samedi 5 avril 2014

Le lait renversé

L'histoire se passe au début des années 1940, en pleine guerre. Dans une ferme laitière anglaise, le vieux fermier a formé un ouvrier, un soldat en phase de réhabilitation après avoir été blessé au front. Le jeune homme a appris à appeler les vaches pour qu'elles rentrent à l'étable, à les diriger vers leur stalle, à les étriller et les traire, à transporter les seaux de lait jusqu'à la chambre froide et à les verser dans les bidon. Mais ce jour-là, il a renversé un peu de lait par terre et essayé en vain de nettoyer la tache au jet d’eau. Quand le vieux fermier passe par là, il le voit qui contemple désespérément la large flaque blanche qu'il a créée. « Ah ! dit-il, je comprends, je connais ce problème... Quand l'eau se mélange au lait, on ne fait plus la différence... Le truc, c'est de ne s'occuper que du lait renversé. Tu le laisses s'écouler vers le drain, tu élimines les dernières traces d'un coup de balai et après seulement tu arroses avec le jet. »
Une fois l'eau mélangée au lait, on ne fait plus la différence entre les deux. Il en est de même avec nos humeurs. Tous nos efforts pour nous en libérer les aggravent, et nous ne comprenons pas ce qui se passe : comme c'est pareil, nous redoublons nos efforts désespérés pour régler le problème. Il n'y a personne pour nous dire : « Arrête, si tu te sens plus mal qu'avant, c'est à cause de tous ces efforts que tu fais pour aller mieux... » Il n'y a rien « dehors » pour nous rappeler que même avec les meilleures intentions du monde, nous aggravons, en fait, notre cas.
En outre, pendant que nous ruminons, l'état qui a déclenché le processus peut très bien avoir disparu de lui-même. Mais on ne le remarque même pas, tellement on est occupé à s'en débarrasser tout en s'enfonçant un peu plus.
La rumination a systématiquement des effets négatifs. Elle ne fait qu'augmenter notre mal-être. Aussi héroïque qu'elle soit, elle est absolument impropre à résoudre notre problème. Il faut faire appel à un tout autre mode mental pour aller mieux.
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L'alternative à la rumination
...II existe une autre stratégie pour gérer les états, les souvenirs et les modes de pensée négatifs dans l'instant, au moment où ils surgissent. L'évolution nous a dotés d'un autre mode d'approche, qui a le pouvoir de nous transformer. On l'appelle la conscience.
La pleine conscience commence par la conscience
En un sens, cette capacité humaine nous est familière depuis toujours. Mais le mode « faire » l'a éclipsée. La conscience ne procède pas par analyse critique, mais par connaissance directe. On l'appelle le mode « être ».
(WILLIAMS Mark, TEASDALE John, SEGAL Zindel, et KABAT-ZINN Jon, « Méditer pour ne plus déprimer » (2007), préface de Christophe ANDRÉ, Éditions Odile Jacob, 2009, p.69-71)

Tessaout, Atlas (Maroc)

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