lundi 29 décembre 2014

Pure présence et attention sans objet

À force d’élargir tout doucement le champ de notre attention, à force de nous dépouiller de nos attentes et de nos filtres mentaux, notre conscience est devenue pleine conscience. Elle est devenue très vaste et sans objet. Une pure présence.
Une conscience sans objet ? C’est un concept qui oppose parfois théoriciens et praticiens. Pour les philosophes, par exemple, toute conscience est conscience de quelque chose. Cela suppose que la conscience soit un effort d’attention qui se concentre autour d’un objet. Mais, pour les méditants, une conscience sans objet est possible, ils en ont souvent fait l’expérience : c’est une conscience élargie, capable de tout héberger. Elle est comme un amour illimité de ce qui est. Voir ce qui est, et l’aimer, de son mieux. On parle aussi de conscience sans choix. C’est une attitude précieuse. Pas supérieure intrinsèquement à d’autres manières d’être ou d’agir. Pas non plus une acrobatie gratuite de l’esprit. Précieuse car inhabituelle, et probablement porteuse de très grandes vertus : de guérison, de liberté, de clairvoyance.
Chez la plupart d’entre nous, la conscience sans objet est souvent un moment transitoire plus qu’un état stable : on ne fait qu’effleurer la pure présence. Et l’on pressent qu’il y a peut-être autre chose encore au-delà. Révélation ou illusion ? Plaisir indicible...
Au début, ce seront des grâces tombées du ciel. Des perches tendues par le hasard, souvent. Des moments où tout sera parfait, sans que la moindre intervention de notre part ne soit nécessaire. Puis, peu à peu, nous apprendrons à les susciter, ces instants de pure présence dont la définition est si simple : « juste être là ». Et l’application si délicate, tant nous ne savons pas « juste être là » : intervenir et agir, orienter et influencer, tout cela nous démange, et le faire nous soulage. C’est à la fois la force immense de l’espèce humaine et son immense faiblesse. Mais par moments, nous saurons retenir notre geste. Nous nous dépouillerons de notre vie de surface, nous mettrons de côté passé et projets. Nous accéderons un instant à une immensité et une éternité transitoires, que nos actes et nos pensées nous cachaient. Tout sera bien et bouleversant. Un bouleversement calme.
(ANDRÉ Christophe, « Méditer, jour après jour », Éd. L’iconoclaste, 2011, p.108-109)

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