dimanche 4 mai 2014

Physique quantique et vacuité bouddhiste (II)

L'une des plus importantes idées philosophiques du bouddhisme est issue de ce qui est connu comme la théorie de la vacuité. Au cœur de cette notion réside la reconnaissance profonde qu'il existe une disparité fondamentale entre notre manière de percevoir le monde, y compris notre propre existence en son sein, et la manière dont les choses sont véritablement. Dans notre expérience quotidienne, nous avons tendance à nous relier au monde et à nous-mêmes comme si ces entités possédaient une réalité close, définissable, distincte et durable. Par exemple, si nous examinons notre propre conception du soi, nous découvrons que nous avons tendance à croire que notre être possède un noyau essentiel qui donne à notre individualité et à notre identité le caractère d'un ego distinct, indépendant des éléments physiques et mentaux qui constituent notre existence. La philosophie de la vacuité révèle que c'est non seulement une erreur fondamentale, mais également la base de l'attachement, du besoin d'appropriation et du développement de nos nombreux préjugés.
Selon la théorie de la vacuité, toute croyance en une réalité objective fondée sur l'hypothèse d'une existence intrinsèque, indépendante, est fausse. Toutes les choses et tous les événements, qu'ils soient des concepts matériels, mentaux ou même abstraits, tel le temps, sont dénués d'existence objective, indépendante. Posséder ainsi une existence indépendante, intrinsèque impliquerait que les choses et les événements sont en quelque sorte « complets » et par conséquent entièrement indépendants. Cela signifierait qu'ils ne peuvent pas interagir et que rien n'a d'influence sur eux. Or nous savons qu'il y a cause et effet – tournez une clé dans un démarreur, les bougies s'allument, le moteur tourne et l'essence et l'huile brûlent. Dans un univers de choses indépendantes existant en soi, ces événements n'arriveraient jamais. Je ne pourrais pas écrire sur du papier et vous ne pourriez pas lire les mots sur la page. Donc nous interagissons et nous modifions mutuellement il nous faut supposer que nous ne sommes pas indépendants — quelle que soit notre impression ou notre intuition du contraire.
Effectivement, la notion d'existence intrinsèque, indépendante est incompatible avec la causalité. La causalité implique la contingence et la dépendance. Quoi que ce soit possédant une existence indépendante serait immuable et clos. Tout est composé d' événements interdépendants, de phénomènes en interaction continuelle sans essence fixe ou immuable, entretenant des relations dynamiques constamment changeantes. Les choses et événements sont « vides » en ce qu'ils ne possèdent pas d'essence immuable, de réalité intrinsèque ou d’« être » absolu conférant l'indépendance. Les textes bouddhiques nomment cette vérité fondamentale sur « la manière dont les choses sont réellement » « vacuité », ou shunyata en sanscrit.
(Dalaï-lama, « Tout l’univers dans un atome, Science et bouddhisme, une invitation au dialogue », Robert Laffont, 2006, p.56-58 ; Pocket n°13 348, 2009, p.50-52)


Arc-en-ciel, Vosges (France)

1 commentaire:

  1. Des concepts parfois compliqués qui sont exprimés de façon compréhensible. C'est un bonheur de découvrir ce blog !

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