mercredi 9 avril 2014

Prendre conscience de ses émotions

Un jour, deux policiers sont appelés pour un incident domestique. Un voisin inquiet signale des cris dans la maison d'à côté. À leur arrivée, un petit garçon de six ans terrifié se précipite dans le jardin. Lorsqu'ils déboulent dans le salon, les deux agents tombent sur une femme paniquée et un homme qui la menace avec un couteau. Le policier le moins expérimenté est pétrifié. Il n'a encore jamais été confronté à un homme armé. Il se tourne vers son collègue pour savoir ce qu'il doit faire mais ce dernier est paralysé – « kidnappé par l'amygdale », une montée d'adrénaline l'a coupé dans son élan. Il est en proie à la réaction de combat, de fuite ou d'immobilisation du corps. Heureusement, à ce moment-là, les lobes préfrontaux de son jeune collègue s'activent. Il comprend qu'en réalité c'est de la peur qu'il voit dans les yeux de l'agresseur. « Vous allez bien, monsieur ? », lui demande-t-il. Immédiatement, l'homme sent sa colère s'évacuer et se met à pleurer.
Dans cet exemple, le jeune policier a reconnu son ressenti et son inexpérience, sans se laisser pour autant submerger. D'instinct, il a été capable de réguler ses émotions. Cette aptitude à ne pas réagir face au stress, à ne pas se laisser déséquilibrer et à garder son sang-froid est un des effets de la pratique de la pleine conscience. L'émotion est un phénomène complexe. C'est une fonction centrale, dynamique, qui intègre le comportement, le sens, la réflexion, la perception, le ressenti, le relationnel et le souvenir. En termes d'activité neurologique, elle inclut des processus associés à la fois à la voie haute et à la voie basse. En développant les circuits cérébraux qui permettent aux circuits « bas », générateurs d'affect, d'être régulés par les circuits « hauts », modulateurs, la pratique de la pleine conscience renforce la non-réactivité émotionnelle. Elle altère de manière positive les connexions entre l'amygdale limbique sous-corticale (voie basse) et le cortex préfrontal (voie haute).
Dans les programmes de pleine conscience, on apprend, par la pratique, à identifier et à « lâcher » les événements émotionnels passagers. Ainsi, en méditation, où il s'agit simplement de suivre le souffle moment après moment, votre esprit s'en ira spontanément ailleurs. Ce phénomène n'est pas considéré comme une erreur ou une faute. C'est ce que fait l’esprit. En revanche, quand c'est le cas, on vous incite à noter où votre esprit est parti, parfois à nommer ce qui l'a emporté – par exemple, « Voici de la colère » ou « Voici des projections » –, puis à revenir délicatement au souffle. De cette manière, vous parvenez peu à peu à percevoir plus nettement ce qui est présent, mais également à mettre des mots sur votre expérience.
Des études de Creswell et de ses collègues laissent penser que cette capacité accrue à verbaliser les émotions au moment où elles sont éprouvées facilite la reconnaissance de ces expériences. Elle permet de s'en détacher jusqu'à un certain point et de moduler sa réponse de manière adaptée. Le fait de nommer et de cataloguer les émotions renforce l'activité du cortex préfrontal et réduit celle de l'amygdale. Grâce aux effets intégratifs de l'entraînement à la pleine conscience, les aires préfrontales « hautes » coordonnent et équilibrent l'activité des aires limbiques « basses ». Pour faire simple, l'entraînement à la pleine conscience permet aux parties les plus intelligentes du cerveau de prendre le plus de décisions importantes.
(CHASKALSON Michael, « Méditer au travail pour concilier sérénité et efficacité » (2011), Préface de Christophe ANDRÉ (2013), CD audio d’exercices conçus et lus par Christophe ANDRÉ (2013), Éditions des Arènes 2013, p.150-152)

Monastère de Haïravank (Arménie)

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