L'énorme pression du temps que notre mode de vie nous impose est un sujet peut-être plus troublant encore. La pléthore des choses à faire pendant les week-ends, les vacances, durant nos heures de loisirs, nous submerge. ...
Une étude expérimentale déjà assez ancienne montre comment un petit détail comme le sentiment d'urgence peut bousculer nos valeurs et modifier nos comportements. Cette observation portait sur des étudiants en théologie au profil identique. Les chercheurs leur demandaient de préparer une homélie sur la parabole du Bon Samaritain. Cette parabole, tirée du Nouveau Testament, raconte comment un voyageur passant dans une région un peu dangereuse est attaqué par des brigands qui le frappent, le dévalisent puis le laissent pour mort au bord du chemin. Un premier voyageur passe, puis un autre, mais ils ne s'arrêtent pas, probablement parce qu'ils ont peur. …
On donne aux étudiants la consigne suivante : « Vous allez étudier ce texte avec attention et préparer un sermon que vous enregistrerez dans un studio situé dans le quartier voisin. » Une fois les étudiants sensibilisés, grâce au texte, à l'altruisme et à l'aide à apporter aux inconnus, ils sont envoyés pour enregistrer leur homélie dans un studio proche. À la moitié de ces étudiants on dit : « Vous avez le temps, ne trainez pas trop en route, mais ça va aller... » Et à l’autre moitié : « Dépêchez-vous, vous êtes en retard, allez-y vite sinon votre tour va passer et vous ne pourrez plus enregistrer !» Sur le chemin, un comparse a pour mission de s'allonger par terre et de geindre, comme le voyageur qui a été agressé. Les chercheurs voulaient voir si les traits de caractère, de personnalité, la qualité du texte qu'ils avaient étudié avaient une influence sur l'aide apportée. La pression du temps que l'on avait fait peser sur les épaules des étudiants s'avéra être la variable la plus influente. Les deux tiers des étudiants sur lesquels on n'avait pas fait peser la pression du temps s'arrêtaient pour aider la personne qu'il fallait secourir, et seulement un tiers ne s'arrêtait pas (ils devaient être stressés par la perspective de leur enregistrement !). En revanche, la pression du temps exercée sur l'autre groupe faisait qu'ils n'étaient plus que 10 % à s'arrêter ! Un sur dix ! Alors que ces étudiants en théologie venaient de travailler sur une parabole parlant d'altruisme !
Cela encore doit nous inciter à beaucoup de modestie. La facilité avec laquelle nos bonnes intentions et nos valeurs peuvent être bousculées par un simple sentiment de fausse urgence est déconcertante, vexante, humiliante, déprimante... mais bien réelle ! Nos dispositions naturelles ou nos valeurs sont constamment entravées par de petits détails comme ceux-ci. Il faut débusquer inlassablement les façons dont, dans nos vies, l'impression d'être bousculé par le temps, par la masse des choses à taire, peut progressivement dénaturer nos capacités à être de bons humains.
(Christophe ANDRÉ/Jon KABAT-ZINN/Pierre RABHI/Matthieu RICARD, « Se changer, changer le monde » [2013], Éd. J’ai Lu, 2015, Christophe ANDRÉ p.50-53)
Une étude expérimentale déjà assez ancienne montre comment un petit détail comme le sentiment d'urgence peut bousculer nos valeurs et modifier nos comportements. Cette observation portait sur des étudiants en théologie au profil identique. Les chercheurs leur demandaient de préparer une homélie sur la parabole du Bon Samaritain. Cette parabole, tirée du Nouveau Testament, raconte comment un voyageur passant dans une région un peu dangereuse est attaqué par des brigands qui le frappent, le dévalisent puis le laissent pour mort au bord du chemin. Un premier voyageur passe, puis un autre, mais ils ne s'arrêtent pas, probablement parce qu'ils ont peur. …
On donne aux étudiants la consigne suivante : « Vous allez étudier ce texte avec attention et préparer un sermon que vous enregistrerez dans un studio situé dans le quartier voisin. » Une fois les étudiants sensibilisés, grâce au texte, à l'altruisme et à l'aide à apporter aux inconnus, ils sont envoyés pour enregistrer leur homélie dans un studio proche. À la moitié de ces étudiants on dit : « Vous avez le temps, ne trainez pas trop en route, mais ça va aller... » Et à l’autre moitié : « Dépêchez-vous, vous êtes en retard, allez-y vite sinon votre tour va passer et vous ne pourrez plus enregistrer !» Sur le chemin, un comparse a pour mission de s'allonger par terre et de geindre, comme le voyageur qui a été agressé. Les chercheurs voulaient voir si les traits de caractère, de personnalité, la qualité du texte qu'ils avaient étudié avaient une influence sur l'aide apportée. La pression du temps que l'on avait fait peser sur les épaules des étudiants s'avéra être la variable la plus influente. Les deux tiers des étudiants sur lesquels on n'avait pas fait peser la pression du temps s'arrêtaient pour aider la personne qu'il fallait secourir, et seulement un tiers ne s'arrêtait pas (ils devaient être stressés par la perspective de leur enregistrement !). En revanche, la pression du temps exercée sur l'autre groupe faisait qu'ils n'étaient plus que 10 % à s'arrêter ! Un sur dix ! Alors que ces étudiants en théologie venaient de travailler sur une parabole parlant d'altruisme !
Cela encore doit nous inciter à beaucoup de modestie. La facilité avec laquelle nos bonnes intentions et nos valeurs peuvent être bousculées par un simple sentiment de fausse urgence est déconcertante, vexante, humiliante, déprimante... mais bien réelle ! Nos dispositions naturelles ou nos valeurs sont constamment entravées par de petits détails comme ceux-ci. Il faut débusquer inlassablement les façons dont, dans nos vies, l'impression d'être bousculé par le temps, par la masse des choses à taire, peut progressivement dénaturer nos capacités à être de bons humains.
(Christophe ANDRÉ/Jon KABAT-ZINN/Pierre RABHI/Matthieu RICARD, « Se changer, changer le monde » [2013], Éd. J’ai Lu, 2015, Christophe ANDRÉ p.50-53)
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