vendredi 2 février 2018

Accepter de se sentir vide

Il existe un rythme naturel caractéristique de toute vie : c’est le flux et le reflux de la mer, la croissance et la décroissance de la lune, l’inspiration et l’expiration de toutes les créatures vivantes, les battements incessants de notre cœur. La vie dépend de cette constante alternance. S’il n’y avait que la nuit, ou si notre cœur ne pouvait se détendre après s’être contracté, il n’y aurait plus de vie. L’expiration est aussi importante que l’inspiration. Se vider est aussi important que se remplir. Nous savons cela quand il est question de notre respiration, mais nous l’avons oublié au sujet de notre estomac. Nous l’avons aussi oublié en ce qui concerne notre esprit.
Si nous mangeons et buvons constamment, notre estomac et tous nos autres organes digestifs ne se reposent Jamais. Si nous ne nous permettons jamais d’avoir vraiment faim, notre plaisir de manger diminue. N’est-ce pas paradoxal ? Nous croyons retirer plus de plaisir de la nourriture en mangeant davantage, mais c’est l’inverse qui se produit. C’est en nous permettant d’avoir vraiment faim et en prenant ensuite le temps de manger lentement et consciemment que nous retirerons le plus de plaisir de notre alimentation.
De la même façon, lorsque nous pensons continuellement, notre esprit ne se repose jamais. Pour notre esprit comme pour le reste, il est aussi important de se vider que de se remplir. Les prises de conscience déterminantes se produisent toujours dans un esprit calme et ouvert. Les découvertes scientifiques majeures aussi. Archimède a découvert le principe de la poussée en entrant dans sa baignoire ; Newton a découvert la force de gravité alors qu’il se reposait sous un pommier; et Einstein a eu l’idée de la relativité en regardant négligemment passer un train. C’est aussi dans ces moments que les grandes prises de conscience spirituelles surviennent, dans l’espace réceptif d’un esprit à la fois calme et vigilant. Ce vide mental est l’essence même de la prière de centration et de la méditation. Dieu ne peut pas communiquer avec nous si la ligne est occupée.
Pourquoi l’idée d’un esprit calme, d’un esprit vide, nous effraie-t-elle ? C’est entre autres parce que nous croyons que notre valeur dans la vie et même notre survie dépendent de notre productivité, de notre productivité mentale notamment. Alors qu’en fait la santé, la créativité et la productivité mentales dépendent toutes de notre capacité à vider notre esprit et à le mettre au repos, au moins occasionnellement. Il en va de même pour notre santé spirituelle.
Et pourquoi la sensation d’une bouche vide ou d’un estomac vide nous effraie-t-elle ? C’est parce que nous croyons que notre survie dépend de la possibilité d’être pleins. Alors qu’en fait la santé et la longévité dépendent de la possibilité d’avoir la bouche et l’estomac vides afin qu’ils puissent se reposer. Les médecins tibétains recommandent ainsi de diviser l’estomac en quatre parties : un premier quart pour la nourriture, deux autres quarts pour les liquides et le dernier quart pour le vide. Encore une fois, la même question se pose donc : au nom de notre santé physique, mentale et spirituelle, accepterions-nous de nous sentir vides ?

(CHOZEN BAYS Jan Dr, « Manger en pleine conscience : La méthode des sensations et des émotions » (2009), Postface de Jon Kabat-Zinn, Éditions Les Arènes, 2013, p.231-235)

Erg Mehedjebat (Algérie)

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