Les sujets subirent un autre test. Pendant quelques minutes chaque jour, ils s'installaient sous un ressort de métal émettant une brève impulsion magnétique dans le cortex moteur de leur cerveau. La Stimulation Magnétique Transcrânienne (SMT) invalide momentanément les neurones juste au-dessous du ressort ; elle permet ainsi aux scientifiques d'inférer quelle fonction ces neurones gèrent. Chez les pianistes, l'impulsion était dirigée vers le cortex moteur – plus spécifiquement, vers la bande qui contrôle la flexion et l'extension des doigts. Ainsi, les chercheurs étaient en mesure de cartographier les frontières de cette bande et de discerner la zone du cortex moteur consacrée aux mouvements des doigts requis pour l'exercice au piano. Les scientifiques constatèrent qu'après une semaine de pratique, la bande de cortex moteur gérant les mouvements de ces doigts avait usurpé les zones avoisinantes, comme des pissenlits sur une pelouse impeccable.
Ces résultats correspondaient tout à fait à l'afflux croissant de découvertes montrant que plus un muscle est utilisé, plus le cerveau lui consacrera d'immobilier cortical. Mais Pascual-Leone ne s'arrêta pas là. Il pria un autre groupe de sujets de simplement songer à l'exercice de piano. Ils jouaient le morceau simple dans leur tête, imaginant comment ils bougeraient les doigts pour produire les notes de la mélodie. Le résultat : la région du cortex moteur responsable des doigts exécutant le morceau s'étendit dans le cerveau des sujets qui ne faisaient qu’imaginer qu'ils jouaient, tout comme elle s'était développée chez ceux l'exécutaient concrètement. Les répétitions mentales activaient les mêmes circuits moteurs que les répétitions dans les gestes, avec les mêmes résultats : l'activation accrue entraînait une expansion de cette partie du cortex moteur.
Pascual-Leone et ses collègues écrivaient par la suite : « Une réorganisation similaire fut induite par la pratique mentale. » « L'exercice mental peut suffire à promouvoir la modulation plastique des circuits neuraux. » Et cette modulation plastique peut permettre aux gens d'acquérir une aptitude plus rapidement. Si ces résultats sont valables pour d'autres formes de mouvement (et il y a lieu de croire qu'ils le sont), alors s’exercer mentalement à un coup au golf, à une passe vers l'avant ou à la natation pourrait conduire à maîtriser le mouvement sans requérir autant de pratique physique. Plus globalement toutefois, cette découverte apportait encore une preuve venant étayer la capacité de l'entraînement mental de modifier physiquement le cerveau.
(BEGLEY Sharon, « Entraîner votre esprit, transformer votre cerveau » (2007) [Compte-rendu de la conférence Mind and Life XII du 18-22 octobre 2004], Avant-propos du XIVème Dalaï-lama, Préface de Daniel Goleman, Éditions Ariane 2008, p. 174-175)
Hauts-plateaux à proximité du col de Selim (Arménie) |
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