dimanche 29 juin 2014

Le vocabulaire, révélateur d'un mode de pensée

Je songeais juste... que la différence entre la langue tibétaine et l'anglais permet en quelque sorte d'entrevoir une différence fondamentale de points de vue. En tibétain, pour dire "je" et "moi", nous employons le mot "nga" et, pour dire "nous", c'est le mot "ngatso". Ainsi, au niveau élémentaire des mots proprement dits, la langue tibétaine crée un lien étroit entre le "Je" individuel et le "Nous" collectif. "Ngatso", l'équivalent de notre "nous", signifie littéralement une collection de "Je" ou une multitude de "je". Ce sont donc en quelque sorte des "moi" multiples. Ainsi, lorsque vous vous identifiez à un groupe, s'y intégrer revient à étendre le sens individuel de soi, au lieu de le perdre. Tandis qu'en anglais comme en français, les termes "nous" et "je" n'ont apparemment aucun lien, les racines de ces deux mots sont différentes, elles n'ont aucun rapport étymologique. … Aussi, vos questions sur le "Moi" par rapport au "Nous" renvoient peut-être au fait qu'en Occident il existe une certaine opposition entre le "Moi" et le "Nous". Ainsi, quand vous vous identifiez à un groupe, ou quand vous faites partie d'un groupe plus vaste, c'est un peu comme si vous renonciez ou comme si vous perdiez votre identité individuelle…
(DALAÏ-LAMA et CUTLER Howard, « L’art du bonheur dans un monde incertain » (2009), Éditions Robert Laffont, 2011, p.80)


Dans les ruines de Stari Bar (Monténégro)

vendredi 27 juin 2014

Le mécanisme de la contagion des émotions

À la suite de deux attaques, les connexions entre les yeux et le cortex visuel d'un homme appelé le patient X par les médecins avaient été détruites. Ses yeux continuaient à percevoir les signaux, mais son cerveau ne savait plus les déchiffrer, ni même enregistrer leur arrivée. Le patient X était — ou du moins semblait — complètement aveugle.
Quand on présentait à ce patient différentes formes, cercles et carrés, ou les photos d'hommes et de femmes, il n'avait pas la moindre idée de ce que voyaient ses yeux. Mais quand, sur les photos, les visages exprimaient la colère ou le plaisir, il devenait soudain capable de deviner quelles étaient ces expressions, dans une proportion bien supérieure au hasard. Mais comment ?
Les scanners de son cerveau effectués pendant qu'il identifiait ces émotions ont révélé qu'une voie différente de la voie habituelle pour la vue passait des yeux au thalamus, où tous les sens aboutissent d'abord dans le cerveau, avant d'arriver au cortex visuel. Cette seconde route renvoie l'information directement du thalamus à l'amygdale (le cerveau en possède deux, la droite et la gauche). L'amygdale extrait ensuite la signification émotionnelle du message non verbal, que ce soit une grimace, un brusque changement de posture ou une modification du timbre de la voix, quelques microsecondes avant que nous sachions ce que nous regardons.
Bien que l'amygdale soit extrêmement sensible à ces messages, son câblage neural ne permet aucun accès direct au centre de la parole ; en ce sens, l'amygdale est littéralement muette. Quand nous enregistrons une sensation, les signaux émanant de nos circuits cérébraux, au lieu d'alerter l'aire verbale où les mots peuvent exprimer ce que nous savons, reproduisent cette émotion dans notre corps. Le patient X ne voyait donc pas les expressions des visages, il les sentait. C'est ce qu'on appelle la « vision aveugle affective ».
Dans un cerveau intact, l'amygdale se sert de cette même voie pour lire les aspects émotionnels de ce que nous percevons – tonalité satisfaite dans une voix, nuance de colère dans un regard, posture de défaite – et traite ensuite cette information à un niveau subliminal, c'est-à-dire inaccessible à la conscience. Cette vigilance réflexe, inconsciente, signale l'émotion en la reproduisant (ou en suscitant une réaction telle que la peur devant la colère) en nous – mécanisme essentiel de la « contagion » des émotions.
...
La contagion émotionnelle passe par ce qu'on peut appeler la « route basse » du cerveau. La route basse est un circuit qui opère à notre insu, automatiquement et sans effort, à une vitesse incroyable. Une grande partie de nos actes sont pilotés par des réseaux neuraux massifs opérant par la route basse – surtout dans notre vie émotionnelle. Lorsque nous sommes captivés par un beau visage ou sensibles au sarcasme contenu dans une remarque, c'est à la route basse que nous le devons.La « route haute », à l'inverse, passe par des systèmes neuraux qui travaillent plus méthodiquement, étape par étape, et non sans efforts. Elle est consciente et nous donne sur notre vie intérieure un certain contrôle que la route basse nous refuse. Quand nous réfléchissons au moyen d'approcher ce beau visage, quand nous cherchons la meilleure riposte à un sarcasme, nous empruntons la route haute.
...
Si, donc, les émotions se transmettent d'individu à individu en silence et à notre insu, c'est parce que leur circuit de propagation se trouve dans la route basse. Pour simplifier, cette route emprunte des circuits neuraux qui traversent l'amygdale et autres structures automatiques, tandis que la route haute envoie des impulsions au cortex préfrontal, le centre exécutif du cerveau, qui contient notre capacité d'intention — et nous permet de penser ce qui nous arrive.
Les deux routes enregistrent les informations à des vitesses très différentes. La route basse est plus rapide que précise ; la route haute, plus lente, nous donne une vue plus juste de ce qui se passe. La route basse est hâtive, grossière, la route haute est pondérée, raffinée. Pour reprendre les termes du philosophe John Dewey, l'une fait « clac clac, on réagit d'abord, on réfléchit après », et l'autre « hésite, observe ».
La différence de rapidité de ces deux systèmes – l'émotionnel, instantané, prend largement de vitesse le rationnel – nous permet de prendre des décisions subites que nous regrettons parfois ou que nous devons justifier après coup. Quand la route basse a réagi, la haute n'a bien souvent qu'à en tirer le meilleur parti. Comme l'a écrit l'auteur de science-fiction Robert Heinlein : « L'homme n'est pas un animal rationnel, mais un animal rationalisant. »
(GOLEMAN Daniel, « Cultiver l’intelligence relationnelle » (2006), Éditions Pocket, n°14433, 2013, p. 32-36)


Détail d'une statue d'un Bouddha (Musée Guimet à Paris, France)

mercredi 25 juin 2014

Vivre l'instant

« Un vieux roi vient de mourir. Son fils unique monte sur le trône pour lui succéder. Conscient de son ignorance, il convoque les hommes les plus savants du royaume. Il leur demande de voyager à travers le monde pour rapporter toute la science et toute la sagesse connues à cette époque. Ils reviennent seize ans plus tard chargés de livres de toutes langues. Le roi réalise qu'une seule vie ne pourrait lui suffire pour tout lire, tout apprendre, tout comprendre. Il demande donc aux érudits de lire ces livres à sa place, puis d'en tirer l'essentiel et de rédiger pour chaque science un ouvrage accessible.
Seize années passent encore avant que les savants constituent pour le roi une bibliothèque faite des seuls résumés de toute la science et de toute la sagesse humaine. Le roi devenu vieux comprend qu'il n'aura pas le temps de lire et d'intégrer tous ces ouvrages. Il prie donc les savants d'écrire un article par science, en allant à l'essentiel. Huit années passent. Fatigué et malade, le roi demande à chacun de résumer rapidement son article en une phrase. Quatre années furent encore nécessaires pour cette tâche.
À la fin, un seul livre est écrit qui contient une seule phrase sur chacune des sciences et des sagesses du monde. Au vieux conseiller qui lui apporte l'ouvrage, le roi mourant murmure : “Donne-moi une seule phrase qui résume tout ce savoir, toute cette sagesse. Juste une seule phrase avant que je ne meure !
— Sire, dit le conseiller, toute la sagesse du monde tient en deux mots : Vivre l'instant.” »
(LENOIR Frédéric, « L’Âme du monde », NiL, 2012, p.154-155)


Canyon de la rivière Tara (Monténégro)

dimanche 22 juin 2014

De l'importance de la maîtrise de soi et de l'attention

Bien qu'elle ne compte qu'à peine plus de cent mille habitants, la commune de Dunedin abrite l'une des plus grandes universités du pays. Cette caractéristique en a fait la candidate idéale pour une des études les plus significatives des annales de la science sur les ingrédients d'une vie réussie.
Ce projet à l'ambition colossale consistait à étudier de près 1 037 sujets — tous les bébés nés sur une période de douze mois — pendant l'enfance et à les faire suivre pendant plusieurs décennies par une équipe venue de différents pays. L'équipe comportait les représentants de nombreuses disciplines, chacune possédant sa propre optique sur la maîtrise de soi, ce marqueur déterminant de la conscience de soi.
Ces enfants ont été soumis tout au long de leur vie scolaire, à une batterie impressionnante de tests, comme l'évaluation de leur tolérance à la frustration ou de leur niveau d'agitation, d'un côté, et de la force de leur concentration et de leur persistance, de l'autre.
Après une interruption de deux décennies, on les a tous retrouvés, sauf quatre pour cent d'entre eux (ce qui est beaucoup plus facile dans un pays stable comme la Nouvelle-Zélande que, par exemple, aux États-Unis, où la mobilité est particulièrement élevée). Désormais jeunes adultes, ils ont été évalués en matière de :
  • santé : que ce soit en laboratoire ou lors d'examens médicaux, on a analysé leur état cardio-vasculaire, métabolique, psychiatrique, respiratoire et même dentaire et inflammatoire ;
  • prospérité : on a vérifié s'ils possédaient une épargne, une maison, s'ils étaient parents célibataires, rencontraient des problèmes d'endettement, avaient investi de l'argent, ou disposaient d'un capital retraite ;
  • délinquance : toutes les archives de la justice en Nouvelle-Zélande et en Australie ont été fouillées pour voir s'ils avaient été condamnés pour un délit.
Plus ils avaient été capables de maîtrise de soi à l'enfance, mieux les sujets de Dunedin étaient lotis passé la trentaine. Ils étaient en meilleure santé, plus prospères et plus respectueux des lois. Inversement, moins ils avaient su gérer leurs pulsions à l'enfance, moins ils gagnaient d'argent, moins leur santé était bonne et plus ils avaient de chances de posséder un casier judiciaire.
Voilà le grand choc : l'analyse statistique a permis de révéler que la capacité d'un enfant à se maîtriser est un aussi bon indicateur prédictif de sa réussite financière et de sa santé à l'âge adulte (ainsi que de son casier judiciaire, d'ailleurs) que la classe sociale, la fortune familiale ou le QI. La force de volonté est apparue comme un facteur à part entière de la réussite d'une vie – en vérité, pour la réussite économique, la maîtrise de soi à l'enfance s'est avérée un meilleur indicateur que le QI ou la classe sociale de la famille d’origine.
Il en va de même avec la réussite scolaire. Lors d'une expérience où l'on proposait à des élèves américains de quatrième de recevoir un dollar immédiatement ou deux dollars dans une semaine, ce critère élémentaire de maîtrise de soi s'est révélé plus corrélé à leur moyenne de notes que leur QI. Une forte aptitude à se maîtriser ne prédit pas seulement de meilleures notes, mais un bon ajustement émotionnel, de meilleures aptitudes interpersonnelles, un plus grand sentiment de sécurité et davantage de faculté d'adaptation.
Résumons : un enfant a beau jouir de la plus privilégiée des enfances sur le plan économique, s'il n'apprend pas à retarder la gratification dans la poursuite de ses objectifs, cet avantage de départ peut facilement s'effacer au fil de la vie. Aux États-Unis, par exemple, parmi les enfants de parents appartenant à la tranche des vingt pour cent les plus riches, seuls deux sur cinq connaîtront le même niveau de privilège ; environ six pour cent dériveront jusqu'à atteindre la tranche des vingt pour cent les plus pauvres. Savoir se montrer consciencieux constitue apparemment un atout aussi puissant à long terme que la fréquentation de bonnes écoles et de camps de vacances ruineux ou que de disposer des professeurs particuliers. Ne sous-estimez pas l'importance du fait qu'un enfant travaille sa guitare ou qu'il tienne sa promesse de nourrir le hamster et nettoyer sa cage.
Autre conclusion de base : tout ce que l'on peut faire pour accroître la capacité de l'enfant à exercer son contrôle cognitif lui sera utile toute sa vie.
(GOLEMAN Daniel, « Focus, Attention et concentration : les clefs de la réussite » (2013), Éditions Robert Laffont, p.93-95)

Boucle de la rivière Rijeka Crnojevica, avec le lac Skadar en toile de fond (Monténégro)

dimanche 15 juin 2014

La pleine conscience est l'antithèse de la rumination mentale qui entretient et provoque les états dépressifs

Qu'est-ce que la pleine conscience ?
La pleine conscience est la conscience obtenue par l'attention que l'on porte délibérément, dans l'instant et sans jugement, aux choses telles qu'elles sont. Et à quoi porter attention, demanderez-vous ? À n'importe quoi, à tout, mais surtout aux aspects de la vie que nous avons le plus négligés. On peut par exemple commencer à s'intéresser aux composants essentiels de l'expérience : ce qu'on ressent, ce qu'on a en tête, la manière dont on perçoit ou dont on sait quelque chose. La pleine conscience, c'est porter attention aux choses telles qu'elles sont et non telles que nous voudrions qu'elles soient. Pourquoi ce type d'attention est-il utile ? Parce que c'est l'antithèse exacte de la rumination mentale qui entretient et provoque les états dépressifs.
Tout d'abord, la pleine conscience est intentionnelle. La cultiver nous aide à mieux voir la réalité présente et les choix qui s'offrent à nous. La rumination, au contraire, est souvent une réaction automatique à ce qui nous sollicite. Pratiquement inconsciente, elle nous égare dans nos pensées.
Ensuite, la pleine conscience est une expérience directement centrée sur le moment présent. Quand on rumine, à l'inverse, on a l'esprit occupé par des idées et des abstractions qui sont ires loin d'une expérience sensorielle directe. La rumination propulse notre pensée vers le passé ou vers l'avenir.
Enfin, la pleine conscience est sans jugement. Elle a cette vertu de nous faire voir les choses telles qu'elles sont dans l'instant présent et de les laisser être telles qu'elles sont déjà. Dans la rumination et le mode « faire », au contraire, l'évaluation et le jugement sont inévitables. Et juger (en bien ou en mal, positivement ou négativement) implique pour nous-même ou les choses qui nous entourent, la prise en compte de certains standards préétablis. L'habitude de se juger sévèrement se cache souvent derrière les tentatives censées nous aider à mieux vivre et à être une meilleure personne, mais dans la réalité, cette habitude de juger finit par fonctionner comme un tyran irrationnel, impossible à satisfaire.
(WILLIAMS Mark, TEASDALE John, SEGAL Zindel, et KABAT-ZINN Jon, « Méditer pour ne plus déprimer » (2007), préface de Christophe ANDRÉ, Éditions Odile Jacob, 2009, p.73-74)

Crocus, Parc National du Durmitor  (Monténégro)

mercredi 11 juin 2014

Le temps est précieux

Ne perdez pas de temps, le temps est précieux, chaque seconde compte, chaque seconde est unique, irremplaçable pleine de fantastiques possibilités. Nous dilapidons le temps comme des enfants immatures qui se croient éternels. Nous remettons en permanence plus tard ce que nous pouvons faire le jour même. Et nous laissons passer bien des possibilités d'agir, d'être heureux, de rendre les autres heureux. Qui peut affirmer qu'il sera là demain. Réfléchissez au sens de vos vies, l'espoir d'un futur est vain, la réalité est au présent. Ne nuisez pas aux autres, témoignez-leur votre amour, impliquez-vous dans leur vie.
(Sages paroles du Dalaï-lama, présentées par Catherine Barry, 2001, Éditions J'ai Lu, p.83)

La rivière Tara vue du pont Djurdjevica (Monténégro)

vendredi 6 juin 2014

Peu de choses réjouissent plus l’ego que de corriger les erreurs des autres…

Les cinq cloches
Il était une fois une auberge appelée « L’Étoile d’argent ». L’aubergiste ne parvenait pas à boucler son budget, encore qu’il fit tout son possible pour attirer les clients en rendant l’auberge confortable, le service cordial et les prix raisonnables. Aussi, en désespoir de cause, il alla consulter un sage.
Après avoir écouté le récit de ses malheurs, le sage dit : « C’est très simple. Vous devez changer le nom de votre auberge. »
– Impossible ! dit l’aubergiste : elle s’est appelée « L’Étoile d’argent » depuis des générations et elle est très bien connue à travers tout le pays.
– Non, répondit fermement le sage : vous devez l’appeler « Les Cinq Cloches » et disposer une rangée de six cloches pendues à l’entrée.
– Six cloches ? Mais c’est absurde. Qu’est-ce que ça apporterait de bon ?
– Essayez et vous verrez, dit le sage avec un sourire.
Alors l’aubergiste fit l’essai. Et voici ce qu’il vit. Tous les voyageurs qui passaient devant l’auberge entraient pour signaler l’erreur chacun pensant qu’aucun autre ne l’avait remarquée. Une fois l’intérieur, ils étaient impressionnés par la cordialité du service et s’attardaient afin de se rafraîchir assurant ainsi à l’aubergiste le succès qu’il avait cherché si longtemps.
Peu de choses réjouissent plus l’ego que de corriger les erreurs des autres…
(Anthony de Mello, s.j., « Histoires d’humour et de sagesse » [1987], Éd. Albin Michel poche 2011 n°172, p.171-172)

Cloche sur un ghat de Pashupatinath (Népal)

mercredi 4 juin 2014

Nature et méditation

Si vous trouvez difficile de pratiquer la méditation chez vous en ville, faites preuve d'imagination, partez dans la nature. La nature est toujours une source d'inspiration inépuisable. Pour calmer votre esprit, promenez-vous dans un parc à l'aube, ou admirez la rosée posée sur la rose d'un jardin. Allongez-vous sur le sol et contemplez le ciel. Laissez votre esprit se perdre dans son immensité. Que le ciel extérieur éveille le ciel intérieur de votre être. Debout près d'un ruisseau, laissez votre esprit se mêler à la course de l'eau. Unissez-vous à son murmure incessant. Asseyez-vous près d'une cascade et laissez son chant apaisant purifier votre esprit. Marchez le long de la mer et laissez le vent du large caresser votre visage. Célébrez le clair de lune ; que sa beauté emplisse votre esprit de grâce. Asseyez-vous près d'un lac ou dans un jardin et, tout en respirant paisiblement, laissez le silence s'établir en vous tandis que la lune monte, lentement et majestueusement, dans la nuit claire.
(SOGYAL Rinpoché, « Étincelles d’éveil » (1995), Pocket n°14 913, 2013, pensée du 23 août)

Lac Skadar (Monténégro)