La tâche est donc doublement difficile pour les personnes phobiques, qui sont habituellement en état de vigilance et de lutte vis-à-vis de l’environnement, et de leurs pensées et sensations physiques. Pour elles, les bénéfices de la méditation pourraient se situer à trois niveaux.
Le premier serait celui d’un effet facilitant la relaxation : beaucoup d’anxieux ont du mal à se relaxer car ils sont trop réceptifs au moindre dérangement, à la moindre sollicitation de leur attention. Ils n’arrivent à se détendre qu’au calme, sans bruit autour d’eux… Or ces conditions sont rarement remplies au quotidien. Apprendre à se détendre malgré les bruits extérieurs (« Ah ! ces moteurs de motos ») ou les pensées parasites (« Quand je pense à tout ce que j’ai à faire après ma séance de relaxation… ») est donc précieux pour les phobiques.
Un deuxième bénéfice peut être retiré de ce travail quant à l’attention à la fois vigilante et dispersée des personnes phobiques. Nous avons déjà décrit à quel point les peurs phobiques étaient souvent associées à des troubles de l’attention, plus ou moins importants selon les personnes. La plupart des phobiques ont en général du mal à fixer leur attention : en effet, cette dernière est en général consacrée à la surveillance inquiète plutôt qu’à l’observation détendue. Les phobiques peinent pour abandonner leur réflexe de surveillance de l’environnement. Le paradoxe, c’est qu’en même temps, une fois que ce qui fait peur est dépisté, il leur devient au contraire très difficile de fixer leur attention sur l’objet de cette peur, par un réflexe d’évitement. Ce qui serait pourtant le seul moyen de s’y habituer peu à peu. Les séances de méditation peuvent donc représenter une sorte d’entraînement à mieux maîtriser ses processus attentionnels, dans le but de faciliter les confrontations aux images, pensées ou sensations inquiétantes.
Enfin, un dernier bénéfice psychologique peut être attendu, des méthodes de méditation : développer les capacités d’acceptation des états émotionnels négatifs. C’est par exemple l’un des buts de la méditation bouddhiste(3). D’où son utilisation par certains thérapeutes, notamment dans la prévention des rechutes dépressives(4), mais aussi, depuis peu, dans la prise en charge psychothérapique des différents problèmes de peurs et d’anxiété(5), Pour les personnes phobiques, les exercices consistent à laisser arriver, puis à accepter les sensations, pensées, émotions, images désagréables qui peuvent survenir, sans chercher sur le moment à les repousser ou à les discuter. Juste se dire : « Ce qui me fait peur peut arriver. Ce n’est pas arrivé, cela peut ne jamais arriver, mais cela peut aussi arriver. Je dois apprendre peu à peu à supporter ces images ou ces idées. Et à agir si nécessaire pour empêcher la survenue des catastrophes que je redoute. Mais mon inquiétude, elle, ne servira à rien. Elle ne modifiera pas le cours des choses. Ce sont mes actes qui modifieront le cours des choses… » Avec mes patients, nous utilisons souvent dans ces moments l’image du bouchon de liège qui flotte sur l’océan : les vagues de la peur le font monter, descendre, mais il continuera de flotter. Même si les vagues sont énormes. Il suffit de les laisser passer…
(Christophe ANDRÉ, « Psychologie de la peur, craintes, angoisses et phobies », Éd. Odile Jacob, 2004 [2005 pour l’édition poche, n°166], p. 129-130)
Crocodile, Pays Kassena (Burkina Faso) |
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