lundi 29 octobre 2012

Pourquoi changer ?

Les enfants, qui sont des individus très pragmatiques, ne font pas toujours ce que leur conseillent leurs parents, ils reproduisent plutôt ce que ces derniers font, estimant sans doute que la vérité d’un individu se retrouve plus dans ses actes que dans ses paroles…
(ANDRÉ Christophe et LELORD François, « Comment gérer les personnalités difficiles » [1996/2000], Éd. Odile Jacob poche, n°10, p.232)

Un des meilleurs moyens de faire changer les gens n’est pas de leur expliquer ce qu’ils doivent faire ou penser, mais de leur montrer l’exemple.
(ANDRÉ Christophe et LELORD François, « Comment gérer les personnalités difficiles » [1996/2000], Éd. Odile Jacob poche, n°10, p.241)

La liberté extérieure que nous atteindrons dépend du degré de liberté intérieure que nous aurons acquis. Si telle est la juste compréhension de la liberté, notre effort principal doit être consacré à accomplir un changement en nous-même.
(Mahatma Gandhi, cité par Matthieu RICARD, « Plaidoyer pour le bonheur », Pocket n°12 276, 2005, p.87 ; cette citation figure, avec un traduction légèrement différente, dans Gandhi  « Tous les hommes son frères », Folio essais n°130, 2005, p.248)
Nous devons être le changement que nous voulons dans le monde.
(attribué au Mahatma Gandhi, cité  par Matthieu RICARD, « Plaidoyer pour le bonheur », Pocket n°12 276, 2005, p. 347)

« Note bien, je crois que la pensée de Gandhi [« Nous devons être le changement que nous voulons voir dans le monde. »] dépassait les considérations individuelles, les attentes personnelles de changement. Je pense qu’il désignait surtout les évolutions que chacun aimerait voir dans la société d’une manière générale, et il voulait sans doute dire qu’il est beaucoup plus fort d’incarner soi-même la voie à suivre, et finalement d’être un modèle pour les autres, que de simplement dénoncer et critiquer.
(GOUNELLE Laurent, « Dieu voyage toujours incognito », éd. Anne Carrière, 2010, p. 120-121)

Chenille devenue papillon, Château de Hac  (Bretagne)



samedi 27 octobre 2012

L'amour romantique est aveugle

... Pourquoi devient-on amoureux ? Pourquoi tombe-t-on amoureux d’une personne plutôt que d’une autre ? Parce que nous sommes conditionnés. Il y a dans notre subconscient une image qui correspond au type de personne qui nous séduit, nous attire. En conséquence, lorsque nous rencontrons un être qui colle à cette image, nous en tombons éperdument amoureux. Mais avons-nous vraiment vu cette personne ? Non, nous ne la verrons qu’après l’avoir épousée. C’est alors que nous verrons clair ! Mais c’est peut-être à ce moment-là que le véritable amour pourra commencer. Tomber amoureux n’a rien à voit avec l’amour. Ce n’est pas l’amour, c’est du désir, un désir brûlant. Vous voulez, de tout votre cœur, que cette adorable créature ne cesse de vous répéter que vous lui plaisez. Cela vous donne une sensation extraordinaire. Et pendant ce temps-là, ceux qui vous entourent disent peut-être « Mais que peut-il bien lui trouver ? » C’est ça le conditionnement : vous ne voyez pas. On dit d’ailleurs que l’amour est aveugle. Croyez-moi, il n’y a rien de plus clairvoyant que le véritable amour. L’attachement inconditionnel est aveugle, la dépendance est aveugle. S’accrocher, avoir besoin, désirer quelqu’un signifie être aveugle. C’est le contraire du véritable amour. N’appelez pas cela amour. Bien sûr, le mot a perdu son sens sacré dans la plupart des langues modernes. Les gens parlent de « faire l’amour », de « tomber amoureux ». …
Alors que veut dire être amoureux ? La première chose est de clarifier notre perception. La raison pour laquelle nous ne voyons pas clairement la personne dont nous sommes tombés amoureux est évidente : nos émotions nous font obstacle, ainsi que notre conditionnement, nos préférences et nos dégoûts. Nous devons nous colleter avec ce fait. Mais nous devons nous colleter également avec des éléments plus fondamentaux : nos idées, nos convictions, nos concepts.
(Anthony de Mello, s.j., « Quand la conscience s’éveille » [1984], Éd. Albin Michel 2010, p.150-151)

Cadenas symbolisant un amour éternel, dans un parc de  Riga (Lettonie)

mercredi 24 octobre 2012

L’attention aux pensées

L’attention
Livré à soi-même, l’esprit est comparable à un oiseau frétillant qui volette de branche en branche, ou plonge d’un arbre jusqu’à terre pour se renvoler dans un autre arbre. Dans cette image, les branches, le sol et l’autre arbre représentent les exigences de nos cinq sens, de même que nos pensées et nos émotions. Toutes ces choses ont l’air très intéressant et sont puissamment attirantes. Et comme il est toujours en train de se passer quelque chose en nous et autour de nous, le pauvre oiseau frétillant a beaucoup de mal à se poser. Il n’est pas étonnant que je rencontre beaucoup de personnes qui se plaignent d’être stressées la plupart du temps ! Cette espèce de volettement perpétuel avec nos sens surchargés et nos pensées, comme nos émotions, qui exigent d’être reconnues, voilà ce qui nous empêche de rester détendus et concentrés. ...
(Yongey Mingyour Rinpotché, « Bonheur de la sagesse », préfacé par Matthieu Ricard, Le livre de poche n°32 372, 2011, p. 182)

Cinquième pas : l’attention aux pensées
Le travail sur l’activité des perceptions sensorielles est en quelque sorte une préparation au travail sur l’oiseau frétillant lui-même – la multitude des idées, des jugements et des concepts qui le poussent à sauter de branche en branche. Les pensées sont un peu plus insaisissables que les fleurs, les sons ou les sensations physiques. De prime abord, elles se précipitent comme l’eau qui dévale un escarpement. On ne peut pas vraiment les voir. Mais en y faisant attention, comme on prête attention aux sons ou aux objets visuels, on peut prendre conscience de leur passage. Ce faisant, on peut prendre conscience de l’esprit par lequel toutes ces pensées apparaissent et disparaissent. « La pensée, disait mon père, est l’activité naturelle de l’esprit, l’expression de son pouvoir de tout produire. »
On ne fait pas attention à ses pensées dans le but de les arrêter, mais seulement de les observer. De même que prendre son temps pour regarder une rose ou écouter un bruit, prendre le temps d’observer ses pensées ne signifie pas les analyser. Ici, l’accent porte plutôt sur l’acte d’observer, lequel a naturellement le pouvoir de calmer l’esprit qui observe et de le stabiliser. On peut utiliser ses pensées plutôt qu’être utilisé par elles. S’il y a cent pensées qui vous traversent l’esprit au cours d’une minute, vous avez cent supports de méditation. Si l’oiseau frétillant saute de branche en branche, c’est formidable. Il suffit de regarder l’oiseau voleter en tous sens. Chaque sautillement, chaque envol est un support de méditation.
Il n’est pas nécessaire de s’attacher à la conscience d’une pensée ni de se concentrer dessus assez d’intensité pour la faire partir. Les pensées vont et viennent, ainsi qu’un vieil adage bouddhiste le soutient, « comme des flocons de neige qui tombent sur une pierre chaude ». Quel que soit ce qui vous traverse l’esprit, regardez-le aller et venir, avec légèreté et sans attachement, de la même manière que vous vous exerciez doucement à poser votre attention sur les formes, les sons et les sensations physiques.
(Yongey Mingyour Rinpotché, « Bonheur de la sagesse », préfacé par Matthieu Ricard, Le livre de poche n°32 372, 2011, p. 202-203)

Maroc, Tessaout (Chaîne de l'Atlas)

vendredi 19 octobre 2012

Un verre à moitié plein ou à moitié vide ?

C’était la veille de Noël. Le voyageur et sa femme dînaient dans l’unique restaurant d’un village des Pyrénées, et ils faisaient le bilan de l’année sur le point de se terminer. Le voyageur se mit à déplorer un événement qui ne s’était pas déroulé comme il l’aurait souhaité.
Sa femme regardait fixement le sapin de Noël qui décorait le restaurant. Le voyageur songea qu’elle ne semblait guère intéressée par la conversation, et il changea de sujet :
« Les décorations de cet arbre sont très jolies », remarqua-t-il.
- « C’est vrai », répondit-elle. « Mais si tu observes bien, au milieu de ces dizaines d’ampoules, il y en a une de grillée. Il me semble que, au lieu de considérer les innombrables bénédictions qui ont illuminé l’année passée, tu fixes ton regard sur la seule ampoule qui n’a rien éclairé du tout. »
(Paulo COELHO, « Maktub », 1994, Éditions Anne Carrière, 2004, p. 83 ; J'ai Lu n°9651, 2011, p.78)

Flamands roses, Walvis Bay (Namibie)

dimanche 14 octobre 2012

Nous ne voyons pas les gens et les choses comme ils sont, mais en fonction de nous.

Imaginez que vous soyez indisposé et d’humeur massacrante. Quelqu’un vous emmène en promenade à travers la campagne. Le paysage est magnifique, mais votre mauvaise humeur vous empêche de le voir. Quelques jours plus tard, vous repassez devant le même paysage et vous vous dites : « Dieu du ciel, mais où étais-je pour ne pas avoir vu tout cela ? » Tout devient plus beau lorsqu’on change. Ou bien imaginez que vous regardez des arbres et des montagnes à travers une fenêtre balayée par la tempête. Tout vous semble flou et informe. Vous voudriez sortir et changer ces arbres et ces montagnes. Mais attendez ! Examinez d’abord votre fenêtre. Lorsque la tempête est finie et que cesse la pluie, vous regardez à nouveau par cette fenêtre et vous vous dites : « Comme tout paraît différent ! » Nous ne voyons pas les gens et les choses comme ils sont, mais en fonction de nous. C’est la raison pour laquelle deux personnes regardant la même chose ou la même personne ont des réactions différentes. Nous ne voyons pas les choses et les gens comme ils sont, mais en fonction de ce que nous sommes.
(Anthony de Mello, s.j., « Quand la conscience s’éveille » [1984], Éd. Albin Michel 2010, p.112-113)

Khatchkar (stèle), Lac Sevan (Arménie)

lundi 8 octobre 2012

La méditation peut-elle être utile face aux peurs excessives ?

Les techniques de méditation, d’introduction récente dans le champ des troubles phobiques, connaissent une certaine vogue. Leurs bénéfices sur le bien-être psychologique global sont avérés(1). Dans le domaine des phobies et des troubles anxieux en général, il s’agit probablement d’un champ prometteur, mais à propos duquel on manque encore de certitudes quant à leur efficacité thérapeutique précise(2). La méditation, notamment sous sa forme de « pleine conscience » (en anglais : mindfullness), consiste à entraîner peu à peu sa conscience à rester dans un état d’acceptation tranquille de ce qui nous entoure (par exemple les bruits autour de nous) et de ce que nous ressentons (par exemple, nos pensées, émotions et sensations).
La tâche est donc doublement difficile pour les personnes phobiques, qui sont habituellement en état de vigilance et de lutte vis-à-vis de l’environnement, et de leurs pensées et sensations physiques. Pour elles, les bénéfices de la méditation pourraient se situer à trois niveaux.
Le premier serait celui d’un effet facilitant la relaxation : beaucoup d’anxieux ont du mal à se relaxer car ils sont trop réceptifs au moindre dérangement, à la moindre sollicitation de leur attention. Ils n’arrivent à se détendre qu’au calme, sans bruit autour d’eux… Or ces conditions sont rarement remplies au quotidien. Apprendre à se détendre malgré les bruits extérieurs (« Ah ! ces moteurs de motos ») ou les pensées parasites (« Quand je pense à tout ce que j’ai à faire après ma séance de relaxation… ») est donc précieux pour les phobiques.
Un deuxième bénéfice peut être retiré de ce travail quant à l’attention à la fois vigilante et dispersée des personnes phobiques. Nous avons déjà décrit à quel point les peurs phobiques étaient souvent associées à des troubles de l’attention, plus ou moins importants selon les personnes. La plupart des phobiques ont en général du mal à fixer leur attention : en effet, cette dernière est en général consacrée à la surveillance inquiète plutôt qu’à l’observation détendue. Les phobiques peinent pour abandonner leur réflexe de surveillance de l’environnement. Le paradoxe, c’est qu’en même temps, une fois que ce qui fait peur est dépisté, il leur devient au contraire très difficile de fixer leur attention sur l’objet de cette peur, par un réflexe d’évitement. Ce qui serait pourtant le seul moyen de s’y habituer peu à peu. Les séances de méditation peuvent donc représenter une sorte d’entraînement à mieux maîtriser ses processus attentionnels, dans le but de faciliter les confrontations aux images, pensées ou sensations inquiétantes.
Enfin, un dernier bénéfice psychologique peut être attendu, des méthodes de méditation : développer les capacités d’acceptation des états émotionnels négatifs. C’est par exemple l’un des buts de la méditation bouddhiste(3). D’où son utilisation par certains thérapeutes, notamment dans la prévention des rechutes dépressives(4), mais aussi, depuis peu, dans la prise en charge psychothérapique des différents problèmes de peurs et d’anxiété(5), Pour les personnes phobiques, les exercices consistent à laisser arriver, puis à accepter les sensations, pensées, émotions, images désagréables qui peuvent survenir, sans chercher sur le moment à les repousser ou à les discuter. Juste se dire : « Ce qui me fait peur peut arriver. Ce n’est pas arrivé, cela peut ne jamais arriver, mais cela peut aussi arriver. Je dois apprendre peu à peu à supporter ces images ou ces idées. Et à agir si nécessaire pour empêcher la survenue des catastrophes que je redoute. Mais mon inquiétude, elle, ne servira à rien. Elle ne modifiera pas le cours des choses. Ce sont mes actes qui modifieront le cours des choses… » Avec mes patients, nous utilisons souvent dans ces moments l’image du bouchon de liège qui flotte sur l’océan : les vagues de la peur le font monter, descendre, mais il continuera de flotter. Même si les vagues sont énormes. Il suffit de les laisser passer…
(Christophe ANDRÉ, « Psychologie de la peur, craintes, angoisses et phobies », Éd. Odile Jacob, 2004 [2005 pour l’édition poche, n°166], p. 129-130)

Crocodile, Pays Kassena (Burkina Faso)

jeudi 4 octobre 2012

Le nuage et la dune

Un jeune nuage naquit au milieu d’une grande tempête en mer Méditerranée. Mais il n’eut pas le temps d’y grandir ; un vent puissant poussa tous les nuages vers l’Afrique.
À peine avaient-ils gagné le continent que le climat changea : un soleil généreux brillait dans le ciel, et au-dessous s’étendait le sable doré du désert du Sahara. Le vent continua de les pousser vers les forêts du Sud, vu que dans le désert il ne pleut pas, ou presque.
Cependant, ce qui arrive aux jeunes humains arrive aussi aux jeunes nuages : il décida de s’éloigner de ses parents et de ses amis plus âgés, pour connaître le monde.
« Que fais-tu ? protesta le vent. Le désert est le même partout ! Rejoins la formation, et allons jusqu’au centre de l’Afrique, où il y a des montagnes et des arbres extraordinaires ! »
Mais le jeune nuage, d’une nature rebelle, n’obéit pas ; peu à peu, il perdit de l’altitude, et il réussit à planer sur une brise douce, généreuse, près des sables dorés. Après une longue promenade, il s’aperçut qu’une dune lui souriait.
Il vit qu’elle aussi était jeune, formée récemment par le vent qui venait de passer. Il tomba amoureux sur-le-champ de sa chevelure dorée.
« Bonjour, dit-il. Comment est la vie en bas ?
- J’ai la compagnie des autres dunes, du soleil, du vent, et des caravanes qui de temps en temps passent par ici. Fi fait parfois très chaud, mais c’est supportable. Et comment est la vie là-haut ?
- Il y a aussi le vent et le soleil, mais l’avantage, c’est que je peux me promener dans le ciel et connaître beaucoup de choses.
- Pour moi la vie est courte, dit la dune. Quand le vent reviendra des forêts, je disparaîtrai.
- Et cela t’attriste ?
- Cela me donne l’impression de ne servir à rien.
- Je ressens la même chose. Dès que passera un vent nouveau, j’irai vers le sud et je me transformerai en pluie ; mais c’est mon destin. »
La dune hésita un peu, puis déclara :
- « Sais-tu qu’ici, dans le désert, nous appelons la pluie Paradis ?
- Je ne savais pas que je pouvais devenir si important, dit fièrement le nuage.
- J’ai entendu des légendes racontées par les vieilles dunes. Elles disent qu’après la pluie nous sommes couvertes d’herbes et de fleurs. Mais je ne saurai jamais ce que c’est, parce que dans le désert il pleut très rarement. »
À son tour le nuage hésita. Mais bien vite un large sourire lui revint.
- « Si tu veux, je peux te couvrir de pluie. Je viens d’arriver, mais je suis amoureux de toi, et j’aimerais rester ici pour toujours.
- Quand je t’ai vu pour la première fois dans le ciel, moi aussi je suis tombée amoureuse, dit la dune. Mais si tu transformes en pluie ta belle chevelure blanche, tu vas en mourir.
- L’amour ne meurt jamais, répliqua le nuage. Il se transforme ; et je veux te montrer le Paradis. »
« Et il commença à caresser la dune de petites gouttes ; ainsi ils demeurèrent ensemble très longtemps, jusqu’au moment où apparut un arc-en-ciel.
Le lendemain, la petite dune était couverte de fleurs.
D’autres nuages qui se dirigeaient vers l’Afrique, croyant que se trouvait là une partie de la forêt qu’ils cherchaient, déversèrent leur pluie. Vingt ans plus tard, la dune était devenue une oasis, et les voyageurs se rafraîchissaient à l’ombre de ses arbres.
Tout cela parce qu’un jour un nuage amoureux n’avait pas craint de donner sa vie par amour.
(Paulo COELHO, « Comme le fleuve qui coule », Flammarion, 2006, J’ai Lu n°8285, 2011, p.185-187)

Glace sur une dune,  Erg Mehedjebat (Algérie)