Commençons par ceci : suis-je mes pensées, suis-je les pensées qui sont dans ma tête ? Non. Les pensées apparaissent et disparaissent ; je ne suis pas mes pensées. Suis-je mon corps ? On nous dit que des millions de cellules se transforment ou se renouvellent constamment dans notre organisme, et que sept années suffisent à les changer entièrement. Nous n’avons plus, à l’issue de ce processus de changement, une seule cellule qui ait été présente dans notre corps sept ans plus tôt. Les cellules apparaissent et disparaissent. Les cellules naissent et meurent. Mais il semble que « je » survive. Suis-je mon corps ? Non.
« Je » est à la fois différent et plus important que le corps. On pourrait dire que le corps est une partie de ce « je », une partie qui change. Il ne cesse de bouger, de se transformer. Nous avons toujours le même mot pour le nommer mais il ne cesse de changer. Comme nous avons le même mot pour nommer les chutes du Niagara, constituées par des eaux qui ne cessent de bouger. Nous utilisons le même mot pour une réalité essentiellement changeante.
(Anthony de Mello, s.j., « Quand la conscience s’éveille » [1984], Éd. Albin Michel 2010, p.64-65)
Dans notre vie quotidienne, comme dans la pratique formelle, il est extrêmement bon de savoir que nous ne sommes pas nos pensées (y compris nos idées, nos opinions et même nos positions bien arrêtées) et qu’elles ne sont pas nécessairement vraies, ou seulement vraies dans une certaine mesure, et souvent peu utiles de toute façon. C’est lorsque nous ne les connaissons pas comme telles, lorsque nous n’avons pas conscience de leur flux même, des bulles individuelles, des courants et des tourbillons de pensée au sein du flux, que nous n’avons aucun moyen d’œuvrer à nous affranchir de leurs énergies incroyablement puissantes et persistantes, mais souvent trompeuses.
(Dr Jon Kabat-Zinn John, « L’éveil des sens : vivre l’instant présent grâce à la pleine conscience », 2005, Pocket n°14 424, 2011, Préface de Matthieu Ricard, p. 289)
Pour la plupart d’entre nous, les pensées sont apparemment très solides, très vraies. Nous nous y attachons, ou bien nous en avons peur. Dans un sens comme dans l’autre, nous leur accordons tout pouvoir sur nous. Plus nous les croyons solides et vraies, plus nous leur accordons de pouvoir. Mais dès que nous les observons, leur pouvoir commence à faiblir.
Parfois, quand on observe ses pensées, on remarque qu’elles apparaissent et disparaissent plutôt vite en laissant des petits blancs entre elles. Au début, l’espace entre une pensée et la suivante peut ne pas être très long. Mais avec la pratique, cet espace s’étire, et l’esprit se pose avec plus d’ouverture et de paix dans une attention sans objet. Parfois, la simple pratique d’observer ses pensées ressemble au fait de regarder la télévision ou un film. Sur l’écran, il peut se passer des tas de choses, mais en fait, on n’est pas dans le film ou à la télé. Il y a un peu d’espace entre celui qui regarde et ce qu’il regarde. Alors, tandis que vous pratiquez l’observation des pensées, vous pouvez faire l’expérience de ce petit espace entre vous-même et vos pensées. Cet espace, ce n’est pas réellement vous qui le créez ; il a toujours été là. Vous ne faites que le remarquer.
(Yongey Mingyour Rinpotché, « Bonheur de la sagesse », préfacé par Matthieu Ricard, Le livre de poche n°32 372, 2011, p. 202-203)
Papillon, Château de Hac (Bretagne) |
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