samedi 15 juin 2013

Le bonheur est essentiellement un état intérieur

Chercher le bonheur en dehors de nous, c’est comme attendre le soleil dans une grotte orientée au nord. (Adage tibétain)
Si tous les hommes recherchent d’une façon ou d’une autre à être heureux, il y a loin de l’aspiration à la réalisation. C’est là le drame des êtres vivants. Ils redoutent le malheur mais courent à lui. Ils veulent le bonheur mais lui tournent le dos. Les moyens mêmes de pallier la souffrance servent souvent à l’alimenter. Comment cette tragique méprise peut-elle se produire ? Parce que nous ne savons pas nous y prendre. Maladroitement, nous recherchons le bonheur en dehors de nous-même, alors qu’il est essentiellement un état intérieur. S’il trouvait sa source au-dehors, il serait à jamais hors d’atteinte. Nos désirs sont sans limites et notre contrôle du monde, restreint, temporaire et le plus souvent illusoire. …
Nous n’hésitons pas à étudier pendant quinze ans, puis à nous former professionnellement parfois pendant plusieurs autres années, à faire de la gymnastique pour rester en bonne santé, à passer une grande part de notre temps à améliorer notre confort, nos richesses et notre statut social. À tout cela nous consacrons beaucoup d’efforts. Pourquoi en accordons-nous si peu à améliorer notre condition intérieure ? N’est-ce pas elle qui détermine la qualité de notre vie ? Quelle curieuse hésitation, crainte ou inertie nous empêche de regarder en nous-même, d’essayer de comprendre la nature profonde de la joie et de la tristesse, du désir et de la haine ? La peur de l’inconnu l’emporte, et l’audace d’explorer le monde intérieur s’arrête à la frontière de notre esprit. Un astronome japonais me confia un jour : « Il faut beaucoup de courage pour regarder en soi. » Cette remarque d’un savant dans la force de l’âge, d’un caractère stable et ouvert, m’intrigua. Pourquoi une telle hésitation devant une recherche qui s’avère des plus passionnantes ? Comme l’écrivait Marc Aurèle (« Pensées », V-19) : « Regarde au-dedans de toi, c’est là qu’est la source intarissable du bien. »
(Matthieu RICARD, « Plaidoyer pour le bonheur », Pocket n°12 276, 2005, p. 35-37)

Monastère de Tatev (Arménie)

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