Nos ruminations passent souvent inaperçues en tant que telles à nos propres yeux, car nous croyons alors réfléchir. Mais la rumination n’est pas une vraie réflexion, elle est stérile. On a pu montrer que, dans la rumination, la personne se focalise sur le problème et ses conséquences, et pas sur les solutions possibles à mettre en œuvre. Erreur de ciblage, erreur d’aiguillage : on perd un temps infini à ruminer sur les causes et conséquences éventuelles des difficultés au lieu de chercher des remèdes. Les ruminations engendrent de la souffrance, mais pas de solutions.
Par essence, la rumination étale dans le temps les soucis et événements malheureux, comme s’ils n’étaient pas déjà assez ennuyeux tels quels. Elle les dilate, les répand dans toute notre vie, le passé (« c’est parce que je n’ai pas fait ce qu’il fallait que tout cela arrive… ») et le futur (« cela va entraîner ceci et cela… »), ce qui pollue totalement l’évaluation que l’on devrait faire du problème au présent. Quand on rumine, c’est comme si on écoutait un vieux disque rayé, qui ressasserait indéfiniment le même passage, mais que l’on n’arrive plus à retirer de l’appareil, pas plus qu’on n’arrive à couper le son de ce dernier, ni à quitter la pièce.
Joue aussi dans ces sombres raisonnements en boucle la croyance que, pour résoudre un problème, il faut y réfléchir longuement ; et que plus on y réfléchit, plus on a de chances de trouver la bonne solution. Ce qui n’est pas toujours vrai. Autre problème : entre en ligne de compte dans la rumination une dimension, une obsession presque, de jugement, une tendance à porter un jugement sur les choses (bien ou mal) et à chercher des coupables ou des responsables (soi ou les autres), à percevoir les problèmes comme des fautes ou des manquements (qui a mal fait ?). Quête souvent inutile et dangereuse…
(Christophe ANDRÉ, « Sérénité, 25 histoires d’équilibre intérieur », Éd. Odile Jacob, 2012, p.31-33)
Fous de Bassan en train de couver (de ruminer ?) Ile Rouzic (Bretagne, France) |
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