mercredi 31 juillet 2013

L’écuelle dorée de Nagarjuna

Le grand saint bouddhiste Nagarjuna se déplaçait vêtu de son unique robe et avec – chose incongrue – une écuelle de mendiant en or reçue en cadeau d’un roi qui était son disciple.
Un soir, il se préparait à se coucher pour dormir parmi les ruines d’un ancien monastère quand il remarqua un voleur tapi derrière une des colonnes. « Hé ! prends ceci, dit Nagarjuna, en lui tendant l’écuelle d’or. Ainsi, tu ne me dérangeras pas quand je serai endormi. » Le voleur saisit de l’écuelle avec avidité et déguerpit – mais pour revenir le lendemain matin avec l’écuelle et une demande. Il dit : « Quand vous m’avez donné cette écuelle si librement, hier soir, vous m’avez fait me sentir très pauvre. Enseignez-moi comment acquérir les richesses qui rendent possible semblable détachement insouciant. »
Personne ne peut vous prendre ce que vous n’avez jamais pris pour vous-même.
Satisfaits de peu, ils sont riches comme des rois. Le roi lui-même est pauvre quand son royaume ne lui suffit pas.
(Anthony de Mello, s.j., « Histoires d’humour et de sagesse » [1987], Éd. Albin Michel poche 2011 n°172, p.94-95 et 96)



Sosuvlei, Désert du Namib (Namibie)

lundi 29 juillet 2013

Les moments de peine conscience sont des moments de paix et de calme, même au cours d'une activité.

À y regarder de près n’est-il pas exact de dire que votre esprit cherche la satisfaction en permanence, dresse des plans pour que les choses se déroulent comme vous l’entendez, essaye d’obtenir ce que vous souhaitez ou ce dont vous pensez avoir besoin et, en même temps essaye d’écarter les choses que vous craignez et les choses que vous voulez éviter ? En conséquence de ce jeu habituel de notre esprit, n’avons-nous pas tous tendance à remplir nos journées avec des choses qui « doivent » être faites, nous activant ensuite à essayer désespérément de les faire toutes, sans pour autant nous réjouir beaucoup quand nous les faisons car nous sommes trop pressés par le temps, trop « speedés », trop occupés, trop angoissés ? Nous nous retrouvons parfois débordés par nos horaires, par nos responsabilités et par nos fonctions, même quand tout ce que nous faisons est important et résulte de nos choix. Nous vivons constamment immergés dans un monde du « faire ». Il est rare que nous soyons en contact avec ce qui fait le faire, ou autrement dit, avec le monde de l’« être ».
Reprendre le contact avec l’« être » n’est pas si difficile. Nous devons simplement penser à être conscients. Des moments de présence sont des moments de paix et de calme, même au cours de l’activité. Quand toute votre vie est pilotée par le mode « faire », pratiquer la méditation formelle peut vous donner un havre de santé mentale et de stabilité. Ce peut être une façon d’arrêter la course effrénée qui vous pousse à tant faire, une façon de vous donner un peu de temps pour revenir à un état de relaxation et de bien-être profond, et de vous rappeler qui vous êtes. La pratique formelle peut vous donner la force et la connaissance de vous-même, pour retourner ensuite dans le monde du « faire » et y agir au départ de votre être. Alors au moins une certaine quantité de patience et de calme intérieur, de clarté et d’équilibre mental infusera ce que vous faites. L’agitation et la pression des activités multiples seront moins pénibles. En fait, elles pourraient même disparaître entièrement.
(Dr Jon Kabat-Zinn John, « Au cœur de la tourmente, la pleine conscience » (1989), J’ai Lu n°9 932, 2012, Préfaces de Thich Nhat Hanh (1989) et Christophe André (2009), p. 140-142)
Jon Kabat-Zinn est l’inventeur d’une méditation accessible à tous : la « méditation en pleine conscience ». À ce jour [en 2012], plus de 550 centres, hôpitaux ou cliniques utilisent la MBSR aux États-Unis, et plus de 700 à travers le monde, l’utilisent comme outil de soin.


Vallée du Ladakh (Inde)

samedi 27 juillet 2013

La visualisation mentale

La visualisation mentale est une technique moins connue mais elle peut être tout aussi simple que la méditation de pleine conscience ; notons qu’elle nécessite un peu plus de recul. C’est une technique de préparation, d’optimisation des performances et de gestion des émotions profondes qui sont parfois ancrés en nous et que le simple raisonnement n’arrive pas à gommer.
Pour bien comprendre la visualisation, il faut s’arrêter un peu, fermer les yeux et chercher des images qu’on laisse apparaître dans son esprit. On choisit ces images, par exemple, parce qu’elles déclenchent des émotions positives mais aussi pour réussir à dépasser des choses dont nous avons peur ou qui sont associées à des émotions négatives. Ces images peuvent correspondre à des objets, des lieux, des scènes… On se laisse ainsi guider à travers elles comme si nous étions dans une réalité virtuelle. Certains parviennent très facilement à reproduire, dans leur tête, une image simple, par exemple être sur une plage ou être face à un paysage agréable. Pour d’autres, cela demande un peu d’entraînement.
Comme il est impératif de fermer les yeux, certains peuvent être un peu gênés au début. Il faut donc bien prendre son temps. Une fois que l’on arrive à associer une image et une émotion, on peut induire, entre autres, une émotion positive par le souvenir d’un endroit ou d’un moment du passé agréable dans des situations de la vie de tous les jours. Peu à peu, on pourra utiliser cette « image apaisante » pour faire face à des émotions négatives. On pourra affronter le stress, les situations qui nous font peur, que nous rejetons, qui nous mettent en colère. Se confronter à ces situations en s’exposant progressivement par la visualisation (voir les chapitres correspondant aux principes et aux techniques d’exposition), notamment dans le cas du stress, des phobies ou de la dépression, ou à quelque chose qui est plutôt rejeté, aidera à mieux faire face et à ressentir des émotions moins gênantes.
(Dr Dominique Servant, « Conseils de psys, ce qu’il faut savoir pour aller mieux » sous la direction de Christophe André, Éditions Odile Jacob, Poches n°353,p.468-469)

Jardin botanique de Funchal (Madère, Portugal)

jeudi 25 juillet 2013

Comment intégrer la pratique de la méditation à la vie quotidienne ?

Souvent, les gens me demandent : « Comment puis-je intégrer ma pratique de la méditation à ma vie quotidienne ? » Je réponds fréquemment par des questions : « Qu’avez-vous fait sur le coussin ? Avez-vous simplement centré votre esprit sur la respiration ? » Si vous ne faites que cela, vous menez deux vies différentes : celle sur le coussin et la vie quotidienne ordinaire.
Il y a beaucoup de travail à faire pendant la méditation. Les états mentaux difficiles, ceux-là mêmes qui créent des problèmes dans notre vie – avidité, peur, colère, jalousie, dévalorisation de soi – viennent à nous pendant la méditation. Ils peuvent émerger sous forme de pensées malsaines à tout moment, chaque fois que notre Attention ou notre concentration se relâchent.
D’abord, nous faisons simplement l’effort de lâcher ces pensées. Cet effort a un double objectif : purifier l’esprit en ce moment même et lui apprendre l’habitude de se purifier lui-même. Quand une pensée est si forte qu’elle persiste malgré tous vos efforts, c’est le signe qu’un travail plus intensif est à faire. Maintenant, vous devez examiner ces pensées très intensément  et vous en servir pour y voir plus clair dans votre vie.
Imaginons, par exemple, que pendant la méditation je me perde dans des pensées agressives à l’égard d’un inconnu qui m’a insulté. J’ai essayé plusieurs méthodes pour surmonter ces pensées, mais celles-ci ne s’en vont pas. Alors, je les examine. Je regarde d’abord comment cette pensée affecte ma pratique, comment elle crée une tension corporelle et modifie ma tension artérielle, comment elle génère un sentiment persistant de malveillance envers cette personne. Je vois que de telles pensées agressives sont mauvaises, car elles me font du mal et affectent mon esprit de manière tellement négative que je pourrais même blesser d’autres personnes. Ensuite, peut-être vais-je considérer combien je serais embarrassé si l’on savait ce que je suis en train de penser, et développer une saine honte que de telles pensées puissent dominer mon esprit. Ce type d’examen crée souvent une distance suffisante pour libérer l’esprit de l’état négatif.
Lorsque l’esprit est clair, j’ai la possibilité d’examiner mes pensées plus profondément et de réfléchir à ce qui les a causées. Je me demande : « Pourquoi ai-je continué d’être fâché après avoir été insulté ? À quoi étais-je attaché pour que l’insulte s’incruste dans mon esprit ? » Peut-être vais-je découvrir que la cause se trouve dans mon passé et n’a rien à voir avec l’insulte.
Ensuite, je réfléchis encore : « Bon, c’est vrai, cet homme m’a insulté, mais qu’ai-je fait pour qu’il se mette en colère ? Étais-je trop pressé ou trop avide ? Trop arrogant ? Sans doute n’avais-je aucune mauvaise intention, mais je sais que j’ai déjà irrité des gens de cette façon. Il faut que je m’y prenne mieux la prochaine fois. » En réfléchissant ainsi sur mes motifs et mes actions maladroites, je prends la résolution de m’améliorer. Et, dès lors que je vois ma propre part de responsabilité dans le conflit, je peux même développer de la compassion pour cet homme que j’ai fait si fortement souffrir qu’il a éprouvé le besoin de m’insulter en retour.
Ce type de réflexion sur soi est une partie cruciale de la pratique méditative.
(Vénérable Hénépola GUNARATANA, « Les huit marches vers le bonheur » (2001), Éditions Marabout, 2012, p. 129-131)

Dunes dans l'Arakao (Niger)



lundi 22 juillet 2013

Apaiser l'esprit

Un homme décida de rendre visite à un ermite qui vivait non loin du monastère de Sceta. Après avoir marché interminablement dans le désert, il le trouva enfin.
« J’ai besoin de savoir quel est le premier pas que l’on doit faire sur la voie de la spiritualité », lui dit-il.
L’ermite l’entraîna vers un puits et le pria d’y contempler son reflet. L’homme obéit, mais l’ermite se mit à jeter des cailloux dans l’eau, dont la surface trembla.
« Je ne pourrai pas voir mon visage tant que vous jetterez des cailloux, remarqua l’homme.
– De même qu’il est impossible à un homme de voir son visage dans des eaux troubles, il lui est impossible de chercher Dieu si sa quête rend son esprit anxieux, dit le moine. Voilà le premier pas. »
(Paulo COELHO, « Maktub », 1994, Éditions Anne Carrière, 2004, p.31  ; J'ai Lu n°9651, 2011, p. 26)

Angkor Vat (Cambodge)

vendredi 19 juillet 2013

Silence et méditation

Pour prendre de la distance vis-à-vis des événements nous avons besoin de solitude et de silence. Mais nous en avons souvent peur. Dans notre monde moderne où nous vivons cernés par trop de mots et de musique, de bruit et de clameur, l’absence de sons nous apparaît angoissante. Une demi-heure sans stimulus extérieur nous inquiète : au lieu de nous réjouir de ce temps, nous nous précipitons sur notre téléphone pour être en contact avec le monde. Nous avons peur de nous retrouver seuls avec nous-mêmes, peur du silence intérieur auquel le silence extérieur ouvre la voie. Le vrai silence est celui que l’on trouve au fond de soi. Il ne consiste pas seulement à éteindre la radio ou la télévision, mais surtout à ne plus être prisonniers de nos pensées et de notre bruit intérieur, souvent encore plus parasitant que les sons provenant de l’extérieur. Vivre dans le silence ne sert pas à grand-chose si notre esprit est agité. De la même manière que notre corps réclame le repos, notre mental a lui aussi besoin de se calmer, de s’apaiser, d’échapper provisoirement aux tensions. Ce repos lui permet d’accéder à la contemplation, une activité qui est, selon le philosophe grec Aristote, « le parfait bonheur de l’homme ». « Plus on possède la faculté de contempler, déclare-t-il, plus on est heureux, heureux non pas par accident mais en vertu de la contemplation même, car cette dernière est par elle-même d’un grand prix. Il en résulte que le bonheur ne saurait être qu’une forme de contemplation. » [Aristote, Éthique à Nicomaque, Livre X, 7 (Sur la contemplation)]
(LENOIR Frédéric, « Petit traité de vie intérieure », Plon 2010, ou Pocket n°15 312, 2012, p.45-46)

Le silence du désert, Massif de la Tadrart Akakus (Libye)

samedi 6 juillet 2013

Chaque moment est un embranchement

Chaque moment du présent est ce que l’on pourrait appeler un embranchement. Nous ignorons ce qui va se passer ensuite. Le moment présent est riche de possibilités et de potentialités. Si nous sommes présents à ce moment, la qualité du moment suivant est par nature affectée. Si nous souhaitons prendre soin de l’avenir, la seule alternative est de voir en chaque moment un embranchement et de prendre conscience que le lien que nous entretenons avec lui détermine radicalement la façon dont se déploieront le monde et notre unique, sauvage, et précieuse vie, pour reprendre le vers exquis de Mary Oliver.
(KABAT-ZINN Jon, « Méditer, 108 leçons de pleine conscience » (2009) + CD de 12 méditations guidées avec la voix de Bernard Giraudeau, Éditions Marabout, 2011, p.52)
Jon Kabat-Zinn est l’inventeur d’une méditation accessible à tous : la « méditation en pleine conscience ». À ce jour [en 2012], plus de 550 centres, hôpitaux ou cliniques utilisent la MBSR aux États-Unis, et plus de 700 à travers le monde, l’utilisent comme outil de soin.

Reflet, port de Camaret (Bretagne, France)

mercredi 3 juillet 2013

Filtrer les distractions

Voici des moyens de préserver un espace mental relativement calme en bloquant l’accès aux intrus distrayants :
  • Prenez quelques minutes au début de chaque méditation pour vous ouvrir aux sons et autre stimuli qui vous entourent, et les explorer. Faite de même avec votre monde intérieur. Paradoxalement, inviter les distractions à entrer les encourage à sortir. En renonçant à leur résister, vous évitez de décocher une seconde flèche et réduisez l’attention qu’elles reçoivent. En outre, le cerveau tend à s’habituer aux stimuli continus et ne les remarque plus au bout d’un moment.
  • De même, l’objet pleinement accepté traverse souvent plus rapidement l’esprit. C’est un peu comme les gens qui frappent à votre porte : si vous les ignorez, ils continuent de frapper, mais, si vous ouvrez, ils entrent, disent ce qu’ils ont à dire, puis s’en vont. Vous pouvez les aider à s’en aller en utilisant la technique d’observation douce décrite ci-dessus (par exemple « bruits de circulation ... irritation »). Laisser un objet émerger pleinement dans la conscience permet à son schéma d’activité neuronale latent d’apparaître tout aussi pleinement. Une fois le message transmis, l’assemblage neuronal n’a plus besoin de se mettre en avant ni de disputer la vedette à d’autres assemblage Et, comme il est arrivé à destination et a effectué sa communication, il sera désormais soumis aux puissants processus d’actualisation permanente de la mémoire de travail – qui en général effacent le tableau mental au bout d’un moment pour laisser la place à un autre assemblage.
  • Une fois le sentiment de distraction réduit, refocalisez-vous sur l’objet de l’attention (ou sur la méditation que vous pratiquez). Si les distractions réapparaissent, vous pouvez toujours vous rouvrir à elles pendant quelques minutes.
  • …Si toutes les techniques précédentes ont échoué, faites de la distraction même l’objet de l’attention le temps de votre méditation. Un jour, je tentais de me concentrer sur le souffle mais j’étais sans cesse distrait par un climatiseur bruyant. Au bout d’un moment, j’ai renoncé et je me suis tourné vers ce bruit – dans lequel je me suis plutôt bien absorbé…
(HANSON Rick et MENDIUS Richard, « Le cerveau de Bouddha : Bonheur, amour et sagesse au temps des neurosciences » (2009), Pocket n°15 216, 2013, Préface de Christophe André, p.266-267)

Parc naturel du Spiztkoppe (Namibie)