Cet échange peut s’effectuer n’importe quand et n’importe où, mais il est utile d’en comprendre les éléments essentiels en le pratiquant de façon formelle. La pratique formelle est comparable à la recharge d’une batterie de téléphone portable. Une fois que la batterie est pleine, vous pouvez utiliser le téléphone pendant un temps relativement long, où vous voulez et quand vous voulez. Elle finit cependant par se vider, et il faut alors la recharger. La différence principale entre la charge d’une batterie et le développement de l’amour bienveillant et de la compassion par la pratique formelle est qu’au bout du compte l’habitude de répondre aux autres avec compassion crée un ensemble de connexions neuronales qui se perpétue sans cesse et, en quelque sorte, ne perd plus sa « charge ».
La première chose à faire, comme d’habitude pour les pratiques formelles, est d’adopter la posture appropriée et de laisser votre esprit se reposer un instant. Ensuite, évoquez le souvenir de quelqu’un que vous n’aimez pas. Abstenez-vous de juger vos sentiments. Donnez-vous l’entière permission de ressentir ce que vous voulez. Le fait de renoncer à tout jugement ou justification vous donnera un certain degré d’ouverture et de clarté.
L’étape suivante consiste à admettre que ce que vous ressentez – colère, ressentiment, jalousie, désir – est en soi la source de votre souffrance ou de votre malaise. Le responsable de votre souffrance n’est pas l’objet de votre ressentiment, mais la manière dont vous réagissez mentalement à son endroit.
Par exemple, portez votre attention sur quelqu’un qui vous a tenu des propos apparemment critiques, cruels ou méprisants, ou qui vous a menti. Reconnaissez alors que la seule chose qui s’est produite, c’est que cette personne a émis des sons et que vous les avez entendus. Si vous avez passé un tant soit peu de temps à exercer la méditation du calme mental en prenant le son comme support, cet aspect de l’échange de soi contre autrui vous paraîtra familier.
À ce stade, trois possibilités s’offrent à vous. La première, et la plus probable, est que vous vous laisserez consumer par la colère, la culpabilité ou le ressentiment. La deuxième (très improbable) est que vous penserez : « J’aurai dû passer plus de temps à méditer sur le son. » La troisième est que vous prendrez mentalement la place de celui qui a dit ou fait ce que vous ressentez comme douloureux. Demandez-vous s’il était réellement motivé par le désir de vous faire du mal ou s’il essayait de se libérer de sa propre douleur.
Souvent, vous connaîtrez déjà la réponse. Vous avez peut-être surpris une conversation au sujet des problèmes de santé ou de couple de cette personne, ou sur les menaces pesant sur sa situation professionnelle. Mais même si vous ne connaissez rien d’elle, vous saurez, grâce à votre pratique, lorsque vous cultiverez la compassion pour vous-même et l’étendrez ensuite aux autres, que le comportement d’un être n’a qu’un motif possible : le désir de se sentir heureux et en sécurité. Si quelqu’un fait ou dit quelque chose de malveillant, c’est parce qu’il ne se sent pas heureux ou en sécurité, parce qu’il a peur. Et vous savez ce que c’est, d’avoir peur. Cette reconnaissance de la situation de l’autre est le point essentiel de l’échange de soi contre autrui.
(Yongey Mingyour Rinpotché, « Bonheur de la méditation », préfacé par Matthieu Ricard, Le livre de poche n°31 349, 2009, p.299-301)
Massif de l'Aragats (Arménie) |
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