vendredi 6 janvier 2017

Accepterais-je de rester assis(e), debout ou couché(e), sans rien faire ?

La première des quatre Nobles Vérités du bouddhisme est celle de l’universalité de la souffrance : tout être humain connaîtra nécessairement la souffrance au cours de sa vie. En entendant cela, bien des habitants des pays industrialisés se disent : « Cette vérité sur la souffrance ne me concerne pas. Je ne vis pas dans un pays en guerre, je ne connais ni la torture ni la faim. » Mais la souffrance dont parlait Bouddha est souvent beaucoup plus subtile qu’une douleur franche. C’est un sentiment d’insatisfaction, une impression persistante que les choses ne sont pas comme elles devraient être. C’est une sensation désagréable et irritante qui nous pousse à bouger, à faire n’importe quoi pour nous distraire, à manger ou à boire quelque chose, à nous empiffrer ou à vomir; tout pour faire disparaître ce sentiment de mal-être.
Le fait de bouger ou de se distraire ne soulage que momentanément cette impression que quelque chose ne va pas. Or cette impression se fonde sur une vérité, une vérité à laquelle il faut prêter attention. Manger, boire, prendre de la drogue ou de l’alcool, jouer avec le danger ou accumuler les conquêtes amoureuses, voilà tous les remèdes « en vente libre» que nous utilisons pour soulager temporairement ce mal-être fondamental, cette intuition que les choses ne vont pas comme elles pourraient ou devraient aller. Mais, comme la véritable source de cette insatisfaction est spirituelle, son seul vrai remède ne peut être que spirituel.
La question qui se pose maintenant est donc : « Accepterais-je de me sentir vide sur le plan spirituel ? » Tout d’abord, il faut admettre qu’effectivement nous sommes vides, que nous le voulions ou non. Chaque atome de notre corps se compose avant tout de vide (à plus de quatre-vingt-dix-neuf pour cent), un vide parcouru par d’infimes particules d’énergie fulgurante (qui comptent pour moins de un pour cent). Mis à part ce vide bien physique qui nous habite, nous sommes aussi vides d’une autre manière: nous sommes vides d’une existence autonome. Nous ne pourrions exister sans l’existence de tous les autres êtres. Certes, il nous arrive parfois d’être submergés par la multitude de tous ces « autres » et de souhaiter que tout le reste de l’univers disparaisse, mais, si cela devait se produire, nous disparaîtrions nous aussi. Fondamentalement, nous ne sommes rien d’autre que nos interactions avec tous les autres êtres. Chacun de nous est comme une bulle de savon au milieu d’un immense amas de bulles de savon. Nous ne sommes que du vide, avec des liens et des interactions avec les autres êtres, qui sont vides, eux aussi.
Accepter de se sentir vide signifie donc intégrer une vérité fondamentale de notre existence.
En regardant les choses un peu autrement, nous pourrions reformuler ainsi la question sur le vide : « Accepterais-je de ne rien faire ? Accepterais-je de rester assis(e), debout ou couché(e), sans rien faire ? »

(CHOZEN BAYS Jan Dr, « Manger en pleine conscience : La méthode des sensations et des émotions » (2009), Postface de Jon Kabat-Zinn, Éditions Les Arènes, 2013, p.231-233)

Bougies (Monastère de Guéghard, Arménie)

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