« La faculté de ramener volontairement une attention vagabonde, encore et encore, est à la source même du jugement, du caractère et de la volonté », a observé le père fondateur de la psychologie américaine, William James [1842-1910].
Mais, on l'a vu, si on demande aux gens : « Êtes-vous en train de penser à autre chose que ce que vous faites ? », on a une chance sur deux de tomber sur un esprit qui vagabondait.
Cette probabilité varie considérablement selon la nature précise de l'activité concernée. Une enquête aléatoire réalisée auprès de plusieurs milliers de sujets a constaté de façon prévisible qu'ils n'accédaient jamais autant à l'ici et maintenant que lorsqu'ils étaient en train de faire l'amour (même s'ils ont reçu à ce moment précis l'appel importun de l'application pour smartphone des enquêteurs). En deuxième position, loin derrière, venait l'exercice physique, puis une bonne conversation et enfin le jeu. À l'opposé, le vagabondage de l'esprit était plus fréquent au travail (employeurs, notez-le bien), devant l'ordinateur domestique ou dans les transports.
En moyenne, l'humeur des sujets pendant le vagabondage avait généralement une tonalité désagréable ; même les pensées apparemment neutres étaient imprégnées d'une teinte émotionnelle négative. Bien souvent, l'errance de l'esprit semblait constituer en elle-même une source d'infélicité.
Où donc s'égarent nos pensées quand on ne réfléchit à rien de particulier ? Le plus souvent, il n'y est question que de « moi ». Le « moi », selon William James, tisse la notion de soi en racontant notre histoire – en assemblant des fragments de vie aléatoires sous forme de narration cohérente. Ce récit dont on est le personnage principal tisse un sentiment de continuité derrière le perpétuel passage d'un moment au suivant qui constitue notre expérience.
« Moi » est l'activité de la région par défaut, cet agitateur d'un esprit qui se perd dans les lacets de pensées qui n'ont que peu de rapport, voire aucun, avec la situation présente et beaucoup avec... moi. Cette habitude mentale prend le dessus aussitôt qu'on accorde à l'esprit un moment de repos après une activité focalisée.
Quand il ne procède pas à des associations créatives, le vagabondage de l'esprit tend à se centrer sur moi et mes préoccupations : toutes les choses que j’ai à faire aujourd'hui ; ce que je n’aurais pas dû dire à untel ; ce que j’aurais bien fait de dire à la place. Il arrive à l'esprit de se perdre dans des pensées ou des fantaisies plaisantes, mais il gravite quand même plus souvent autour de la rumination et de l'inquiétude.
Lorsque le dialogue intérieur et la rumination génèrent un fond d'anxiété de basse intensité, le cortex préfrontal médian s'active. Mais lorsqu'on est pleinement concentré, une région voisine, le cortex préfrontal latéral, inhibe cette région médiane. L'attention sélective désélectionne ces circuits de la préoccupation émotionnelle, qui constituent la plus puissante des distractions. La réaction aux événements qui surviennent, ou tout type de focalisation active, éteint le « moi », alors que la focalisation passive nous ramène au bourbier confortable de la rumination.
La plus puissante des distractions n'est pas la conversation des voisins de table, mais celle qui se tient dans notre esprit. La vraie concentration exige d'imposer le silence à ces voix intérieures. Entreprenez de retrancher de sept en sept à partir de cent et, si vous restez concentré sur la tâche, votre zone de bavardage va finir par se taire.
(GOLEMAN Daniel, « Focus, Attention et concentration : les clefs de la réussite » (2013), Éditions Robert Laffont, p.58-60)
Mais, on l'a vu, si on demande aux gens : « Êtes-vous en train de penser à autre chose que ce que vous faites ? », on a une chance sur deux de tomber sur un esprit qui vagabondait.
Cette probabilité varie considérablement selon la nature précise de l'activité concernée. Une enquête aléatoire réalisée auprès de plusieurs milliers de sujets a constaté de façon prévisible qu'ils n'accédaient jamais autant à l'ici et maintenant que lorsqu'ils étaient en train de faire l'amour (même s'ils ont reçu à ce moment précis l'appel importun de l'application pour smartphone des enquêteurs). En deuxième position, loin derrière, venait l'exercice physique, puis une bonne conversation et enfin le jeu. À l'opposé, le vagabondage de l'esprit était plus fréquent au travail (employeurs, notez-le bien), devant l'ordinateur domestique ou dans les transports.
En moyenne, l'humeur des sujets pendant le vagabondage avait généralement une tonalité désagréable ; même les pensées apparemment neutres étaient imprégnées d'une teinte émotionnelle négative. Bien souvent, l'errance de l'esprit semblait constituer en elle-même une source d'infélicité.
Où donc s'égarent nos pensées quand on ne réfléchit à rien de particulier ? Le plus souvent, il n'y est question que de « moi ». Le « moi », selon William James, tisse la notion de soi en racontant notre histoire – en assemblant des fragments de vie aléatoires sous forme de narration cohérente. Ce récit dont on est le personnage principal tisse un sentiment de continuité derrière le perpétuel passage d'un moment au suivant qui constitue notre expérience.
« Moi » est l'activité de la région par défaut, cet agitateur d'un esprit qui se perd dans les lacets de pensées qui n'ont que peu de rapport, voire aucun, avec la situation présente et beaucoup avec... moi. Cette habitude mentale prend le dessus aussitôt qu'on accorde à l'esprit un moment de repos après une activité focalisée.
Quand il ne procède pas à des associations créatives, le vagabondage de l'esprit tend à se centrer sur moi et mes préoccupations : toutes les choses que j’ai à faire aujourd'hui ; ce que je n’aurais pas dû dire à untel ; ce que j’aurais bien fait de dire à la place. Il arrive à l'esprit de se perdre dans des pensées ou des fantaisies plaisantes, mais il gravite quand même plus souvent autour de la rumination et de l'inquiétude.
Lorsque le dialogue intérieur et la rumination génèrent un fond d'anxiété de basse intensité, le cortex préfrontal médian s'active. Mais lorsqu'on est pleinement concentré, une région voisine, le cortex préfrontal latéral, inhibe cette région médiane. L'attention sélective désélectionne ces circuits de la préoccupation émotionnelle, qui constituent la plus puissante des distractions. La réaction aux événements qui surviennent, ou tout type de focalisation active, éteint le « moi », alors que la focalisation passive nous ramène au bourbier confortable de la rumination.
La plus puissante des distractions n'est pas la conversation des voisins de table, mais celle qui se tient dans notre esprit. La vraie concentration exige d'imposer le silence à ces voix intérieures. Entreprenez de retrancher de sept en sept à partir de cent et, si vous restez concentré sur la tâche, votre zone de bavardage va finir par se taire.
(GOLEMAN Daniel, « Focus, Attention et concentration : les clefs de la réussite » (2013), Éditions Robert Laffont, p.58-60)
Peintures rupestres, Erg Mehedjebat (Algérie) |
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