien les êtres qui nous sont chers, mais ce n'est hélas pas souvent le cas. Si nous ne sommes même pas capables de comprendre notre propre souffrance et nos propres perceptions, comment pourrions-nous comprendre celles des autres ? Nous ne devrions pas être trop certains d'avoir compris ceux qui nous entourent. Demandons-nous plutôt : « Est-ce que je me comprends suffisamment ? Est-ce que je comprends ma souffrance ? Est-ce que j'en connais les causes ?»
Une fois votre propre souffrance reconnue et comprise en profondeur, vous serez aussi plus apte à comprendre l'autre et plus à même de communiquer. Si vous ne vous acceptez pas, si vous vous détestez ou êtes en colère contre vous-même, comment pouvez-vous aimer quelqu'un d'autre et lui exprimer votre amour ?
Se comprendre est crucial peur comprendre autrui ; s’aimer soi-même est crucial pour aimer autrui. Une fois que vous comprenez votre souffrance, vous souffrez moins et vous pouvez comprendre plus facilement la souffrance d'une autre personne. Quand vous pourrez reconnaître la souffrance en l'autre et voir comment elle est apparue, la compassion naîtra en vous. Vous n’aurez plus aucun désir de punir ou de taire des reproches. Vous pourrez écouter profondément et lorsque vous parlerez, la compassion et la compréhension émaneront de vos paroles. Votre interlocuteur se sentira beaucoup plus à l'aise grâce à la compréhension et à l'amour transmis par votre voix.
Revenir « chez nous », revenir à nous-mêmes pour comprendre notre souffrance et ses racines est le premier pas. Une fois que nous avons compris notre souffrance et que nous savons d'où elle vient, nous sommes en mesure de communiquer avec les autres de telle sorte qu'ils souffrent moins, eux aussi. Nos relations dépendent de la capacité de chacun de nous à comprendre nos propres difficultés et aspirations, et celles des autres.
Quand vous pouvez vraiment revenir en vous et vous écouter, vous pouvez profiter de chaque moment qu'il vous est donné de vivre. Vous pouvez vous réjouir de chaque instant. Grâce à une bonne communication intérieure, facilitée par la respiration en pleine conscience, vous pouvez commencer à vous comprendre, à comprendre votre souffrance comme votre bonheur. En sachant gérer votre souffrance, vous savez en même temps générer du bonheur. Et, si vous êtes vraiment heureux, votre entourage ressentira ce bonheur et en tirera profit. Le monde a besoin de gens heureux.
(Thich Nhat Hanh, « L’art de communiquer en pleine conscience »(2013), Le courrier du Livre 2014, p.37-38)

Lac Skadar (Monténégro)