samedi 2 novembre 2013

Un coussin, un mur, le silence (I)

Si vous avez un jour l’occasion de pratiquer la méditation assise silencieuse, telle qu’elle est enseignée justement dans le zen, vous bénéficierez d’une place de choix pour assister au film de vos pensées, au quatrième rang et au centre, sans personne devant vous. Contrairement à une croyance commune, le principe de ce genre de pratique n’est pas forcément de ne penser à rien ou de faire le vide, ce qui reviendrait à arrêter e film, mais plutôt de voir le cerveau en action quand il devrait être au repos.
Croyez-moi, une séance de zen ressemble beaucoup à une expérience de neurosciences cognitives. Le participant est placé dans un endroit calme et reçoit une consigne simple, qui définit l’exercice à réaliser pendant la durée de l’expérience. Dans les premiers temps, cette consigne consiste généralement à porter une attention légère, mais soutenue à sa respiration. L’analogie avec une tâche comme celle de Posner, demandant au sujet de porter une attention soutenue vers le côté gauche de l’écran d’ordinateur, est évidente. Sur le plan du protocole expérimental, la seule différence vient de la modalité sensorielle à laquelle il faut faire attention : somato-sensorielle dans un cas, visuelle dans l’autre. La différence entre une séance de zen et une expérience de neurosciences cognitives ne réside donc pas dans la tâche elle-même, mais dans le mode d’observation de l’activité cérébrale. Dans le zen, le cerveau n’est pas observé de l’extérieur, mais de l’intérieur. Le sujet n’observe pas à proprement parler l’activité de ses neurones, mais la manifestation consciente de cette activité, ce que cela fait d’avoir des neurones qui s’activent. L’expérience s’appuie donc sur un principe selon lequel la perception que nous avons à chaque instant du monde et de nous-même est pour une large part la trace consciente de notre activité cérébrale. Si vous acceptez ce principe, la période de méditation n’est alors rien d’autre qu’un temps privilégié pour observer son cerveau en action, ou plus exactement, ce que cela fait d’avoir un cerveau en action.
La particularité de l’exercice, par rapport à une simple balade dans la rue, tient au fait que le participant est dans un environnement stable et calme, avec une cible attentionnelle bien définie : la respiration. Par exclusion, toutes les autres sensations sont donc des distracteurs. Par ailleurs, le contexte particulier dans lequel a lieu l’expérience met le participant à l’abri de toutes les sources extérieures de distraction évoquées lors des chapitres précédents : bruits intempestifs, images distrayantes, conversations, etc. La plupart des instructions de méditation [zen] insistent d’ailleurs pour que le participant soit assis en silence face à un mur de couleur unie, pour qu’il n’y ait donc rien, dans l’environnement, qui puisse distraire son attention. Si cette derrière s’éloigne de sa cible, la cause de la distraction est donc forcément une cause interne, autogénérée par le cerveau lui-même.
(LACHAUX Jean-Philippe, « Le cerveau attentif ; Contrôle, maîtrise et lâcher-prise » (2011), Éditions Odile Jacob Poche n°328, 2013, p.199-201)

Erg Mehedjebat, après la pluie (Algérie)

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