L’influence des médias
Près de 3 500 études scientifiques et tous les travaux de synthèse publiés durant la dernière décennie ont montré que le spectacle de la violence est de fait une incitation à la violence. Pour l’Académie américaine de pédiatrie : « Les preuves sont claires et convaincantes : la violence dans les médias est l’un des facteurs responsables des agressions et de la violence. » Ces effets sont durables et mesurables. Les enfants sont particulièrement vulnérables, mais nous sommes tous concernés.
Ces travaux ont aussi permis de réfuter entièrement l’hypothèse (inspirée en partie par les théories freudiennes) selon laquelle le spectacle de la violence permettrait à l’individu de se purger des pulsions agressives supposées l’habiter. Il a maintenant été établi qu’à l’inverse, ce spectacle aggrave les attitudes et comportements violents946. Cela n’empêche qu’en dépit de ces observations scientifiques, l’idée d’une catharsis libératrice continue à être régulièrement invoquée.
D’après Michel Desmurget, directeur de recherche à l’Inserm au Centre de neurosciences cognitives de Lyon, les images violentes opèrent selon trois mécanismes principaux : elles augmentent la propension à agir avec violence ou agressivité : c’est le mécanisme d’amorçage. Elles élèvent notre seuil de tolérance à la violence : c’est le mécanisme d’habituation. Elles exaspèrent nos sentiments de peur et d’insécurité : c’est le syndrome du monde mauvais. C’est la convergence de ces influences qui, au bout du compte, explique l’impact de la violence audiovisuelle. Il est établi également que les images violentes atténuent les réactions émotionnelles à la violence, abaissent la propension à porter secours à un inconnu victime d’agression et affaiblissent la capacité d’empathie.
Au terme de deux décennies d’études sur l’influence de la télévision, des chercheurs de l’université de Pennsylvanie ont démontré que les téléspectateurs qui regardent constamment des actes négatifs manifestent une tendance accrue à agir de la même façon, et que, plus on regarde la télévision, plus on est enclin à penser que les gens sont égoïstes et qu’ils nous tromperaient à la première occasion. Bien avant l’âge de l’audiovisuel, Cicéron observait déjà : « Si nous sommes contraints, à chaque instant, de contempler ou d’entendre parler d’événements horribles, ce flot ininterrompu d’impressions détestables privera même les plus humains d’entre nous de tout respect pour l’humanité. » À l’opposé, quand les médias prennent la peine de mettre en valeur les aspects généreux de la nature humaine, les spectateurs entrent aisément en résonance avec cette approche positive. Ainsi, la récente série intitulée « Héros de CNN » connaît un franc succès aux États-Unis. Cette émission présente des portraits et des témoignages de personnes, souvent très humbles et inconnues, qui se sont lancées dans des projets sociaux novateurs et bienfaisants ou totalement impliquées dans la défense de causes justes.
Les études les plus révélatrices sont celles qui ont mesuré l’augmentation de la violence suite à l’introduction de la télévision dans des régions où elle n’existait pas. L’une de ces études, réalisée dans des communautés rurales isolées du Canada, incluant quelques villes, a montré que deux ans après l’arrivée du petit écran, les violences verbales (injures et menaces) observées dans des écoles primaires ont été multipliées par deux et les violences physiques par trois. Une autre étude a mis en évidence une augmentation spectaculaire de la violence chez les enfants après l’introduction d’émissions de télévision en langue anglaise (qui contenaient une proportion élevée d’images violentes) en Afrique du Sud. Compte tenu de la magnitude des effets observés, Brandon Centerwall, de l’université de Washington, à Seattle, a évalué qu’il y aurait, rien qu’aux États-Unis, 10 000 homicides, 70 000 viols et 700 000 agressions avec coups et blessures de moins chaque année si la télévision n’existait pas.
(Matthieu RICARD, « Plaidoyer pour l’altruisme, la force de la bienveillance » (2013), Éditions NiL, p.413-415)
Près de 3 500 études scientifiques et tous les travaux de synthèse publiés durant la dernière décennie ont montré que le spectacle de la violence est de fait une incitation à la violence. Pour l’Académie américaine de pédiatrie : « Les preuves sont claires et convaincantes : la violence dans les médias est l’un des facteurs responsables des agressions et de la violence. » Ces effets sont durables et mesurables. Les enfants sont particulièrement vulnérables, mais nous sommes tous concernés.
Ces travaux ont aussi permis de réfuter entièrement l’hypothèse (inspirée en partie par les théories freudiennes) selon laquelle le spectacle de la violence permettrait à l’individu de se purger des pulsions agressives supposées l’habiter. Il a maintenant été établi qu’à l’inverse, ce spectacle aggrave les attitudes et comportements violents946. Cela n’empêche qu’en dépit de ces observations scientifiques, l’idée d’une catharsis libératrice continue à être régulièrement invoquée.
D’après Michel Desmurget, directeur de recherche à l’Inserm au Centre de neurosciences cognitives de Lyon, les images violentes opèrent selon trois mécanismes principaux : elles augmentent la propension à agir avec violence ou agressivité : c’est le mécanisme d’amorçage. Elles élèvent notre seuil de tolérance à la violence : c’est le mécanisme d’habituation. Elles exaspèrent nos sentiments de peur et d’insécurité : c’est le syndrome du monde mauvais. C’est la convergence de ces influences qui, au bout du compte, explique l’impact de la violence audiovisuelle. Il est établi également que les images violentes atténuent les réactions émotionnelles à la violence, abaissent la propension à porter secours à un inconnu victime d’agression et affaiblissent la capacité d’empathie.
Au terme de deux décennies d’études sur l’influence de la télévision, des chercheurs de l’université de Pennsylvanie ont démontré que les téléspectateurs qui regardent constamment des actes négatifs manifestent une tendance accrue à agir de la même façon, et que, plus on regarde la télévision, plus on est enclin à penser que les gens sont égoïstes et qu’ils nous tromperaient à la première occasion. Bien avant l’âge de l’audiovisuel, Cicéron observait déjà : « Si nous sommes contraints, à chaque instant, de contempler ou d’entendre parler d’événements horribles, ce flot ininterrompu d’impressions détestables privera même les plus humains d’entre nous de tout respect pour l’humanité. » À l’opposé, quand les médias prennent la peine de mettre en valeur les aspects généreux de la nature humaine, les spectateurs entrent aisément en résonance avec cette approche positive. Ainsi, la récente série intitulée « Héros de CNN » connaît un franc succès aux États-Unis. Cette émission présente des portraits et des témoignages de personnes, souvent très humbles et inconnues, qui se sont lancées dans des projets sociaux novateurs et bienfaisants ou totalement impliquées dans la défense de causes justes.
Les études les plus révélatrices sont celles qui ont mesuré l’augmentation de la violence suite à l’introduction de la télévision dans des régions où elle n’existait pas. L’une de ces études, réalisée dans des communautés rurales isolées du Canada, incluant quelques villes, a montré que deux ans après l’arrivée du petit écran, les violences verbales (injures et menaces) observées dans des écoles primaires ont été multipliées par deux et les violences physiques par trois. Une autre étude a mis en évidence une augmentation spectaculaire de la violence chez les enfants après l’introduction d’émissions de télévision en langue anglaise (qui contenaient une proportion élevée d’images violentes) en Afrique du Sud. Compte tenu de la magnitude des effets observés, Brandon Centerwall, de l’université de Washington, à Seattle, a évalué qu’il y aurait, rien qu’aux États-Unis, 10 000 homicides, 70 000 viols et 700 000 agressions avec coups et blessures de moins chaque année si la télévision n’existait pas.
(Matthieu RICARD, « Plaidoyer pour l’altruisme, la force de la bienveillance » (2013), Éditions NiL, p.413-415)
La Rijeka Crnojevica, aux sources du Lac Skadar (Monténégro) |
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