vendredi 23 septembre 2016

Où peut conduire l'appréhension face à l’inaction

C. A. : Parfois, nous faisons des choses absurdes et douloureuses juste par ennui : une étude récente et étonnante montrait que, lorsqu’on met des étudiants dans une pièce pendant 10 ou 15 minutes, et qu’on leur donne le choix soit de ne rien faire soit de s’infliger de petits chocs électriques, un nombre important (à peu près deux tiers des hommes et un tiers des femmes) préférait s’infliger des chocs électriques ! On peut imaginer que la jeune génération, accro aux écrans et à la musique, a perdu l’habitude de l’inaction et de l’introspection, plutôt que de penser tout de suite qu’ils étaient poussés par le masochisme !
Idem avec la nourriture : la plupart du temps, on ne mange pas parce qu’on a faim, mais parce qu’on a envie de manger, parce qu’on est attiré par la nourriture, ou que c’est l’heure de passer à table. On confond un plaisir avec un autre : ai-je vraiment faim ? Est-ce que j’ai juste envie d’être à table avec mes amis ? Ou ai-je envie de manger simplement parce que ça sent bon ? On est dans un manque de conscience, une absence à soi-même. Il s’agit donc typiquement de souffrances qu’on s’inflige, ou d’erreurs qu’on commet en sachant parfois qu’on le fait, mais, au moment de les commettre, on n’est pas assez attentifs à ce dont on a vraiment besoin. Il est vrai qu’être toujours vigilant et exigeant envers soi-même peut sembler pénible ou épuisant, mais en l’étant un tout petit peu, un tout petit peu plus souvent, on pourrait nettement diminuer les souffrances liées à ces comportements. C’est une difficulté classique dans les addictions : la prise de drogues revient clairement à se faire du mal. Mais nul désir de souffrir : au début, on cherche du plaisir ; à la fin, on cherche à ne plus souffrir de l’état de manque.
(ANDRÉ Christophe – JOLIEN Alexandre – RICARD Matthieu, « Trois amis en quête de sagesse » (2016), Éditions L’iconoclaste / Allary 2016, (p. 130-131)

Fleur (pays Somba, Bénin)

dimanche 18 septembre 2016

Le juste milieu dans la pratique spirituelle

Déserts d'Égypte (IV-Vème siècles après JC)
L’Abbé Antoine conversait un jour avec plusieurs frères lorsque survint un chasseur qui chassait le gibier dans le désert. Voyant que l’Abbé Antoine et les frères s’amusaient, il fut scandalisé. L’Abbé Antoine lui dit : « Mettez une flèche dans votre arc et lancez-la. » Il le fit. Une autre, commanda l’Ancien. Et une autre, et une autre. » Le chasseur répondit : « Si je tends sans cesse mon arc, il va se briser. L’Abbé Antoine répliqua : « Il en est de même dans la vie spirituelle. Si nous nous tendons outre mesure, nous nous effondrerons bientôt. Aussi est-il bon, de temps en temps, de relâcher nos efforts. »
 (« La sagesse du désert, aphorismes des Pères du désert », présentés par Thomas Merton, Albin Michel (2006) p. 95)

Inde (VIème siècle avant JC)
Au début de sa quête du spirituel, Bouddha s’adonnait à de nombreuses austérités.
Un jour, deux musiciens vinrent à passer près de l’arbre où il était assis et méditait, et il entendit l’un d’eux dire à l’autre : « Ne tends pas trop les cordes de ton sitar, elles vont casser ; ne les laisse pas trop lâches non plus, elles ne vibreront pas. Observe le juste milieu. »
Ces propos frappèrent à tel point Bouddha qu’ils révolutionnèrent sa manière de percevoir la spiritualité. Il était persuadé qu’ils avaient été prononcés pour lui. Dès cet instant il abandonna toutes ses austérités et se mit à suivre une voie qui était facile et légère : la voie de la modération. De fait, sa manière de percevoir l’illumination s’appelle le juste milieu.
(Anthony de Mello, s.j., « Histoires d’humour et de sagesse » [1987], Éd. Albin Michel poche 2011 n°172, p.107)

Ibis rouge