vendredi 25 février 2011

Le « flux» et le sourire du Bouddha

"Pour vivre en harmonie dans la société des humains, il faut atteindre et maintenir un équilibre entre nos réactions émotionnelles immédiates – instinctives – et les réponses rationnelles qui préservent les liens sociaux au long cours. L’intelligence émotionnelle s’exprime au mieux lorsque les deux systèmes du cerveau, le cortical et le limbique, coopèrent à chaque instant. Dans cet état, les pensées, les décisions, les gestes, s’agencent et s’écoulent naturellement, sans que nous y prêtions une attention particulière. Dans cet état, nous savons quel choix nous devons faire à chaque instant, et nous poursuivons nos objectifs sans effort, avec une concentration naturelle, parce que nos actions sont alignées sur nos valeurs. Cet état de bien-être est ce à quoi nous aspirons continuellement : la manifestation de l’harmonie parfaite entre le cerveau émotionnel, qui donne l’énergie et la direction, et le cerveau cognitif, qui organise l’exécution. Le grand psychologue américain Millali Csikszentmihalyi (prononcer «chic-sainte-mihal »), qui a grandi dans le chaos de la Hongrie de l’après-guerre, a dédié sa vie à la compréhension de l’essence du bien-être. Il a baptisé cette condition l’état de « flux » (de l’anglais « flow ») .
Curieusement, il existe un marqueur physiologique très simple de cette harmonie cérébrale, dont Darwin a étudié les fondements biologiques il y a plus d’un siècle : le sourire. Un sourire faux – celui auquel on s’oblige pour des raisons d’ordre social – ne mobilise que les muscles zygomatiques de la face, ceux qui, retroussant les lèvres, découvrent les dents. Un sourire « vrai », par contre, mobilise en outre les muscles qui entourent les yeux. Or ceux-ci ne peuvent pas être contractés volontairement, c’est-à-dire par le cerveau cognitif. La commande doit provenir des régions limbiques, primitives et profondes. C’est pour cette raison que les yeux, eux, ne mentent jamais : c’est leur plissement qui signe l’authenticité ou non d’un sourire. Un sourire chaleureux, un sourire vrai, nous donne à comprendre intuitivement que notre interlocuteur se trouve, à cet instant précis, dans un état d’harmonie entre ce qu’il pense et ce qu’il ressent, entre cognition et émotion. Le cerveau a une capacité innée à atteindre l’état de flux. Son symbole le plus universel est le sourire sur le visage du Bouddha".

Servan-Schreiber David – Guérir le stress, l’anxiété et la dépression sans médicaments ni psychanalyse, Editions Robert Laffont 2003, p. 45-46

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