vendredi 31 mai 2013

Nourrir la conscience à chaque instant

Par une froide soirée d'hiver, je rentrais chez moi après une promenade dans les collines. Je découvris que toutes les portes et fenêtres de mon ermitage avaient été grandes ouvertes. En partant un peu plus tôt, je ne les avais pas bien fermées. Un vent froid avait soufflé à travers la maison, ouvrant les fenêtres et dispersant partout dans la pièce les papiers de mon bureau. Immédiatement, je fermai portes et fenêtres, allumai une lampe, ramassai les papiers et les arrangeai soigneusement sur mon bureau. Puis j'allumai un feu dans la cheminée. Très vite, les bûches crépitèrent, ramenant la chaleur dans la pièce.
Parfois, dans une foule, on a froid, on se sent fatigué et solitaire. On aimerait pouvoir se retirer et avoir chaud à nouveau, comme je le fis ce soir-là en fermant les fenêtres et en m'asseyant près du feu, protégé du vent froid et humide. Nos sens sont des fenêtres sur le monde : quelquefois, le vent souffle à travers eux et dérange tout en nous. Certains d'entre nous laissent tout le temps leurs fenêtres ouvertes : les images et les sons du monde les envahissent et mettent à nu leur moi triste et troublé. Ils se sentent glacés, solitaires et craintifs. Ne vous est-il jamais arrivé de regarder un film horrible mais d'être incapable d'éteindre la télévision ? Les bruits rauques des explosions, les coups de feu vous dérangent. Pourtant, vous ne vous levez pas pour éteindre. Pourquoi vous torturez-vous ainsi ? N'avez-vous pas envie de fermer vos fenêtres ? Avez-vous peur de la solitude – du vide et de la solitude que vous risquez de trouver en étant seul face à vous-même ?
En regardant un mauvais film à la télévision, nous devenons ce film. Nous sommes ce que nous ressentons, ce que nous percevons. Si nous sommes en colère, nous sommes la colère. Si nous sommes amoureux, nous sommes l'amour. Si nous regardons un pic montagneux recouvert de neige, nous sommes la montagne. Nous pouvons être tout ce que nous voulons. Alors pourquoi ouvrons-nous nos fenêtres à de mauvais films télé créés par des producteurs cupides qui cherchent à faire sensation - et de l'argent facile ? Ces programmes font battre nos cœurs, serrer nos poings et nous laissent épuisés. Qui permet que de telles émissions soient réalisées et vues par de très jeunes personnes ? Personne d'autre que nous ! Nous ne sommes pas assez exigeants, trop enclins à regarder tout ce qui passe sur le petit écran. Nous sommes aussi trop solitaires, trop paresseux ou trop pleins d'ennui pour créer nos propres vies. Nous allumons la télé et la laissons ainsi, offrant à quelqu'un d'autre le soin de nous guider, de nous modeler, de nous détruire. Nous oublier de cette façon-là, c'est laisser notre destin dans les mains d'autres que nous, qui n'agissent pas forcément de façon responsable. Nous devons savoir quelles émissions nous font du mal – à notre système nerveux, à nos esprits et à nos cœurs – et quelles émissions nous font du bien.
Bien sûr, je ne parle pas seulement de la télévision. Tout autour de nous, combien de pièges tendus par nos semblables et par nous-mêmes. En une seule journée, combien de fois ne nous égarons-nous et ne nous éparpillons-nous pas à cause d'eux ? Nous devons faire très attention à notre destin et à notre paix. Je ne suggère pas de fermer toutes les fenêtres, car il y a bien des miracles dans ce monde que nous appelons le monde « extérieur ». Nous pouvons ouvrir nos fenêtres à ces miracles et regarder chacun d'entre eux avec attention. Ainsi, même quand on est assis à côté d'un cours d'eau limpide, en écoutant de la belle musique ou quand on regarde un excellent film, on ne doit pas se perdre entièrement dans le courant, la musique ou le film. On doit continuer à être conscient de soi et de sa respiration. Avec le soleil de la conscience qui brille en soi, on peut éviter la plupart des dangers. Le courant sera plus pur, la musique plus harmonieuse et l'âme du réalisateur tout à fait tangible.
(Thich Nhat Hanh, « La sérénité de l’instant », préface du XIVème Dalaï-lama, J’ai Lu n°8863, 2009, p. 27-29)

Nénuphars, Jardin Majorelle, Marrakech (Maroc)

lundi 27 mai 2013

Ne pas perdre de temps sur le chemin...

I. - Il ne faut pas seulement considérer que la vie chaque jour se consume et que la part qui reste diminue d’autant. Mais il faut encore considérer ceci : à supposer qu’un homme vive longtemps, il demeure incertain si son intelligence restera pareille et suffira dans la suite à comprendre les questions et à se livrer à cette spéculation qui tend à la connaissance des choses divines et humaines. Si cet homme, en effet, vient à tomber en enfance, il ne cessera ni de respirer, ni de se nourrir, ni de se former des images, ni de se porter à des impulsions, ni d’accomplir toutes les autres opérations du même ordre ; mais la faculté de disposer de soi, de discerner avec exactitude tous nos devoirs, d’analyser les apparences, d’examiner même s’il n’est point déjà temps de sortir de la vie, et de juger de toutes les autres considérations de ce genre qui nécessitent une raison parfaitement bien exercée, cette faculté, dis-je, s’éteint la première. Il faut donc se hâter, non seulement parce qu’à tout moment nous nous rapprochons de la mort, mais encore parce que nous perdons, avant de mourir, la compréhension des questions et le pouvoir d’y prêter attention.
 (MARC-AURÈLE [121–180 ap. J-C], « Pensées pour moi-même », Livre III, I)

...Celui qui a le plus longtemps vécu et celui qui mourra le plus tôt, font la même perte. C’est du seul présent, en effet, que l’on peut être privé, puisque c’est le seul présent qu’on a...
(MARC-AURÈLE [121–180 ap. J-C], « Pensées pour moi-même », Livre II, XIV)


Tassili N'Ajjer, près de Djanet (Algérie)

jeudi 23 mai 2013

Le sage et les perles

Un sage méditait, assis au bord de la rivière. Un de ses disciples se pencha pour déposer à ses pieds deux énormes perles, gages de vénération et de dévotion. Le sage ouvrit les yeux, souleva l’une des perles et la tint avec si peu de soins qu’elle lui tomba des mains et roula par terre jusque dans la rivière. Le disciple, horrifié, plongea aussitôt. Il chercha encore et encore jusque tard dans la soirée, en vain. Finalement, tout mouillé et épuisé, il tira le sage de sa méditation : « Vous avez vu où elle est tombée. Montrez-moi l’endroit, je vais vous la rapporter. » Le sage souleva l’autre perle, la jeta dans la rivière et dit : « Exactement à cet endroit ! »
N’essayez pas de posséder les choses, car vous ne pouvez pas vraiment les posséder. Assurez-vous simplement qu’elles ne vous possèdent pas !
(Anthony de Mello, s.j., « Quand la conscience s’éveille » [1984], Éd. Albin Michel 2010, p.93)

Boulangerie, Riga (Lettonie)


lundi 20 mai 2013

Comprendre pourquoi nous sommes attirés par le négatif pour contrebalancer les effets de cette tendance

... Le cerveau est conçu davantage pour éviter que pour rechercher. En effet, ce sont les expériences négatives, et non positives, qui déterminent en général la survie.
Par exemple, imaginez nos ancêtres mammifères qui tentaient d’échapper à des dinosaures dans un Jurassic Park mondial, il y a soixante-dix millions d’années. Un œil par-dessus l’épaule, attentifs au moindre craquement de brindilles, prêts à se figer, à détaler ou à attaquer selon la situation. Seuls les plus rapides s’en sortaient. S’ils manquaient une carotte – l’occasion de se nourrir ou de s’accoupler –, d’autres opportunités pouvaient se présenter plus tard. Mais s’ils ne parvenaient pas à éviter un bâton – un prédateur –, ils étaient probablement tués, sans autre perspective de récompense à l’avenir. Ceux qui vivaient suffisamment longtemps pour transmettre leurs gènes faisaient très attention aux expériences négatives.
Examinons six moyens à la disposition du cerveau pour éviter le bâton.
Vigilance et anxiété
Lorsque vous êtes éveillé et que vous ne faites rien de particulier, votre cerveau active un « réseau par défaut » dont l’une des fonctions semble être de scanner votre environnement et votre corps à la recherche de menaces potentielles. Cette conscience de base s’accompagne souvent d’un sentiment sous-jacent d’anxiété qui vous maintient en état d’alerte. Essayez de déambuler pendant quelques minutes dans la rue sans jamais vous sentir sur vos gardes, gêné ou tendu. C’est très difficile.
Cela n’a rien d’étonnant car nos ancêtres mammifères, primates et humains étaient à la fois des proies et des prédateurs. ...
La sensibilité aux informations négatives
En général, le cerveau détecte plus rapidement les informations négatives que les informations positives. Prenez l’exemple des expressions faciales. Pour l’animal social que nous sommes, elles sont un moyen essentiel de signaler un danger ou une opportunité : sur un visage, la crainte est perçue bien plus vite que le bonheur ou une expression neutre, probablement grâce à l’amygdale. En fait, même lorsque les chercheurs font des grimaces apeurées imperceptibles pour l’attention consciente, l’amygdale s’active. Le cerveau est attiré par les mauvaises nouvelles.
Stockage ultra-prioritaire
Lorsqu’un événement est signalé comme négatif, l’hippocampe veille à ce qu’il soit soigneusement stocké pour information. « Chat échaudé craint l'eau froide. » Votre cerveau agit comme du Velcro sur les expériences négatives et comme du Téflon sur les expériences positives – bien que la plupart le vos expériences soient probablement neutres ou positives.
Le négatif l’emporte sur le positif
En général, les événements négatifs ont plus d’impact que les événements positifs. Par exemple, il est facile d’acquérir un sentiment d’impuissance à partir le quelques échecs, mais difficile de s’en défaire, quel que soit le nombre de succès. On se démène davantage pour éviter une perte que pour obtenir un gain comparable. Les victimes d’accident mettent souvent plus de temps à retrouver leur état de bonheur originel que les gagnants de la loterie. Les mauvaises informations qui circulent sur une personne ont plus le poids que les bonnes, et, dans le domaine relationnel, il faut en moyenne cinq interactions positives pour compenser les effets d’une seule interaction négative.
Traces durables
Les expériences négatives « désapprises » laissent malgré tout une trace indélébile dans le cerveau. Ce résidu sommeille, prêt à se réactiver si vous vivez un événement déclenchant une peur similaire.
Cercles vicieux
Les expériences négatives créent des cercles vicieux. En vous rendant pessimiste, surréactif et finalement négatif.
(HANSON Rick et MENDIUS Richard, « Le cerveau de Bouddha : Bonheur, amour et sagesse au temps des neurosciences » (2009), Pocket n°15 216, 2013, Préface de Christophe André, p.73-77)


Peintures rupestres, Erg Mehedjebat (Algérie)

vendredi 17 mai 2013

Plus vous serez disposé à donner, plus vous recevrez en retour.

Nous avons tous besoin d’amour. L’amour fait partie de la nature humaine, autant que manger, boire et dormir. Il nous arrive de nous asseoir, seuls, devant un beau coucher de soleil et de penser : « Toute cette beauté n’a aucune importance, puisque je n’ai personne avec qui la partager. »
Il faudrait alors nous demander combien de fois, alors qu’on nous réclamait de l’amour, nous avons détourné la tête. Combien de fois nous avons eu peur de nous approcher de quelqu’un et de lui avouer sans façon que nous étions amoureux.
Gare à la solitude. Telles les drogues les plus dangereuses, elle crée une dépendance. Si le coucher de soleil semble ne plus avoir de sens pour vous, faites preuve d’humilité et allez chercher de l’amour. Sachez que, là comme pour d’autres biens spirituels, plus vous serez disposé à donner, plus vous recevrez en retour.
(Paulo COELHO, « Maktub », 1994, Éditions Anne Carrière, 2004, p.126  ; J'ai Lu n°9651, 2011, p.121)

Coucher de soleil, Erg Mehedjebat (Algérie)

mardi 14 mai 2013

Ne pas ruminer (I)

Ruminer, c’est se focaliser, de manière répétée, circulaire, stérile, sur les causes, les significations et les conséquences de nos problèmes, de notre situation, de notre état. On utilise aussi en anglais le terme de brooding : couver. Effectivement, dans la rumination, on reste inactif, assis sur ses problèmes que l’on garde bien au chaud, sous soi, en les faisant croître…
Nos ruminations passent souvent inaperçues en tant que telles à nos propres yeux, car nous croyons alors réfléchir. Mais la rumination n’est pas une vraie réflexion, elle est stérile. On a pu montrer que, dans la rumination, la personne se focalise sur le problème et ses conséquences, et pas sur les solutions possibles à mettre en œuvre. Erreur de ciblage, erreur d’aiguillage : on perd un temps infini à ruminer sur les causes et conséquences éventuelles des difficultés au lieu de chercher des remèdes. Les ruminations engendrent de la souffrance, mais pas de solutions.
Par essence, la rumination étale dans le temps les soucis et événements malheureux, comme s’ils n’étaient pas déjà assez ennuyeux tels quels. Elle les dilate, les répand dans toute notre vie, le passé (« c’est parce que je n’ai pas fait ce qu’il fallait que tout cela arrive… ») et le futur (« cela va entraîner ceci et cela… »), ce qui pollue totalement l’évaluation que l’on devrait faire du problème au présent. Quand on rumine, c’est comme si on écoutait un vieux disque rayé, qui ressasserait indéfiniment le même passage, mais que l’on n’arrive plus à retirer de l’appareil, pas plus qu’on n’arrive à couper le son de ce dernier, ni à quitter la pièce.
Joue aussi dans ces sombres raisonnements en boucle la croyance que, pour résoudre un problème, il faut y réfléchir longuement ; et que plus on y réfléchit, plus on a de chances de trouver la bonne solution. Ce qui n’est pas toujours vrai. Autre problème : entre en ligne de compte dans la rumination une dimension, une obsession presque, de jugement, une tendance à porter un jugement sur les choses (bien ou mal) et à chercher des coupables ou des responsables (soi ou les autres), à percevoir les problèmes comme des fautes ou des manquements (qui a mal fait ?). Quête souvent inutile et dangereuse…
(Christophe ANDRÉ, « Sérénité, 25 histoires d’équilibre intérieur », Éd. Odile Jacob, 2012, p.31-33)

Fous de Bassan en train de couver (de ruminer ?)
Ile Rouzic (Bretagne, France)

samedi 11 mai 2013

L'esprit et ses qualités ont un potentiel de développement illimité

Dharmakirti va encore plus loin en suggérant que, contrairement au physique et à ses capacités, l'esprit et ses qualités ont un potentiel de développement illimité. Il oppose entraînement mental et physique et prend l'exemple du saut en longueur et des prouesses que peuvent accomplir les athlètes. Même si chaque athlète, pris individuellement, peut atteindre des niveaux très différents, sa nature et la constitution de son corps lui imposent une limite fondamentale, indépendamment de son degré d'entraînement. Même les substances illégales, absorbées par les athlètes modernes pour repousser les limites physiques, ne peuvent agir que de façon marginale et ne permettent pas au corps humain de dépasser les limites fondamentales de sa propre nature. En revanche, selon Dharmakirti, il y a bien moins de contraintes naturelles qui s'exercent sur la conscience et on peut les éliminer, de sorte qu'une qualité mentale comme la compassion peut, en principe, être développée sans limites.
(Dalaï-lama, « Tout l’univers dans un atome, Science et bouddhisme, une invitation au dialogue », Robert Laffont, 2006, p. 170-171 ; Pocket n°13 348, 2009, p.152)

Dunes près de Chinguetti (Mauritanie)

mercredi 8 mai 2013

Harmoniser le corps et l’esprit

… Dans la vie quotidienne, on se perd tout le temps. Le corps est ici, mais l’esprit est ailleurs, dans le passé, dans le futur, sous l’emprise de la colère, de la jalousie, de la peur, etc. L’esprit n’est pas vraiment avec le corps. Vous n’êtes pas là. Pour être vraiment là, il faut ramener le corps vers l’esprit, l’esprit vers le corps. Il faut réaliser ce qu’on appelle l’unité du corps et de l’esprit. C’est très important dans la méditation bouddhique. D’un côté il y a le corps, de l’autre l’esprit, et chacun va dans une direction différente. Dans ce cas, vous n’êtes pas vraiment là. Donc il faut faire en sorte que le corps et l’esprit se rejoignent, pour pouvoir réaliser l’unité du corps et de l’esprit. Le bouddhisme nous enseigne des méthodes pour le faire, par exemple la respiration consciente.
La respiration est comme un pont qui relie notre corps et notre esprit. Entre le corps et l’esprit, il y a quelque chose qui est la respiration. Si vous revenez à votre respiration, vous respirerez en Pleine Conscience.
J’inspire, je sais que j’inspire.
J’expire, je sais que j’expire.
Votre corps et votre esprit commencent à revenir ensemble, à se rejoindre et, pour cela, quelques secondes ont suffi. Il faut seulement cinq secondes pour une inspiration et cinq autres secondes pour une expiration ; quand vous respirez vraiment, votre esprit et votre attention se concentrent sur la respiration.
J’inspire, je sais que c’est une inspiration.
J’expire, je sais que c’est une expiration.
C’est un jeu d’enfant, c’est très facile. Quand vous respirez de cette façon-là, vous vous concentrez sur votre inspiration et sur votre expiration. L’objet de votre concentration, c’est l’inspiration ou l’expiration. Vous ne pensez à rien d’autre. Le passé, le futur, vos soucis, votre colère, votre désespoir ne sont plus là. …
Descartes a dit : « Je pense, donc je suis », mais à la lumière de la pratique, on peut dire : « Je pense ... et je ne suis pas là. » Vous êtes perdu dans votre pensée, vous n’êtes pas vraiment là. Pour être vraiment là, il faut que cesse la pensée. Il faut vivre profondément son inspiration et son expiration.
(Thich Nhat Hanh, « Toucher la vie », J’ai Lu n°9255, 2010, p.21-23)

Bambous, Jardin Majorelle, Marrakech (Maroc)

dimanche 5 mai 2013

Prendre les rênes de sa vie en main (II)

– Donc nous existons. C’est un fait et nous n’y pouvons rien. Maintenant il nous faut vivre. Et là, nous sommes concernés : car nous sommes appelés à devenir les auteurs de notre vie. Telle une œuvre d’art, nous devons tout d’abord la vouloir ; puis l’imaginer, la penser ; enfin la réaliser, la modeler, la sculpter, et cela à travers tous les événements, heureux ou malheureux, qui surviennent sans que nous y puissions rien. On apprend à vivre, comme on apprend à philosopher ou à faire la cuisine. Et le meilleur éducateur de la vie, c’est la vie elle-même et l’expérience qu’on peut en retirer.
– Je comprends cela. Mais en quoi avons-nous peur de la vie ?
– Nous avons peur de nous ouvrir pleinement à la vie, d’accueillir son flot impétueux. Nous préférons contrôler nos existences en menant une vie étroite, balisée, avec le moins de surprises possible. Cela est tout aussi vrai dans les humbles demeures que dans les palais ! L’être humain a peur de la vie et il est surtout en quête de la sécurité de l’existence. Il cherche, tout compte fait, davantage à survivre qu’à vivre. Or survivre, c’est exister sans vivre … et c’est déjà mourir.
Le sage regarda ses interlocuteurs avec un grand sourire. Puis il poursuivit :
– Passer de la survie à la vie, c’est une des choses les plus difficiles qui soient ! De même est-il si difficile et effrayant d’accepter d’être les créateurs de notre vie ! Nous préférons vivre comme des brebis, sans trop réfléchir, sans trop prendre de risques, sans trop oser aller vers nos rêves les plus profonds, qui sont pourtant nos meilleures raisons de vivre. Certes tu existes, mon jeune ami, mais la question que tu dois te poser c’est : « est-ce que je suis vivant ? »
(LENOIR Frédéric, « L’oracle della Luna », Albin Michel, 2006, p.434-435 ; ou J’ai Lu n°37281, 2008)

Fous de Bassan, Ile Rouzic (Bretagne, France)



jeudi 2 mai 2013

La pleine conscience, un état attentionnel potentiellement optimal

Cet état attentionnel potentiellement optimal s'apparente à ce que certaines traditions bouddhistes appellent la « présence attentive » ou « pleine conscience » – Mindfulness. Cet état est souvent décrit comme une attitude de réceptivité non biaisée à sa propre expérience consciente. Les chercheurs en neurosciences cognitives qui se sont récemment intéressés à cet état utilisent aussi le terme Open Monitoring, que l'on pourrait traduire par « surveillance ouverte ». La personne remarque, ou surveille, les sensations qui émergent en elle, quelle que soit leur nature, sans s'y attacher et sans chercher à les contrôler. Elle ne lutte pas avec ses sensations, mais glisse sur elles, comme un marin expérimenté sur les vagues et le vent. Ces sensations peuvent provenir du monde extérieur ou de l'imagination, et peuvent être sensorielles ou émotionnelles, peu importe ; seuls comptent leur présence et le fait de ne pas les laisser captiver l'attention. Comme l'a bien décrit le maître zen Hakuin, l'esprit ne doit alors ni s'attacher ni rejeter aucun des objets des sens. L'attention reste donc dans un état d'équilibre assez fin qui préserve son caractère global. Il s'agit d'éviter toute forme de captivation, qui ramènerait l'attention à un niveau local et ferait perdre de vue la coordination d'ensemble de l’expérience ressentie et du comportement. L’image qui me vient à l'esprit est celle d'un balai que l'on devrait maintenir sur sa main dans un état d’équilibre vertical. Le contrôle du balai n'utilise pas la force brute, mais une surveillance attentive, légère mais constante, de sa verticalité. Le contrôle de l'attention, comme celui du balai se fait par petites touches.
(LACHAUX Jean-Philippe, « Le cerveau attentif ; Contrôle, maîtrise et lâcher-prise » (2011), Éditions Odile Jacob Poche n°328, 2013, p.334-336)

Désert du Namib (Namibie)