La force de volonté, c'est le destin
Des décennies d'étude ont révélé l'importance singulière de la force de la volonté dans la détermination du cours d'une vie. L'un des premiers travaux de ce genre est un petit projet réalisé dans les années 1960 où des enfants de foyers démunis ont reçu une attention particulière en maternelle pour les aider notamment à cultiver la maîtrise de soi et d'autres aptitudes vitales. Le projet visait à faire augmenter leur QI, mais ça n’a pas fonctionné. Pourtant, des années plus tard, lorsqu'on a comparé ces enfants à d'autres qui n'avaient pas participé au programme, on a trouvé chez eux moins de grossesses adolescentes, moins d'échecs scolaires, moins de délinquance et même moins d'absentéisme au travail. Ces conclusions ont été un argument de poids pour la création de ce qui est devenu le programme de soutien préscolaire Head Start, que l'on rencontre aujourd'hui partout aux États-Unis.
Puis, dans les années 1970, il y a eu le « test du marshmallow », une étude légendaire menée par le psychologue Walter Mischel à l'université Stanford. Mischel a accueilli l'un après l'autre des enfants de quatre ans dans une « salle de jeux » de la Bing Nursery School, sur le campus de Stanford. Là, on présentait à l'enfant un plateau garni de marshmallows et d'autres sucreries en lui disant de choisir ce qu'il voulait.
Ensuite, l'affaire se corsait. Le chercheur disait à l'enfant : « Tu peux le manger maintenant, si tu veux. Mais si tu attends que je sois revenu d'une course que j'ai à faire, tu en auras deux. »
Il n'y avait rien dans la pièce pour se distraire : pas de jouets, pas de livres, pas même une image. Dans des conditions si difficiles, la maîtrise de soi était pour un enfant de quatre ans un véritable exploit. Environ un tiers des enfants a immédiatement avalé le marshmallow, un autre tiers a attendu que s'écoule l’interminable quart d'heure pour recevoir la récompense (le dernier tiers s'est situé quelque part entre les deux). Mais le plus significatif, c'est que ceux qui ont résisté à la tentation ont obtenu de meilleures notes aux exercices de mesure du contrôle exécutif, et plus précisément dans la réaffectation de l'attention.
C'est dans la façon dont on se focalise que réside la clef de la force de volonté, dit Mischel. Les centaines d'heures passées à observer ces enfants aux prises avec la tentation ont révélé que tout découle de l’« affectation stratégique de l'attention », selon ses termes. Ceux qui ont su patienter jusqu'au bout du quart d'heure se sont occupés par des tactiques telles que jouer dans sa tête, chanter des chansons, ou se cacher les yeux. Si un enfant se contentait de contempler le marshmallow, il était fichu (ou, plus exactement, c'est le marshmallow qui l'était).
Dans l'opposition entre la faculté de se retenir et la gratification immédiate, au moins trois sous-catégories de l'attention sont en jeu, toutes relevant de l'exécutif. La première est l'aptitude à volontairement décrocher son attention d'un objet de désir particulièrement captivant. La deuxième, la résistance à la distraction, permet de maintenir sa focalisation ailleurs — sur un jeu imaginaire, par exemple — au lieu de constamment revenir à cet objet de convoitise quel qu'il soit. Et la troisième nous permet de rester focalisé sur un objectif futur — les deux marshmallows promis. Tout cela constitue la force de volonté.
... La capacité d'un enfant à se maîtriser est un aussi bon indicateur prédictif de sa réussite financière et de sa santé à l'âge adulte (ainsi que de son casier judiciaire, d'ailleurs) que la classe sociale, la fortune familiale ou le QI. La force de volonté est apparue comme un facteur à part entière de la réussite d'une vie – en vérité, pour la réussite économique, la maîtrise de soi à l'enfance s'est avérée un meilleur indicateur que le QI ou la classe sociale de la famille d’origine.
(GOLEMAN Daniel, « Focus, Attention et concentration : les clefs de la réussite » (2013), Éditions Robert Laffont, p.92-93 + 95)
Des décennies d'étude ont révélé l'importance singulière de la force de la volonté dans la détermination du cours d'une vie. L'un des premiers travaux de ce genre est un petit projet réalisé dans les années 1960 où des enfants de foyers démunis ont reçu une attention particulière en maternelle pour les aider notamment à cultiver la maîtrise de soi et d'autres aptitudes vitales. Le projet visait à faire augmenter leur QI, mais ça n’a pas fonctionné. Pourtant, des années plus tard, lorsqu'on a comparé ces enfants à d'autres qui n'avaient pas participé au programme, on a trouvé chez eux moins de grossesses adolescentes, moins d'échecs scolaires, moins de délinquance et même moins d'absentéisme au travail. Ces conclusions ont été un argument de poids pour la création de ce qui est devenu le programme de soutien préscolaire Head Start, que l'on rencontre aujourd'hui partout aux États-Unis.
Puis, dans les années 1970, il y a eu le « test du marshmallow », une étude légendaire menée par le psychologue Walter Mischel à l'université Stanford. Mischel a accueilli l'un après l'autre des enfants de quatre ans dans une « salle de jeux » de la Bing Nursery School, sur le campus de Stanford. Là, on présentait à l'enfant un plateau garni de marshmallows et d'autres sucreries en lui disant de choisir ce qu'il voulait.
Ensuite, l'affaire se corsait. Le chercheur disait à l'enfant : « Tu peux le manger maintenant, si tu veux. Mais si tu attends que je sois revenu d'une course que j'ai à faire, tu en auras deux. »
Il n'y avait rien dans la pièce pour se distraire : pas de jouets, pas de livres, pas même une image. Dans des conditions si difficiles, la maîtrise de soi était pour un enfant de quatre ans un véritable exploit. Environ un tiers des enfants a immédiatement avalé le marshmallow, un autre tiers a attendu que s'écoule l’interminable quart d'heure pour recevoir la récompense (le dernier tiers s'est situé quelque part entre les deux). Mais le plus significatif, c'est que ceux qui ont résisté à la tentation ont obtenu de meilleures notes aux exercices de mesure du contrôle exécutif, et plus précisément dans la réaffectation de l'attention.
C'est dans la façon dont on se focalise que réside la clef de la force de volonté, dit Mischel. Les centaines d'heures passées à observer ces enfants aux prises avec la tentation ont révélé que tout découle de l’« affectation stratégique de l'attention », selon ses termes. Ceux qui ont su patienter jusqu'au bout du quart d'heure se sont occupés par des tactiques telles que jouer dans sa tête, chanter des chansons, ou se cacher les yeux. Si un enfant se contentait de contempler le marshmallow, il était fichu (ou, plus exactement, c'est le marshmallow qui l'était).
Dans l'opposition entre la faculté de se retenir et la gratification immédiate, au moins trois sous-catégories de l'attention sont en jeu, toutes relevant de l'exécutif. La première est l'aptitude à volontairement décrocher son attention d'un objet de désir particulièrement captivant. La deuxième, la résistance à la distraction, permet de maintenir sa focalisation ailleurs — sur un jeu imaginaire, par exemple — au lieu de constamment revenir à cet objet de convoitise quel qu'il soit. Et la troisième nous permet de rester focalisé sur un objectif futur — les deux marshmallows promis. Tout cela constitue la force de volonté.
... La capacité d'un enfant à se maîtriser est un aussi bon indicateur prédictif de sa réussite financière et de sa santé à l'âge adulte (ainsi que de son casier judiciaire, d'ailleurs) que la classe sociale, la fortune familiale ou le QI. La force de volonté est apparue comme un facteur à part entière de la réussite d'une vie – en vérité, pour la réussite économique, la maîtrise de soi à l'enfance s'est avérée un meilleur indicateur que le QI ou la classe sociale de la famille d’origine.
(GOLEMAN Daniel, « Focus, Attention et concentration : les clefs de la réussite » (2013), Éditions Robert Laffont, p.92-93 + 95)
Bonbons en cristal de Murano, lagune de Venise (Italie) |
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