"Il y a plusieurs années, je me suis retrouvé sanglé dans une machine à IRMf, une espèce de scanner cérébral qui avait tout d’un cercueil rond et blanc. … En tout, nous étions quinze à nous prêter à cette expérience un peu désagréable dans le cadre d’une étude neuroscientifique conduite par les professeurs Antoine Lutz et Richard Davidson au Waisman Laboratory for Brain Imaging and Behavior de l’Université de Madison, au Wisconsin. Cette étude avait pour but d’examiner les effets d’une longue pratique de la méditation sur le cerveau – « longue » signifiant ici entre 10 000 et 50 000 heures de pratique cumulées. Pour les volontaires les plus jeunes, ces heures recouvraient une quinzaine d’années, mais certains des plus vieux pratiquants avaient médité pendant plus de quarante ans. …
Nous étions censés procéder à certaines pratiques méditatives en alternance avec des instants où nous laissions notre esprit se reposer dans un état ordinaire ou neutre, à raison de trois minutes de méditation suivies de trois minutes de repos. Pendant les phases de méditation, on nous proposait un certain nombre de sons que l’on pourrait qualifier, sans exagérer, de fort déplaisants : une femme qui hurle, par exemple, ou un bébé qui pleure. Entre autres fins, l’expérience devait déterminer quels effets ces sons désagréables avaient sur le cerveau de méditants expérimentés : allaient-ils interrompre le courant de leur attention concentrée ? Certaines zones cérébrales associées à l’irritation ou à la colère seraient-elles activées ? Peut-être cela ne produirait-il aucun effet.
En fait, l’équipe de chercheurs découvrit que, avec ces sons désagréables, on observait une augmentation de l’activité des zones cérébrales associées à l’amour maternel, à l’empathie et à d’autres états positifs de l’esprit. Le désagrément avait déclenché un profond état de calme, de clarté et de compassion.
Cette découverte résume parfaitement l’un des principaux bienfaits de la pratique méditative bouddhiste : l’occasion d’utiliser des conditions difficiles – ainsi que les émotions perturbatrices qui les accompagnent généralement – pour libérer le pouvoir et le potentiel de l’esprit humain."
Yongey Mingyour Rinpotché, « Bonheur de la sagesse », préfacé par Matthieu Ricard, Le livre de poche n°32 372, 2011, p. 19-22
Le temple d'or d'Amritsar, Inde |
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