jeudi 25 avril 2019

Persévérer dans la méditation

Peu à peu, nous pouvons améliorer notre méditation. Notre connaissance n’est pas encore profonde, nous ne savons pas vraiment ce que nous faisons, mais nous pouvons progresser pas à pas. Peut-être même ne savons-nous pas que cette pratique nous fait du bien mais c’est le cas, peu à peu. […]
Les anciens d’ici vous diront qu’il y a du feu au cœur des bambous secs. Autrefois les allumettes étaient rares et pas toujours très efficaces. Quand les gens allaient dans la forêt, tout ce qu’ils trouvaient c’était du bois sec et ils savaient qu’il contenait du feu. Quand ils voulaient cuisiner, tout ce qu’ils avaient à faire était de frotter deux morceaux de bambou sec l’un contre l’autre pour faire du feu. Ils frottaient et frottaient. Au début le bois était froid mais, au bout d’un moment, il se réchauffait et, après un certain temps, de la fumée apparaissait. Mais il fallait du temps pour le réchauffer et encore plus de temps pour faire venir la fumée et, finalement, le feu.
Aujourd’hui, nous qui sommes les descendants de ces hommes et de ces femmes, nous n’avons pas beaucoup de patience. Si nous essayons de frotter deux morceaux de bambou l’un contre l’autre pour faire du feu, au bout de deux minutes nous allons nous impatienter. Nous en avons assez et nous posons les bâtons en disant : « Il est temps de faire une petite pause ! » Et puis, quand nous les reprenons en main, nous constatons qu’ils sont froids. Alors nous recommençons à les frotter mais en réalité nous repartons de zéro, de sorte qu’il va leur falloir encore du temps pour se réchauffer et, à nouveau, nous allons nous impatienter. De cette manière, nous pourrions continuer pendant une heure ou une journée entière sans voir apparaître la moindre flamme. Nous frottons et nous arrêtons, frottons et arrêtons. Et puis nous commençons à critiquer les anciens : « Ces vieux sont fous. Je ne sais pas ce qu’ils racontent. Ce sont sûrement des mensonges. Je frotte ces bouts de bois depuis tout ce temps et il n’y a toujours rien. »
Voilà ce qui se passe quand notre compréhension et notre engagement dans la pratique ne vont pas assez loin. Il n’y a pas assez de chaleur mais nous nous attendons à voir surgir des flammes. Les anciens sont passés par là et ils savent qu’il faut faire des efforts. Il faut continuer à frotter sans interruption ; si nous nous arrêtons nous n’aurons que des bâtons froids. C’est ce qui se passe pour ceux qui viennent ici apprendre la méditation. Ils écoutent quelques enseignements et veulent des résultats rapides. Ils veulent découvrir la méthode de méditation qui leur donnera les résultats les plus rapides. Je leur dis : « Si vous voulez le “plus rapide”, ça ne marchera pas. » Il se trouve qu’il existe une loi, la loi de cause à effet, selon laquelle les résultats naissent de causes adéquates. Les choses ne jaillissent pas en un instant en réponse à nos souhaits. « Le plus rapide » ! Le Bouddha lui-même serait époustouflé d’entendre cela !
Nous progresserons sur la voie grâce à des efforts continus, exactement de la même façon que la personne qui frotte des morceaux de bambou pour obtenir du feu. Si elle frotte sans s’arrêter, la chaleur augmente ; plus elle frotte, plus le bois chauffe. Quand la fumée apparaît, le feu n’est pas loin mais ce n’est pas pour autant qu’elle va faire une pause. Ce n’est pas un jeu. Elle sait qu’elle doit s’y tenir et c’est comme cela qu’elle obtiendra du feu.

(Ajahn CHAH, « Tout apparaît, tout disparaît » (2007), Éditions Sully 2009, p.134-135)

Bambous, Jardin Majorelle (Marrakech, Maroc)

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