Bref, tu avais l‘esprit complètement encombré de trucs inintéressants. Heureusement, tu t’en es rendu compte (ce n’est pas toujours le cas…). Tout à coup, tu t’es vu en train d’attendre ton train comme un chien attend sa pâtée, Tu n’as rien contre les chiens, ils sont sympas, mais bon, chacun sa vie.
Alors, tu t’es dit que non, c’était vraiment « trop pas intéressant » comme disent les enfants. Et tu as modifié ton état d’esprit : au lieu de « faire » quelque chose (attendre), tu es passé sur le registre « être juste là » et savourer l’instant présent. Tu as laissé tomber la montre et l’horizon du bout des rails. Et tu as tourné ton attention vers ta respiration, la façon dont tu te tenais, tu t’es doucement redressé, tu as ouvert tes épaules ; puis, tu as aussi ouvert tes oreilles, tu as écouté les sons, les rumeurs, les bruits de rails, les cris d’oiseaux ; tu as reniflé, comme un animal sorti des bois, cette étrange odeur de métal et de béton qui flotte dans les gares ; tu as observé la lumière de ce matin de printemps, les mouvements lents d’un train de marchandises tout au bout des quais, les nuages, toutes les installations, les panneaux, les bâtiments au loin. Fantastique, tout ce qu’il y avait à voir et à ressentir.
Fantastique, comme c’était intéressant et apaisant d’être intensément là, présent à ta vie de l’instant. Lorsque tu es monté dans le train, tu étais serein comme jamais. Tu ne l’avais pas attendu une seconde. Tu avais juste vécu ta vie. Trop pur !
(Christophe ANDRÉ, « Sérénité, 25 histoires d’équilibre intérieur », Éd. Odile Jacob, 2012, p.85-86)
Détail d'une épave, Port de Camaret (Bretagne, France) |
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