vendredi 3 janvier 2014

Il est essentiel d'avoir conscience de son bonheur pour être heureux

« Il n'est pas de condition humaine, pour humble ou misérable qu'elle soit, qui n'ait quotidiennement la proposition du bonheur : pour l'atteindre, rien n'est nécessaire que soi-même ». Jean GIONO, « La chasse au bonheur », Gallimard Collection Folio 1991.

... Le bonheur n'est donc pas une émotion passagère (agréable ou désagréable), mais un état qu'il faut envisager dans une certaine globalité et sur une certaine durée. Nous nous disons « heureux » ou « satisfaits » de notre existence parce qu'elle nous procure dans l'ensemble du plaisir, que nous avons trouvé un certain équilibre entre nos diverses aspirations, une certaine stabilité dans nos sentiments, nos émotions, une certaine satisfaction dans ses domaines les plus importants — affectif, professionnel, social, spirituel. A l'inverse, nous nous dirons « malheureux » ou « insatisfaits » de notre vie si elle nous procure peu de plaisir, si nous sommes tiraillés entre des aspirations contradictoires, si nos affects (émotions, sentiments) sont instables et globalement douloureux, ou si nous sommes habités d'un vif sentiment d'échec affectif ou social. C'est dans une telle globalité que nous nous percevons comme heureux ou malheureux, et c'est sur une certaine durée que nous pouvons jauger cet état. J'ajouterai qu'il est essentiel d'avoir conscience de son bonheur pour être heureux. On ne peut répondre qu'on est « globalement satisfait de sa vie » que si on a réfléchi à sa propre existence. Les animaux ressentent certes du bien-être, mais ont-ils conscience de la chance qu'ils ont de se sentir bien ? Le bonheur est un sentiment humain lié à la conscience de soi. Pour être heureux, il faut avoir conscience de son bien-être, du privilège ou du don que représentent les bons moments de l'existence. Or les études psychologiques ont montré que nous sommes davantage conscients des événements négatifs que des événements positifs qui nous adviennent. Les négatifs nous marquent plus, on les mémorise davantage. Ce fait est probablement lié au principe de la psychologie évolutionniste selon lequel, pour survivre, il est plus important de repérer et mémoriser un danger, afin de trouver la solution destinée à y parer plutôt qu'un événement agréable. D'où la nécessité, dès que l'on vit un moment doux, agréable, joyeux, de prendre conscience de cette sensation, de l'accueillir pleinement, de la cultiver le plus longtemps possible. Ce que Montaigne a souligné avec insistance dans son langage fleuri : « Me trouvé-je en quelque assiette [état] tranquille ? Y a-t-il quelque volupté qui me chatouille ? Je ne la laisse pas friponner aux sens, j'y associe mon âme, non pour s'y engager, mais pour s'y agréer, non pas pour s'y perdre mais pour s'y trouver ; et l'emploie de sa part [pour sa part] à se mirer dans ce prospère état, et en peser et estimer le bonheur et amplifier. »
L'expérience montre ainsi que la prise de conscience de notre état de satisfaction contribue à accroître notre bonheur. Nous savourons notre bien-être, ce qui renforce en nous le sentiment de plénitude : nous nous réjouissons, nous sommes heureux d'être heureux.
(LENOIR Frédéric, « Du bonheur, un voyage philosophique », Fayard, 2013, p.23-24)

Magnolias en fleur

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