jeudi 14 avril 2011

Nos gènes sont altruistes

"Ce sens que l’on trouve dans le lien aux autres, ce n’est pas un diktat de la culture ou de la morale sociale. C’est un besoin du cerveau lui-même : dans les trente dernières années, la sociobiologie a fait la démonstration que ce sont nos gènes eux-mêmes qui sont altruistes. L’orientation vers les autres et la paix intérieure que nous en tirons font partie de notre fabrique génétique. Du coup, il n’est pas surprenant que cet altruisme soit au cœur de toutes les grandes traditions spirituelles. C’est d’abord une expérience dans le corps, une émotion, qui a été vécue tant par des sages taoïstes et hindous que par des penseurs judaïques, chrétiens ou musulmans – autant que par des millions d’êtres humains anonymes et souvent athées.
Dans les études sur les gens qui sont plus heureux dans leur vie que les autres, on décèle systématiquement deux facteurs : ils ont des relations affectives stables avec des êtres proches, et ils sont impliqués dans leur communauté. Nous avons déjà longuement parlé des relations affectives, mais qu’en est-il des liens sociaux plus larges ?
L’implication dans la communauté, c’est le fait de donner de sa personne et de son temps pour une cause dont nous ne tirons pas de bénéfice matériel en retour. C’est une des activités les plus efficaces lorsqu’il s’agit de pallier le sentiment de vide qui accompagne si souvent les états dépressifs. Et il n’est pas nécessaire de risquer sa vie ni de s’engager dans la Résistance.
Animer un peu la vie de personnes âgées en institution, travailler dans un refuge pour animaux, s’engager auprès de l’école de son quartier, participer au conseil municipal ou au syndicat d’entreprise, permet de se sentir moins isolé et, au final, moins anxieux et moins déprimé. C’est le Français Émile Durkheim qui, le premier, en a fait la démonstration. Dans son livre Le Suicide, œuvre fondatrice de la sociologie moderne, il a montré que ce sont les gens qui sont les moins bien « intégrés » dans leur communauté qui se suicident le plus. Depuis, les sociologues américains ont établi non seulement que les gens qui participent à des activités communautaires sont plus heureux, mais aussi qu’ils sont en meilleure santé et vivent plus longtemps que les autres. Une étude publiée dans l’American Journal of Cardiology souligne que, à conditions de santé égales, la mortalité de gens âgés et pauvres qui participent à des activités bénévoles tournées vers les autres est inférieure de 60 % à celle de gens qui ne le font pas. Une analyse des effets du bénévolat sur la santé publié dans Science – la principale revue scientifique du monde – conclut que celui-ci est une des meilleures garanties d’une vie plus longue, peut-être meilleure encore qu’une tension artérielle maîtrisée, qu’un faible taux de cholestérol, voire même qu’arrêter de fumer. Le plaisir dans le lien à autrui, le sentiment d’être impliqué dans le groupe social, est un remède remarquable pour le cerveau émotionnel, et donc aussi pour le corps".

Servan-Schreiber David – Guérir le stress, l’anxiété et la dépression sans médicaments ni psychanalyse, Éditions Robert Laffont 2003, p. 237-238

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