mardi 28 septembre 2010

Changer

Notre esprit est fréquemment perturbé. Nous sommes affectés par des pensées douloureuses, envahis par la colère, blessés par les paroles dures que nous adressent les autres. Dans ces moments-là, qui ne rêverait de contrôler ses émotions pour être libre et maître de lui-même ? Nous nous passerions volontiers de ces tourments, mais, ne sachant pas comment procéder, nous préférons penser qu'après tout, « c'est la nature humaine ». Or, ce qui est « naturel » n'est pas nécessairement souhaitable.
La vraie question n'est donc pas « Est-il désirable de changer ? », mais « Est-il possible de changer ? » On peut, en effet, imaginer que les émotions perturbatrices sont si intimement associées à notre esprit qu'il nous est impossible de nous en débarrasser, à moins de détruire une partie de nous-même.
Certes, nos traits de caractère changent généralement peu. Observés à quelques années d'intervalle, rares sont les coléreux qui deviennent patients, les tourmentés qui trouvent la paix intérieure ou les prétentieux qui se font humbles. Cependant, aussi rares soient-ils, certains changent, et le changement qui s'opère en eux montre bien qu'il ne s'agit pas d'une chose impossible. Nos traits de caractère perdurent tant que nous ne faisons rien pour les améliorer et que nous laissons nos dispositions et nos automatismes se maintenir, voire gagner en force pensée après pensée, jour après jour, année après année. Mais ils ne sont pas intangibles.
...On comprend cela quand on saisit que la qualité première de la conscience, qui est simplement de connaître », n'est intrinsèquement ni bonne ni mauvaise. Si l'on regarde par-delà le flot turbulent des pensées et des émotions éphémères qui traversent notre esprit du matin au soir, on peut toujours constater la présence de cet aspect fondamental de la conscience qui rend possible et sous-tend toute perception quelle que soit sa nature.
Le bouddhisme qualifie cet aspect connaissant de « lumineux », car il éclaire tout à la fois le monde extérieur et le monde intérieur des sensations, des émotions, des raisonnements, des souvenirs, des espoirs et des craintes en nous les faisant percevoir. Bien que cette faculté de connaître sous-tende chaque événement mental, elle n'est pas en elle-même affectée par cet événement. Un rayon de lumière peut éclairer un visage haineux ou un autre souriant. un joyau aussi bien qu'un tas d'ordures, mais la lumière n'est en elle-même ni malveillante ni aimable, ni propre ni sale. Cette constatation permet de comprendre qu'il est possible de transformer notre univers mental. le contenu de nos pensées et de nos expériences. En effet, le fond neutre et « lumineux » de la conscience nous offre l'espace nécessaire pour observer les événements mentaux au lieu d'être à leur merci, puis pour créer les conditions de leur transformation.
(Matthieu RICARD, "L’art de la méditation" p.16-17 Pocket 2010 n°14068)

Photo Michel Boudat "craie-Silex"

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