mardi 25 mars 2014

La méditation de l'amour altruiste au laboratoire

Cultiver l'amour au quotidien
Avant constaté les qualités des émotions positives en général et de l'amour en particulier, Barbara Fredrickson s'est demandé comment mettre en évidence des liens de cause à effet (et non de simples corrélations) entre l'accroissement de l'amour altruiste et l'augmentation des qualités que nous avons décrites dans ce chapitre : la joie, la sérénité et la gratitude par exemple. Elle décida de comparer dans des conditions rigoureuses un groupe destiné à éprouver chaque jour davantage d'amour et d'autres émotions bénéfiques avec un groupe témoin, la répartition entre les deux groupes se faisant par tirage au sort. Restait à savoir comment amener les sujets de l'un des groupes à ressentir davantage d'émotions positives.
C'est alors que la chercheuse s'intéressa à une technique ancestrale pratiquée depuis deux mille cinq cents ans par les méditants bouddhistes : l'entraînement à l'amour bienveillant, ou amour altruiste, souvent enseigné en Occident sous le nom de metta (le terme pali, la langue originelle du bouddhisme). Fredrickson se rendit compte que cette pratique, dont le but est précisément de produire au fil du temps un changement méthodique et volontaire, correspondait exactement à ce qu'elle recherchait.
Elle enrôla pour l'expérience cent quarante adultes en bonne santé (soixante-dix dans chaque groupe), sans inclination spirituelle particulière ni expérience de la méditation. L'expérience dura sept semaines. Pendant ce temps, les sujets du premier groupe, répartis en équipes d'une vingtaine de personnes, reçurent un enseignement sur la méditation de l'amour altruiste donné par un instructeur qualifié, et pratiquèrent ensuite, généralement seuls et pendant une vingtaine de minutes par jour, ce qu'ils avaient appris. Durant la première semaine, on mit l'accent sur l’amour bienveillant envers soi-même ; pendant la deuxième, sur les proches, et les cinq dernières semaines, la méditation eut non seulement pour objet les proches des participants, mais aussi tous ceux qu'ils connaissaient, puis des inconnus et, finalement, l'ensemble des êtres.
Les résultats furent très clairs : ce groupe, qui n'était constitué pourtant que de novices en matière de méditation, avait appris à calmer son esprit et, plus encore, à développer remarquablement sa capacité d'amour et de bienveillance. Comparés aux personnes du groupe témoin (à qui l'on offrit de participer au même entraînement une fois l'expérience terminée), les sujets qui avaient pratiqué la méditation éprouvaient plus d'amour, d'engagement dans leurs activités quotidiennes, de sérénité, de joie, et d'autres émotions bienfaisantes. Au cours de l'entraînement, Fredrickson remarqua également que les effets positifs de la méditation sur l'amour altruiste persistaient durant la journée, en dehors de la séance de méditation et que, jour après jour, l'on observait un effet cumulatif.
Les mesures de la condition physique des participants montrèrent aussi que leur état de santé s'était nettement amélioré. Même leur tonus vagal, dont nous avons vu qu'il ne changeait normalement pas au cours du temps, avait augmenté. Au point que le psychologue Paul Ekman, lors de l'une de nos rencontres, suggéra de créer des « gymnases de l'amour altruiste » ; il faisait allusion à ces salles de culture physique que l'on trouve un peu partout dans les villes, en raison des bienfaits, eux aussi amplement démontrés, de l'exercice physique régulier sur la santé.
(Matthieu RICARD, « Plaidoyer pour l’altruisme, la force de la bienveillance » (2013), Éditions NiL, p.86-87)

Stupa de Swayambunath (Népal)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire