dimanche 5 juillet 2015

L’entraînement de l’esprit : la difficulté de la régularité

Certains se disent, par exemple : « pourquoi s’exercer chaque jour ? La vie ne suffit-elle pas ? Mes intentions et résolutions ne suffisent-elles pas ? »
Non, tout cela ne suffit pas. En nous contentant de vagues intentions de changement, nous n’utiliserons jamais correctement notre esprit, nous resterons toujours des victimes gémissantes et consentantes de nos vieux automatismes, nous produirons toujours les mêmes pensées courtes et les mêmes émotions incontrôlables. C’est pourquoi la pratique de la pleine conscience, entre autres formes d’entraînement de l’esprit, est particulièrement intéressante pour tout le monde ; et particulièrement nécessaire pour celles et ceux qui perçoivent à quel point leur esprit leur échappe et leur désobéit. Non qu’il faille espérer tenir notre mental en laisse et exercer sur lui un contrôle absolu. Mais juste rétablir un équilibre des forces : pouvoir se concentrer ou se calmer, par exemple, aux moments où nous en avons besoin, ne me semble pas être un objectif si ambitieux ni excessif. Et pourtant, en sommes-nous souvent capables ?
L’entraînement de l’esprit, pratiqué quotidiennement, c’est un acte de santé : comme une gymnastique de la conscience.
C’est aussi un nettoyage des pollutions sociales, une sorte de ménage, régulièrement pratiqué, de notre intériorité. Et comme pour le « vrai » ménage, si on le fait, cela ne se voit pas : on s’habitue vite à se sentir bien. Mais si on ne le fait pas, cela se voit ! Ou plutôt, cela se sent. C’est sans doute le principal « risque » lié à la pratique de la pleine conscience : on en devient dépendant et, si on arrête, l’instabilité émotionnelle et la volatilité de l’esprit reviennent doucement.
L’entraînement de l’esprit est, enfin, une ascèse : derrière la simplicité de la pratique, se cache la difficulté de la régularité. Et il est aussi une école de patience : il faut toujours renoncer à un effet immédiat. Et d’humilité : la pratique n’est jamais une garantie. Ainsi, après l’enthousiasme des débuts, et le sentiment – parfois même les preuves palpables - que les exercices réguliers ont réduit notre fragilité psychique, nous voilà presque convaincus d’avoir fait des progrès, ce qui n’est pas faux; et convaincus aussi que ces progrès sont stables et définitifs. Ce qui n’est pas vrai : nous allons rechuter. Ces « rechutes du pratiquant » sont la règle. Elles font partie du cheminement normal: après les succès et les enthousiasmes, tu retomberas. Sous l’effet de coups de colère, de spleen, d’inquiétudes... Humiliant ? Seulement si tu as tiré fierté de tes progrès de méditant. Plus encore si tu as paradé, en affichant ta pratique, en la vantant comme une panacée, si tu as porté ta nouvelle zen attitude en bandoulière... Décevant ? Seulement si tu t’es réjoui trop fort, même en secret, même in petto. Amusant ? Oui, si d’entrée tu avais admis que cela viendrait un jour. Et si, ce jour-là, tu accueilles la déception tranquillement. En pleine conscience. Tu le savais, tu l’avais accepté. Ça ne signifie rien d’autre que ceci : continue la pratique, encore et toujours.
(ANDRÉ Christophe, « Méditer, jour après jour », Éd. L’iconoclaste, 2011, p. 249-251)

Parc national du Velebit nord [Sjeverni Velebit] (Croatie)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire