lundi 10 novembre 2014

Les pensées ne sont pas des faits

John était sur le chemin de l'école.
Il était inquiet pour le cours de math.
Il n'était pas sûr qu'il pourrait à nouveau maîtriser la classe aujourd'hui.
Ce n'était pas le travail d'un concierge.
Qu'observez-vous en lisant ces phrases ? La plupart des gens trouvent qu'en passant d'une phrase à l'autre, ils doivent « mettre à jour » la scène en eux. Tout d'abord, c'est un petit garçon qui va à l'école, inquiet pour la leçon de math. Tout à coup la scène change. Pour la plupart des gens, le « modèle mental » devient un professeur, pour finalement devenir un concierge. Cela illustre clairement le fait qu'implicitement nous pouvons faire une inférence sur la base des simples faits que nous lisons. À tout moment nous « donnons du sens » activement à partir d'entrées sensorielles, et sommes à peine conscients de ce fonctionnement jusqu'à ce que quelqu'un nous fasse marcher, comme dans cette série de phrases. C'est presque comme si l'esprit créait un commentaire permanent de tous les événements qui se déroulent dans notre champ de conscience.
Il est facile de voir comment toutes ces inférences, ces « commentaires » dans notre esprit peuvent créer ou maintenir des réactions émotionnelles. Une fois l'inférence faite, l'émotion suit, très proche. L'appel téléphonique d'une amie peut être interprété comme « Elle a besoin de moi » ou « Elle m'utilise », et notre réaction sera complètement différente selon l'interprétation. Ou imaginez la scène suivante : Un homme et sa femme sont dans la cuisine. « Aimerais-tu du poisson ou du potage pour le souper ? », dit l'un. « Cela m'est égal », dit l'autre. Nous allons maintenant laisser d'un côté la déduction déjà faite de qui a posé la question et qui a répondu ! Mais imaginez qu'ils vont consulter pour des difficultés conjugales. Elle rappelle la scène en disant « Je lui ai demandé s'il préférait du poisson ou du potage pour le souper et il a dit qu'il s'en fichait. » Lui, il se souvient de la scène comme « Elle m'a demandé ce que je voulais et je lui ai dit que j'appréciais tout ce qu'elle cuisinerait pour moi ; j'essayais d'être coopérant. » Notez à nouveau comme un même événement peut facilement être interprété différemment.
Pour beaucoup de gens, le fait de séparer les événements de l'interprétation qui en est faite peut causer de gros problèmes. Les gens vulnérables à la dépression interprètent souvent les événements d'une manière autodénigrante. Leurs pensées deviennent une sorte de propagande dirigée contre eux-mêmes. Les faits sont mêlés à des pensées où ils se désapprouvent eux-mêmes, d'une manière très destructive, arrivant à des conclusions comme « Je ne vaux rien » ou « Je suis nul » ou « Si les gens savaient comment je suis vraiment, personne ne voudrait me connaître. » Et quand ce genre de flot de propagande interne a démarré, il est très difficile de l'ébranler car tous les événements futurs tendront à le renforcer : toute information contraire est ignorée ; toute information conséquente est remarquée.
(SEGAL Zindel, WILLIAMS Mark, TEASDALE John, « La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience pour la dépression : Une nouvelle approche pour prévenir la rechute », Préface du Dr Jon KABAT-ZINN, Éditions De Boeck 2006, p.263-264 ; Jon Kabat-Zinn est l’inventeur d’une méditation accessible à tous : la « méditation en pleine conscience ». À ce jour [en 2012], plus de 550 centres, hôpitaux ou cliniques utilisent la MBSR aux États-Unis, et plus de 700 à travers le monde, l’utilisent comme outil de soin.)

Col de Sedlo - Sedlo pass, Parc National du Durmitor  (Monténégro)

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