lundi 27 juin 2011

Un état de paix, sans pensées

"Demandez à plusieurs personnes de raconter des épisodes de « parfait » bonheur : certains parlent de moments de paix profonde ressentie dans un environnement naturel harmonieux, dans une forêt où filtrent des rayons de soleil, au sommet d’une montagne face un vaste horizon, au bord d’un lac tranquille, lors d’une marche de nuit dans la neige sous un ciel étoilé, etc. D’autres mentionnent un événement longtemps attendu : la réussite d’un examen, un triomphe sportif, la rencontre avec une personne qu’ils ont ardemment souhaité connaître, la naissance d’un enfant. D’autres enfin parlent d’un moment d’intimité paisible vécu en famille ou en compagnie d’un être cher, ou le fait d’avoir rendu quelqu’un heureux.
Il semble que le facteur commun à ces expériences fertiles mais fugitives soit la disparition momentanée de conflits intérieurs. La personne se sent en harmonie avec le monde qui l'entoure et avec elle-même. Pour celui qui vit une telle expérience, comme de se promener dans un paysage enneigé, les points de référence s'évanouissent : en dehors de l'acte simple de marcher, il n'attend rien de particulier. il « est » simplement, ici et maintenant, libre et ouvert. L'espace de quelques instants, les pensées du passé ne surgissent plus, les projets du futur n'encombrent plus l'esprit, et le moment présent est affranchi de toute construction mentale. Ce moment de répit durant lequel tout état d'urgence émotionnel disparaît est ressenti comme une paix profonde. Pour celui ou celle qui a atteint un but, achevé une œuvre, remporté une victoire, la tension longtemps présente cesse. Le lâcher-prise qui s’ensuit est ressenti comme un profond apaisement, libre de toute attente et de tout conflit.
Mais il ne s’agit là que d’une éclaircie éphémère provoquée par des circonstances particulières. On parle alors de moment magique, d’état de grâce. … Il est possible, toutefois, de tirer profit de ces instants fugitifs, ces répits dans nos luttes incessantes, dans mesure où ils nous donnent une idée de ce que peut être la véritable plénitude et nous incitent à reconnaître les conditions qui la favorisent".


Matthieu RICARD, « Plaidoyer pour le bonheur », Pocket n°12 276, 2005, p. 14-15



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