samedi 4 septembre 2010

Histoire de belle-mère

Voici l’histoire d’un homme et d’une femme qui vivaient en Chine. Ils venaient juste de se marier, et lorsque la femme vint s’installer chez son mari, elle commença immédiatement à se quereller avec sa belle-mère à propos de choses insignifiantes et de la façon de gérer foyer. Peu à peu, leur désaccord s’envenima, à tel point que la belle-mère et la bru ne pouvaient même plus se regarder. La bru considérait sa belle-mère comme une véritable sorcière qui se mêlait de ses affaires, tandis que la belle-mère voyait la femme de son fils comme une fille arrogante sans respect pour les anciens.
Il n’y avait pas de véritable raison pour que leur colère devienne si extrême. Mais finalement, la bru éprouva une telle haine qu’elle décida de se débarrasser de sa belle-mère. Elle alla voir un médecin et lui demanda un poison qu’elle pourrait verser dans la nourriture de son ennemie.
Le médecin accepta de lui en vendre un peu. « Cependant, tint-il à préciser, si vous lui donnez un poison fort qui aura un effet immédiat, tout le monde vous montrera du doigt en disant que c’est vous la coupable. Ils découvriront aussi que vous avez obtenu le poison auprès de moi, et ce ne sera bon ni pour vous ni pour moi. Je vais donc vous donner un poison léger qui agira sur elle progressivement, de sorte qu’elle ne mourra pas tout d’un coup. »
Il lui conseilla également de traiter sa belle-mère avec beaucoup de gentillesse pendant qu’elle l’empoisonnerait. « Servez chaque repas avec le sourire, dites-lui que vous espérez qu’elle apprécie les plats et demandez-lui si elle désire quelque chose d’autre. Soyez très humble et gentille, pour que personne ne vous suspecte ! »
La bru acquiesça. De retour chez son mari, elle commença à verser le poison dans le repas du soir, puis elle le servit à sa belle-mère avec force politesses. Au bout de quelques jours de ce traitement, la belle-mère commença à changer d’opinion concernant sa bru. « Après tout, elle n’est peut-être pas si arrogante que ça. Peut-être que je l’ai mal jugée. » Petit à petit, elle commença de son côté à traiter la femme de son fils de manière plus agréable, lui faisant des compliments sur sa cuisine et sa manière de gérer le foyer, échangeant même avec elle de petits potins et des histoires drôles.
À mesure que la belle-mère changeait de comportement, la belle-fille faisait, bien sûr, de même. Au bout de quelque temps, elle pensa : « Ma belle-mère ne serait-elle pas aussi mauvaise que je le pensais ? En fait, elle a l’air très gentille. »
Cela continua pendant un ou deux mois, et les deux femmes commencèrent à être très amies. Elles s’entendaient si bien que la bru arrêta d’administrer le poison. Puis elle se tourmenta en pensant qu’elle en avait déjà tant versé à chaque repas que sa belle-mère allait très certainement mourir.
Elle retourna voir le médecin et lui avoua qu’elle avait fait une erreur. « Ma belle-mère est en fait quelqu’un de très gentil. Je n’aurais pas dû l’empoisonner. S’il vous plaît, aidez-moi en me procurant un antidote ! »
Le médecin écouta la femme et resta assis calmement, puis au bout d’un moment il lui dit : « Je suis vraiment désolé, je ne peux rien y faire, n’existe pas d’antidote. »
A ces mots, la femme bouleversée, fondit en larmes en jurant qu’elle allait se suicider.
– « Pourquoi feriez-vous une telle chose ? »
– Parce que j’ai empoisonné une personne si gentille et que maintenant elle va mourir. Je dois m’ôter la vie pour me punir d’un acte aussi terrible. »
Le médecin resta à nouveau silencieux quelque . temps, puis il se mit à rire.
– « Comment osez-vous en rire ? » s’exclama la femme.
– « Parce que vous n’avez pas vraiment de souci à vous faire ! S’il n’y a pas d’antidote pour le poison que je vous ai donné, c’est parce que je ne vous ai donné aucun poison : ce n’étaient que des plantes inoffensives. »

Cette histoire illustre très simplement la manière dont nos perceptions des choses peuvent changer. Au départ, les deux femmes se haïssaient. Chacune pensait que l’autre était affreuse. Pourtant, une fois qu’elles eurent commencé à se traiter différemment, elles se sont perçues sous un autre jour. Chacune vit l’autre comme foncièrement bonne, et elles finirent par devenir des armes intimes. En réalité, elles n’avaient pas changé. La seule chose qui s’était modifiée était le point de vue de chacune sur l’autre.
Ce genre d’histoire édifiante nous encourage à voir que l’impression première que nous avons des autres peut être fausse ou abusive.

(YONGEY MINGYOUR Rinpotché, « Bonheur de la méditation », ed. Le livre de poche, p. 296-299)


1 commentaire:

  1. Histoire édifiante, et si proche de notre quotidien réel..... pour celui qui veut bien voir ! Merci

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