dimanche 2 décembre 2018

Le « réseau du mode par défaut » du cerveau et le vagabondage mental

Les pensées vagabondes, agréables et désagréables, sont générées par le « réseau du mode par défaut » du cerveau, qui s'active chaque fois que notre esprit n'est pas concentré sur l'exécution d'une tâche externe. Les chercheurs repérèrent ce réseau après avoir noté que certaines régions cérébrales s'activaient durant des imageries IRMf au cours desquelles on demandait aux sujets « de s'allonger tranquillement et de ne rien faire de particulier ». Nous l'avons vu au précédent chapitre, les structures médianes corticales du cerveau — son « application moi » — sont parties intégrantes de ce réseau, ce qui explique pourquoi notre esprit est si égocentrique lorsqu’il vagabonde. Le réseau du mode par défaut nous permet de méditer sur notre passé et d'imaginer notre avenir. Il peut revenir sur des événements que nous avons vécus et nous projeter dans le futur pour envisager des choses qui ne sont pas encore arrivées. Pour cela, il fait appel aux souvenirs autobiographiques stockés dans le lobe temporal médian, en particulier dans l'hippocampe – partie intégrante du réseau du mode par défaut. Il n'est cependant pas entièrement tourné sur lui-même ; une autre fonction importante du réseau consiste à imaginer le point de vue d'autrui. Ce que ces fonctions ont en commun, c'est la simulation. Les nœuds de ce réseau opèrent essentiellement comme un simulateur qui utilise notre expérience passée pour construire notre sentiment de moi, envisager le point de vue d'autrui (ce que les psychologues appellent la « théorie de l'esprit ») et générer des scénarios à venir (appelés « voyages mentaux temporels »). Ces capacités rendent ce réseau indispensable au fonctionnement social, à l'imagination, à la créativité et à la planification.
Nous payons cependant au prix fort cette ingénieuse machinerie neurale, car le réseau du mode par défaut est responsable des vagabondages de l'esprit. La méthode de l'« échantillonnage d'expérience » – qui consiste à interroger les gens sur leur humeur et leurs pensées à des moments aléatoires de la journée – indique que notre esprit se déconcentre très souvent – de 30 à 50 pour cent de la journée – de notre activité du moment, et cette déconcentration est souvent associée à un sentiment de tristesse. Selon les psychologues de Harvard Matthew Killingsworth et Daniel Gilbert, qui ont créé une application iPhone, Rate Your Happiness (Évaluez votre bonheur), pour collecter certaines de ces données, les fluctuations de bien-être dépendent davantage de ce que nous pensons que de ce que nous faisons. Point crucial, les résultats suggèrent que le vagabondage de l'esprit est la cause et non la conséquence des émotions négatives. Ainsi que le dit le premier verset du Dhammapada, « Notre vie est façonnée par notre esprit ; nous devenons ce que nous pensons. La souffrance suit une mauvaise pensée aussi sûrement que les roues de la charrette suivent le bœuf qui la tire. » Les psychologues ont pour leur part conclu, de manière moins poétique, que « la capacité de penser à ce qui n'est pas en train d'arriver est un accomplissement cognitif qui n'est pas sans présenter un coût émotionnel ».

(KINGSLAND James, « Bouddha au temps des neurosciences : Comment la méditation agit sur notre cerveau », Éditions Dunod, 2016, p.113-114)

Décollage d'une montgolfière (Jonzac, France)

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