lundi 19 septembre 2011

Christianisme et bouddhisme

"LAMA JIGMÉ – Je crois que si l’on en reste seulement aux concepts, à la terminologie, chrétiens et bouddhistes n’arriveront jamais à se comprendre, encore moins à se rejoindre. Mais quand nous parlons plus en profondeur, comme nous le faisons actuellement, nous pouvons percevoir de réelles similitudes au-delà des mots eux-mêmes. Nulle part il n’est fait mention de « Dieu » dans la tradition bouddhiste. Ni pour affirmer son existence, ni pour l’infirmer. Vous aurez beau explorer tous les enseignements, nulle part vous ne trouverez non plus écrit que Dieu n’existe pas. En fait, la préoccupation du Bouddha n’était pas d’entrer dans des querelles théologiques sur l’existence ou la non-existence de Dieu, sur l’origine de l’univers, etc. Son principal objectif était d’apporter une voie de libération pour aider tous les êtres qui souffrent [maladie, vieillesse, mort, …] à sortir de l’ignorance [au sens relatif : état où l’esprit expérimente un manque de clarté, de discernement, de faculté de jugement : absence de conscience de ce qui se passe dans notre esprit, notre vie étant dès lors soumise à l’influence des « émotions perturbatrices » telles que l’orgueil, la jalousie, la haine,la colère, l’indifférence, …] et à atteindre l’Éveil (à réaliser la nature de Bouddha [épanouissement complet des potentialités de l’esprit, esprit parfaitement clair, lumineux : la nature essentielle de tout être humain]). Ainsi le bouddhisme ne proclame pas : « Dieu existe », ni, à l’opposé : « Dieu n’existe pas ». L’on s’exprime d’une manière, un peu différente en disant que tous les êtres ont le potentiel de l’Éveil, et que les humains en particulier jouissent de la faculté – en mettant en œuvre les méthodes qui sont enseignées – d’atteindre des réalisations spirituelles ultimes. Cependant, le fait de se mettre ou non en chemin, d’appliquer ou non les moyens appropriés, dépend de chacun. En cela, il me semble que nous rejoignons profondément ce que je crois avoir compris de la conception chrétienne : créé à l’image de Dieu, l’homme peut progresser spirituellement et parvenir jusqu’à un état d’union avec le divin où il « participera à la vie divine », pour reprendre précisément les termes de Dom Robert Le Gall. Je crois donc que nous disons des choses semblables, même si, dans le bouddhisme, la notion d’un Dieu unique, personnel et créateur, n’est pas présente. Mais, encore une fois, nous n’affirmons pas qu’il n’y pas de Dieu. Nous ne nous prononçons pas à ce sujet.
DOM ROBERT LE GALL – Si je comprends bien ce que vous voulez dire. Le bouddhisme n’est pas un « athéisme », une négation de Dieu, comme on le dit parfois en Occident, mais davantage une tradition agnostique, en ce sens qu’elle refuse de se prononcer sur la question de Dieu. Ou, plus précisément encore, peut-être pourrait-on parler d’une voie spirituelle « apophatique », qui renvoie au caractère ineffable, indicible de l’Absolu, et préfère se taire à son sujet plutôt que d’affirmer des choses au demeurant insaisissables par l’esprit humain."

« Le Moine et le Lama » , Dom Robert Le Gall – Lama Jigmé Rinpoché, entretiens avec Frédéric Lenoir (2001), Le Livre de Poche n°15512, 2003, p. 114-115

Niger

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