jeudi 16 juin 2011

Du sommeil à l’éveil

"Un professeur de sciences Politiques me demanda un jour à quoi je pensais quand je méditais. Je lui répondis : « Je ne pense à rien. » Je lui dis que j’étais seulement attentif à ce qu’il y avait autour de moi, à ce qui se passait en moi. Il se montra sceptique, mais c’est la vérité. Quand je pratique la méditation assise, je n’utilise pratiquement pas mon intellect. Je n’essaye pas d’analyser les choses ou de résoudre des problèmes complexes, comme des questions mathématiques ou des énigmes. Même si j’examine un kung-an (koan en japonais), je lui permets juste d’être là et je le contemple, sans chercher à l’expliquer ou à l’interpréter, parce que je sais qu’un kung-an n’est pas une devinette dont il faut trouver la solution. Examiner, quand on parle de la Pleine Conscience, ne veut pas dire analyser. Cela signifie simplement une reconnaissance continuelle. Penser demande un travail mental exténuant, et nous fatigue. Ce n’est pas le cas quand on s’établit dans la Pleine Conscience ou « reconnaissance ». Nous avons tendance à penser que la méditation demande une grande mobilisation de « matière grise ») mais ce n’est pas vraiment le cas. Un méditant n’effectue aucun labeur mental. Au contraire, la méditation repose l’esprit.
Depuis le début de notre conversation, à aucun moment je n’ai demandé à mon ami d’utiliser sa « matière grise ». Je l’ai seulement invité à « voir », à « reconnaître » des choses avec moi. Pour arriver à cela, nous avons à nous concentrer mais pas à analyser. Nous devons rester attentifs, sans spéculer ni interpréter. Être attentif signifie porter simplement attention. C’est un véhicule qui peut vous mener du sommeil à l’éveil. Si vous ne savez pas que vous êtes en colère, que vous éprouvez quelque chose, que vous pensez, que vous êtes assis, et ainsi de suite, vous êtes endormi. Dans son roman L’Étranger, Albert Camus décrit son anti-héros comme un homme qui « vit comme un mort ». C’est comme vivre dans une pièce sombre sans la lumière de la Pleine Conscience. Quand vous allumez la lampe de la Pleine Conscience, vous passez du sommeil à l’éveil. Le verbe buddh en sanscrit signifie « s’éveiller », et celui qui s’éveille est appelé un Bouddha. Un Bouddha est une personne qui est toujours éveillée. De temps en temps, nous accédons à cette conscience, aussi nous sommes des Bouddhas « occasionnels ». 


Thich Nhat Hanh, « La vision profonde, De la pleine conscience à la contemplation intérieure », Albin Michel n°131, 2009, p. 47-49

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