mercredi 28 octobre 2015

Nature et non-violence

Prenez une graine de maïs et plantez-la dans un sol humide. Au bout d'une ou deux semaines, elle va germer. Environ trois jours plus tard, revenez la voir et demandez à la petite plante : « chère plante, te souviens-tu du temps ou tu étais une graine ? ». II se peut que la plante ait oublié, mais l'ayant observée attentivement, vous savez bien que la jeune tige de maïs vient vraiment de la graine.
Quand nous regardons la plante, nous ne voyons plus la graine et nous pensons qu'elle est morte. Mais la graine n'est pas morte ; elle est devenue la plante. Si vous êtes capables de voir la graine de maïs dans la tige de maïs, vous avez cette sorte de sagesse que le Bouddha appelle la sagesse de non-discrimination. Vous ne faites pas de séparation entre la graine et la plante. Vous voyez qu'elles inter-sont, qu'elles sont une seule et même chose. Vous ne pouvez pas enlever la graine de la plante et vous ne pouvez pas enlever la plante de la graine. En examinant avec attention le jeune plant de maïs, vous pouvez voir la graine de maïs toujours vivante, mais sous sa nouvelle apparence. La plante est la continuation de la graine.
La pratique de la méditation nous aide à percevoir ce que les autres ne voient pas. En examinant très attentivement le père et le fils, le père et la fille, la mère et le fils, la mère et la fille, la graine de maïs et la tige de maïs, nous constatons qu'il y a entre eux une relation très étroite. C'est pourquoi il nous faut pratiquer, pour nous éveiller à la vérité, à la réalité de l'inter-être. La souffrance de l’un est la souffrance de l’autre. … Quand nous prendrons conscience de notre nature interdépendante, nous cesserons de blâmer, d'exploiter, de tuer parce que nous aurons compris que nous inter-sommes avec tous les êtres. C'est le grand Éveil que nous devons réaliser pour le salut de notre planète.
Nous, les humains, nous nous sommes toujours considérés comme à part du reste du monde. Nous faisons une distinction entre nous-mêmes et « Ia Nature » (les animaux, les plantes et les minéraux), et nous agissons comme si nous en étions totalement séparés. Mais à la question : « Comment gérer notre environnement naturel ? », il n'y a qu'une seule réponse : nous devons en prendre soin, sans violence, comme nous prenons soin de nous-mêmes. Nous, les êtres humains, sommes inséparables de notre milieu naturel. Nous ne devons pas davantage nuire à la nature qu'à autrui. Le mal que nous faisons à notre environnement, c'est à nous que nous le faisons, et réciproquement.
(THICH NHAT HANH, « Ce monde est tout ce que nous avons » (2008), Le Courrier du Livre, 2010, p. 59-61)

Parc national des lacs de Plitvice (Croatie)