samedi 17 novembre 2012

Soigner un trouble obsessionnel compulsif (TOC) grâce à la pleine conscience

… Les symptômes de cette maladie neuro-psychiatrique se caractérisent chez les malades par des pensées perturbantes, envahissantes, indésirables (l’obsession) qui déclenchent l’impulsion irrépressible de se livrer à des comportements rituels (la compulsion). Le malade peut se sentir poussé à se laver les mains, à vérifier les serrures, que le gaz de la cuisinière est bien éteint, … n’importe quel objet sur lequel il ou elle s’est fixé/e. …

Neuropsychiatre à l’université de Californie, Jeffrey Schwartz décida de voir si la « pleine conscience » [La pleine conscience, ou conscience attentive, consiste à observer ses expériences intérieures d'une manière pleinement lucide, sans toutefois porter de jugements. Vous demeurez hors de votre propre esprit, à observer les pensées et les sentiments spontanés que le cerveau produit, témoin de tout cela comme s'il s'agissait de quelqu'un d'autre] pouvait aider ses malades atteint d’un trouble obsessionnel compulsif (TOC). Il leur fixa deux objectifs : en présence d'un symptôme du TOC, ils devaient éviter de réagir émotionnellement et comprendre que cette impression qui leur dit que quelque chose ne va pas n'est que la manifestation d'un câblage défectueux dans le cerveau — une hyperactivité dans les circuits du TOC. La pratique de la « pleine conscience », songea-t-il, pourrait rendre les obsessionnels compulsifs conscients de la nature véritable de leurs obsessions et par conséquent, capables de mieux en détourner leur attention. « Il fallait voir si le fait d'apprendre à observer les sensations et les pensées tout en restant calme et lucide, comme un observateur extérieur, était susceptible de consolider leur capacité de résister aux pensées insistantes du TOC », explique Schwartz. « Je me disais qu'il pourrait s'avérer extrêmement thérapeutique d'inciter ces patients à éprouver un symptôme du TOC sans réagir par l'émotion au malaise qu'il provoque et à réaliser plutôt que même les impulsions les plus viscérales, causées par le TOC, ne sont rien de plus que la manifestation d'un câblage défectueux dans le cerveau et n’ont aucune réalité intrinsèque. » Si c'était possible, alors la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience, qui apprend aux malades à considérer leurs pensées sous un autre jour, pourrait obtenir le succès là où avaient échoué les médicaments, la thérapie cognitive classique et l'exposition avec prévention de réponse (EPR).
L'attitude d'observation mentale indispensable à cette pratique de conscience attentive ressemblerait à ceci. Quand surgit une pensée obsessive, le malade doit se dire, « Mon cerveau est en train de produire une autre pensée obsessive. Je sais très bien qu'elle n'a aucune réalité, que ce ne sont que des sottises que m'envoie un circuit défectueux. » Il fallait aussi penser qu'il n'existait pas vraiment de besoin de se laver, il ne s'agissait que d'un problème de circuiterie cérébrale.
En 1987, Schwartz instaura une thérapie de groupe associée aux études en cours sur les anomalies qui sous-tendent le TOC. Les patients venaient pour la thérapie et les scientifiques évaluaient leurs progrès à l'aide d'imagerie cérébrale, le scanner PET. Schwartz se mit à montrer aux malades les images de leur cerveau, pour mettre en relief le fait que leurs symptômes résultaient d'un circuit neurologique déréglé. Une patiente le saisit instantanément : « Ce n'est pas moi, c'est mon TOC ! » s'exclama-t-elle un jour. Bientôt, d'autres malades comprirent aussi que leurs obsessions et leurs compulsions ne faisaient pas vraiment partie d'eux, mais qu'elles étaient plutôt les détritus électroniques de la circuiterie cérébrale. Schwartz s'interrogeait : le fait d'inciter les patients à réagir autrement aux pensées obsessives qui caractérisent le TOC pourrait-il modifier leur cerveau ? Il enseigna donc à ses patients à recourir à la pratique de la pleine conscience pour affiner en eux cette lucidité qui sait qu'ils n'ont pas vraiment laissé la cuisinière allumée ou que leurs mains ne sont pas sales. Pensez plutôt, les exhortait-il, que vous êtes simplement en train de vivre l'arrivée d'une pensée obsessive. Dites-vous : cette impression qui ressemble à un besoin de vérifier, ce n'est en fait qu'un problème de circuiterie cérébrale.
« Les patients se mirent à considérer leurs symptômes comme des manifestations de processus cérébraux pathologiques, et dès la semaine suivante, ils mentionnèrent que la maladie ne les régissait plus ; ils avaient l'impression désormais d'avoir un moyen d'y remédier », se réjouit Schwartz. « Je savais que j'étais sur la bonne voie. »
Pour déterminer si les bienfaits dont les patients faisaient état s'accompagnaient d'altérations cérébrales, les scientifiques de UCLA entre prirent ce qui allait devenir une étude classique sur la manière dont l'esprit est capable de refaçonner la biologie fondamentale du cerveau. Ils effectuèrent des tomographies sur dix-huit des malades du TOC avant et après dix semaines de thérapie basée sur l'attention. Aucun malade ne prenait de médicaments pour le TOC ; leurs symptômes allaient de modérés à sévères. Douze d'entre eux présentèrent des améliorations significatives. Chez ces derniers, les images du TEP après le traitement montraient que l'activité dans le cortex frontal orbital, le noyau du circuit du TOC, avait radicalement diminué par comparaison à ce qu'elle était avant la thérapie méditative avec pleine conscience.
« La thérapie avait réussi à modifier le métabolisme du circuit du TOC », renchérit Schwartz. « Ce fut la première étude qui établissait qu'une thérapie cognitivo-comportementale avait le pouvoir de transformer systématiquement une chimie cérébrale déréglée en un circuit cérébral bien défini. » Les altérations cérébrales qui s'ensuivirent, précise-t-il, « apportaient la preuve solide qu'un effort volontaire d'attention peut modifier la fonction cérébrale et que ces modifications cérébrales autogérées — cette neuroplasticité — sont un fait avéré. » Il désigna ce phénomène « voie vers la neuroplasticité autogérée », et en tira une conclusion dont se réjouirait Roger Sperry et surtout le dalaï-lama : « L'action mentale est capable d'altérer la chimie du cerveau chez un malade du TOC. L'esprit peut en effet modifier le cerveau. »
(BEGLEY Sharon, « Entraîner votre esprit, transformer votre cerveau » (2007) [Compte-rendu de la conférence Mind and Life XII du 18-22 octobre 2004], Avant-propos du XIVème Dalaï-lama, Préface de Daniel Goleman, Éditions Ariane 2008, p. 160-162)

Voir également l'article Soigner un trouble obsessionnel compulsif (TOC) grâce à la pleine conscience (II)


Dromadaire,  Erg Mehedjebat (Algérie)

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