mardi 12 décembre 2017

Relativité et Vacuité

Quel rapport avec le Dharma ?
Cette question se pose parce que, ici, il ne s'agit pas de faire une conférence de physique, nous ne sommes pas là pour cela. Par contre, il s'agit de rappeler qu'on peut éclairer d'une manière intéressante le concept de vacuité (qui est si important dans le Dharma aussi bien au niveau de l'étude que de la pratique) par une démarche qui remonte à Galilée et qui est la relativité.
Si on revient à la définition de la vacuité qui est donnée dans le Bouddhadharma (l'enseignement du Bouddha), c'est l'absence d’existence propre, l'absence d'existence intrinsèque ou l'absence d'existence en soi. Voilà le type d'expression que l'on va entendre. Donc, dès le début, il est important de comprendre qu'il ne s'agit absolument pas d'un vide.
On emploie le mot « vide », le mot « vacuité » alors que c'est bien de cela [la non-existence propre] qu'il s'agit. Ce n'est pas un vide au sens de l'absence d'un objet qui serait inexistant. La vacuité c'est le mode d’être des choses existantes [de manière relative].
Il ne faudrait donc pas employer le mot « vide », mais plutôt employer le mot « vide de », « vacuité de ». Vide de quoi ? Vide d'existence propre mais pas d'existence relative. On peut même ajouter que la vacuité va permettre de réfuter l’existence du néant. Tout simplement parce que, comme toute chose est vide d'existence absolue, d'existence propre, on peut appliquer cela au néant. Le concept de néant n'a absolument aucun sens, il est réfuté par la vacuité [car il ne saurait exister en soi]. On est ainsi vraiment dans une voie du milieu.

Quel est le rapport avec la relativité, qui est une théorie physique développée en Occident ? Eh bien c'est lié au fait que le découvreur de la relativité – en général on pense que c'est Einstein, qui a effectivement travaillé dessus plus récemment – est Galilée. C'est lui qui a posé le principe de relativité de manière explicite, ce n'est pas quelque chose qu'on a seulement reconstruit après.
C'est Galilée qui a découvert la relativité du mouvement et qui l'a exprimé de la manière suivante : « pour tout ce qui participe du mouvement d'un corps, le mouvement est comme rien, (« comme rien », il ne dit pas « rien »), il est comme s'il n'était pas. » Or ces expressions, on les trouve mot pour mot chez Nagarjuna, 1500 ans avant !
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Au niveau de la physique la couleur est une longueur d'onde. Bleu c'est une longueur d'onde qui est courte, rouge c'est une longueur d'onde qui est longue. Eh bien si vous changez votre vitesse par rapport à l'objet, vous obtenez un phénomène (l'effet Doppler) semblable à celui qui concerne le son. Vous avez tous entendu une sirène de pompiers qui se rapproche de vous et qui s'éloigne. Le son devient de plus en plus grave et ce n'est pas que la sirène a changé de hauteur de son. C'est à cause du mouvement que la fréquence relative du son a changé et que vous entendez un son différent.
Il y a la même chose pour les couleurs. C'est quelque chose que l'on voit tous les jours en astrophysique, puisque l'on observe ce qu'on appelle le décalage vers le rouge (c'est à dire vers les grandes longueurs d'onde) de la lumière venue des galaxies lointaines. Il existe des raies émises par certains éléments physiques à des couleurs bien précises, mais ces couleurs ne sont pas les mêmes qu'au laboratoire. La couleur n'est absolument pas absolue, elle dépend totalement du repère, en l’occurrence de la vitesse relative entre le repère et l'objet (ou ici entre l'observateur et l'objet). Ce que vous voyez bleu dans un certain référentiel devient rouge dans un autre !
[...]
Q. - Qu'est ce qui existe au niveau absolu ? Qu'est ce qu'il y a ?
Rien. Rien de rien. Mais au niveau relatif, beaucoup de choses existent. Si les choses existaient de manière absolue, si toutes les choses existaient de manière absolue, rien n'existerait ! C'est très facile à montrer. Exister de manière absolue cela veut dire que la chose ne peut pas changer. Donc cet objet là ne peut pas changer. Et comme il ne peut pas changer, il ne peut pas nous envoyer un photon (une particule de lumière) ou un son (une vibration de l'objet qui implique une vibration de l'air). Pour cela il doit perdre de l'énergie. Seules les informations que l'on reçoit peuvent nous permettre de dire que ceci existe ; parce que nos sens, nos appareils nous disent que nous avons reçu de l'information de cet objet. Dès que de l'information est envoyée, l'objet a dû changer pour envoyer cette information. Donc on voit tout de suite le lien entre le changement perpétuel, « l’impermanence » perpétuelle de toute chose et la vacuité-relativité. C'est directement lié, c'est nécessaire. Si les choses ne changeaient pas, elles ne seraient pas là. On aurait des univers séparés, chaque objet serait un univers séparé sans aucune communication et aucun d'entre eux ne pourrait expérimenter l'existence des autres, donc cela n'existerait pas. C'est vraiment la vacuité qui permet l'existence du monde.

(Extrait d'un exposé de Laurent NOTTALE, [Portugal, Août 2016] ; Laurent NOTTALE est astrophysicien, et travaille tout particulièrement sur les théories de la relativité). Le texte complet de cet exposé est disponible sur le site Bodhicharya France.

Décoration d'une maison (Presqu'île de Crozon, France)

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