jeudi 4 septembre 2014

Méditation, neurosciences et biofeedback

Nous avons été très surpris d'observer des corrélats électrographiques aussi clairs pour chaque état méditatif particulier. Cela nous a éclairés sur ce que le cerveau pouvait se faire à lui-même par l'intermédiaire de la concentration. Probablement les méditants ont-ils aussi perçu plus précisément ce qu'ils étaient vraiment en train de faire. Nous pouvons maintenant leur dire que, manifestement, ils ne focalisent pas leur attention sur des modalités sensorielles périphériques, comme nous le faisons tous, mais qu'ils renversent leur attention pour afficher et déclencher des représentations centrales à un niveau supérieur. Peut-être les techniques de biofeedback pourraient-elles nous permettre de découvrir une façon plus rapide d'apprendre ces pratiques, puisque nous possédons maintenant une signature identifiant certains états méditatifs. Et il y en a peut-être d'autres, porteurs d'autres signatures. Ce serait intéressant. Il serait bien utile de disposer d'une sorte de critère objectif qui nous aiderait à savoir dans quel état nous nous trouvons. Je sais par expérience qu'au début de l'entraînement on ne sait pas vraiment si l'on va dans la bonne direction. Nous savons qu'il est possible de générer des états cérébraux d'une façon tout à fait spécifique pour peu que l'on dispose d'un indicateur, d'un compteur mesurant la cohérence atteinte dans chaque bande de fréquence.
Je vais vous donner un exemple que je trouve assez incroyable. Au moyen de l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, vous choisissez arbitrairement un point dans le cerveau. Cela peut être l'amygdale, une partie du cortex ou du thalamus peu importe, en réalité. Là, vous mesurez l'activité, vous la portez à la connaissance du sujet et vous lui demandez d'essayer d'intensifier encore cette activité. Les sujets sont allongés devant vous et ils essaient. Au bout d'un moment, ils découvrent que ce qu'ils sont en train de faire est corrélé à ce que mesure le compteur. Après quelques sessions, ils sont devenus si forts à cet exercice qu'ils parviennent délibérément à augmenter le débit sanguin par l'intermédiaire de l'activité neuronale, dans des régions spécifiques et bien circonscrites de leur cerveau. C'est au point qu'ils peuvent contrôler les curseurs ou jouer à Pong avec un second patient allongé sur une autre table de scanner. ...
Ce qui n'a pas encore été fait, c'est de demander à ces sujets ce qu'ils ressentent quand ils agissent ainsi. Avec l'intensification de l'activité de l'amygdale, on s'attendrait par exemple à voir surgir certaines émotions ou certaines modifications de l'état intérieur. Je crois que nous pourrions apprendre beaucoup de ces différents états, et en savoir plus sur la façon dont le cerveau parvient à s'autocontrôler à travers l'association de paramètres physiologiques et d'autoévaluations.
(KABAT-ZINN Jon et DAVIDSON Richard, « L’esprit est son propre médecin » (2011), Éditions Les Arènes 2014, p.138-139)

Lac Skadar (Monténégro)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire