"Les Ifaluks, habitants d’un atoll coralien de Micronésie, dans le sud du Pacifique, ont une grande richesse de vocabulaire pour désigner la colère : lingeringer, pour la colère qui monte lentement à la suite d’une succession d’incidents contrariants, nguch, le ressentiment éprouvé quand votre famille ne vous a pas aidé comme vous l’attendiez, tipmochmoch, qui désigne l’irritabilité éprouvée quand on est malade, et enfin song qui est la colère mêlée d’indignation contre quelqu’un qui a commis un acte moralement répréhensible.
Catherine Lutz, une anthropologue, décrit toutes ces émotions dans un livre fameux, intitulé « Unnatural Emotions » qui défend une approche culturaliste « radicale » : selon elle, il n’y a pas d’émotions universelles, et nos tentatives de les étudier scientifiquement (par exemple en analysant les expressions faciales) est déjà un biais culturel occidental.
Paradoxalement, toutes les émotions qu’elle décrit nous semblent tout à fait compréhensibles et familières, y compris le respect et l’admiration des Ifaluks pour celui qui est maluwelu, c’est-à-dire calme et gentil, et non pas sigsig, de mauvais caractère, ce qui peut se comprendre dans une société où l’on vit à plusieurs centaines massés sur une étroite bande de territoire."
ANDRÉ Christophe et LELORD François, « La force des émotions » (2001/2003), Éd. Odile Jacob - édition poche n°114, 2011, p. 62
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Fresque murale dans un temple Bouddhiste, Ladakh |
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