mercredi 16 octobre 2013

De l’empathie à la compassion dans un laboratoire de neurosciences (II)

Seule l’empathie se fatigue, pas la compassion
... De là naquit l’idée d’explorer ces différences afin de distinguer plus clairement entre la résonance empathique avec la douleur de l’autre et la compassion éprouvée pour sa souffrance. Nous savions également que la résonance empathique avec la douleur peut conduire, lorsqu’elle est maintes fois répétée, à un épuisement émotionnel et à la détresse. C’est ce que vivent souvent les infirmières, les médecins et les soignants qui sont constamment en contact avec des patients en proie à de grandes souffrances. Ce phénomène appelé burnout en anglais est traduit en français sous les termes « épuisement émotionnel » ou encore « fatigue de la compassion ». Il affecte les gens qui « craquent » lorsque les soucis, le stress ou les pressions auxquels ils doivent faire face dans leur vie professionnelle les affectent au point qu’ils deviennent incapables de poursuivre leurs activités. Le burnout touche tout particulièrement les personnes confrontées quotidiennement aux souffrances des autres, le personnel soignant et les travailleurs sociaux notamment. Aux États-Unis, une étude a montré que 60% du personnel soignant souffre ou a souffert du burnout et qu’un tiers en est affecté au point de devoir interrompre momentanément ses activités.
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À la lumière de ces recherches préliminaires, il semblerait donc logique de former à l’amour altruiste et à la compassion ceux dont le métier consiste à s’occuper quotidiennement de personnes qui souffrent. Une telle formation aiderait également les proches (parents, enfants, conjoints) qui prennent soin de personnes malades ou handicapées. L’amour altruiste crée en nous un espace positif qui sert d’antidote à la détresse empathique et empêche que la résonance affective ne s’amplifie au point de devenir paralysante et d’engendrer l’épuisement émotionnel caractéristique du burnout. Sans l’apport de l’amour et de la compassion, l’empathie livrée à elle-même est comme une pompe électrique dans laquelle l’eau ne circule plus : elle va rapidement s’échauffer et brûler. L’empathie doit donc prendre place dans l’espace beaucoup plus vaste de l’amour altruiste. Il importe également de considérer l’aspect cognitif de la compassion, autrement dit la compréhension des différents niveaux de la souffrance et de ses causes manifestes ou latentes. Ainsi, nous sera-t-il possible de nous mettre au service des autres en les aidant efficacement tout en préservant notre force d’âme, notre bienveillance et notre paix intérieure. Comme l’écrit Christophe André : « Nous avons besoin de la douceur et de la force de la compassion. Plus on est lucide sur ce monde, plus on accepte de le voir tel qu’il est, et plus on se rend à cette évidence : nous ne pouvons rencontrer toutes les souffrances que l’on rencontre dans une vie d’humain, sans cette force et sans cette douceur ». (p.76)
 (Matthieu RICARD, « Plaidoyer pour l’altruisme, la force de la bienveillance » (2013), Éditions NiL, p.68-69 + 76)

Désert blanc (Égypte)

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