lundi 29 juin 2015

Ne plus avancer dans la vie comme un robot

C’est l’évidence même : partout où l’on va, on est avec soi-même. Nulle part où se fuir. Une question se pose, alors : « Et maintenant, que faire ? »
Qu’on le veuille ou non, c’est justement sur cet instant-là qu’il faut travailler. Car nous menons trop souvent nos vies comme si nous oubliions que nous sommes ici, que nous sommes déjà en plein dans le moment présent. À chaque instant de notre vie, nous sommes à la croisée des chemins d’ici et de maintenant. Mais lorsque nous oublions momentanément où nous sommes, nous nous sentons perdus. Quand je dis perdu, je veux dire que, momentanément, nous n’avons plus de contact avec notre moi profond, avec toutes nos possibilités latentes. Dans notre manière de voir, de penser et d’agir, nous nous conduisons le plus souvent comme des robots. Nous perdons contact avec notre vie intérieure qui nous permet de créer, d’apprendre et de grandir. Si nous n’y prenons pas garde, ces moments embrumés peuvent se prolonger et envahir notre vie entière.
En général, nous sommes plutôt préoccupés par ce qui est déjà arrivé dans le passé, ou par un avenir qui n’est pas encore là. Nous cherchons un ailleurs où nous espérons que tout sera meilleur ou comme avant. La plupart du temps, nous avons à peine conscience du conflit que cela provoque en nous.
Par exemple, nous assumons automatiquement que nos idées et nos opinions sur ce qui se passe autour de nous et ce qui se passe à l’intérieur de nous sont la vérité. Nous payons cher ces suppositions non vérifiées, cette évacuation délibérée de la richesse de nos moments présents. Les rejets s’accumulent en silence, encombrant notre vie sans même que nous en ayons conscience. Ainsi, nous demeurons ensevelis sous les pensées, les fantasmes, les pulsions du passé et du futur. Nous restons accrochés à nos goûts, à nos habitudes, à nos peurs qui brouillent notre sens de l'orientation et nous dissimulent le lieu même où nous nous trouvons.
(Dr Jon KABAT-ZINN, « Où tu vas, tu es », 1994, J’ai Lu n°7 516, 2009, p.13-14)
Jon Kabat-Zinn est l’inventeur d’une méditation accessible à tous : la « méditation en pleine conscience ». À ce jour [en 2012], plus de 550 centres, hôpitaux ou cliniques utilisent la MBSR aux États-Unis, et plus de 700 à travers le monde, l’utilisent comme outil de soin.

Papillon, Baric Draga (Croatie)

jeudi 25 juin 2015

Le renoncement

Le renoncement vous procure à la fois tristesse et joie : tristesse en réalisant la futilité de vos comportements passés, et joie en voyant la perspective plus large qui se déploie devant vous, quand vous êtes capable d'y renoncer. Ce n'est pas là une joie ordinaire. C'est une joie qui donne naissance à une force nouvelle et profonde, à une confiance et à une inspiration constantes lorsque vous réalisez que vous n'êtes pas enchaîné à vos habitudes, mais que vous pouvez vraiment en émerger, changer et vous libérer de plus en plus.
(SOGYAL Rinpoché, « Étincelles d’éveil » (1995), Pocket n°14 913, 2013, pensée du 15 mai)

Île de Rab (Croatie)

dimanche 21 juin 2015

Ralentir

La plupart d'entre nous passent leur temps à courir en tous sens. Imaginez que vous tombiez sur une amie que vous n'avez pas vue depuis longtemps et que vous lui demandiez : « Comment ça va ? » Il y a vingt ans, elle vous aurait sans doute répondu : « Bien. » Alors qu'aujourd'hui ce sera plus probablement : « Débordée ! »
Nous sommes submergés par les courriels, les appels téléphoniques et les heures de travail interminables, nous trimballons nos enfants à droite et à gauche, et tentons de suivre le rythme de tous ceux qui accélérèrent.
Quelles que soient les raisons propres à chacun, on a très vite l'impression d'être un cuisinier au moment du coup de feu.
Il est normal de s'emballer de temps en temps, qu'il s'agisse de gérer une urgence ou d'applaudir comme un fou parce que sa fille a fini par marquer un panier au basket (je parle en connaissance de cause !).
Mais l'accélération chronique a de nombreux effets négatifs :
  • Elle active le système de réaction de stress qui s'est développé dans notre cerveau pour nous préserver des attaques des bêtes sauvages. Des hormones comme l'adrénaline et le cortisol accentuent votre nervosité, votre système immunitaire est affaibli et votre humeur affectée.
  • Placé en alerte rouge, le cerveau se met à scruter les menaces et tend à réagir de manière excessive. Avez-vous déjà remarqué que vous êtes plus enclin à l'inquiétude ou à l'irritation quand vous accélérez ?
  • Vous avez moins le temps de réfléchir clairement et de prendre les bonnes décisions.
« La soif de vitesse » est peut-être devenue un mode de vie, mais il est toujours possible de changer. Commencez par des petits riens. Et laissez-les grandir.
« Aller moins vite » fait partie des mesures faussement anodines qui pourraient bien transformer votre vie.

COMMENT ?
Voici quelques méthodes pour ralentir. Je vous suggère d'en appliquer seulement quelques-unes : ne vous empressez pas de ralentir !
  • Effectuez quelques gestes plus lentement que d'habitude. Amenez doucement votre tasse à vos lèvres, ne bâclez pas votre repas, n’interrompez pas vos interlocuteurs avant qu'ils aient fini de s'exprimer, ou marchez d'un pas tranquille pour vous rendre à une réunion. Terminez une tâche avant d'en entreprendre une autre. Plusieurs fois par jour, respirez longuement, lentement.
  • Levez le pied de la pédale d'accélérateur. Un jour, comme je fonçais sur l'autoroute, j’ai entendu ma femme murmurer : « Il n'y a pas le feu ! » Grâce à elle, j'ai pris conscience qu'en réduisant ma vitesse de quelques kilomètres par heure notre arrivée ne serait différée que de quelques minutes et le trajet serait beaucoup plus détendu.
  • Quand le téléphone sonne, imaginez qu'il s'agit de la cloche d'une église ou d'un temple qui vous rappelle que le moment est venu de respirer et de ralentir. (Cette suggestion vient du moine vietnamien Thich Nhat Hanh.)
  • Résistez à la pression des gens qui vous imposent de faire les choses plus vite que nécessaire. Vous n'avez pas à pâtir de leur manque d'organisation.
  • Reconnaissez ce qu'il y a de bien dans l'instant tel qu'il est afin d'être moins tenté de passer rapidement à autre chose. Par exemple. si vous êtes mis en attente au téléphone, cherchez des yeux quelque chose de beau ou d'intéressant, ou appréciez la sérénité que procure le simple fait de respirer.
Au fil du temps, menez à bien vos engagements et réfléchissez soigneusement avant d'en contracter de nouveaux. Résistez à toute tentation intérieure d'en faire ou d'en vouloir toujours plus. Quel est le résultat sur votre qualité de vie : êtes-vous plus heureux quand vous courez en tous sens ? Ou plus stressé et épuisé ?
Imprégnez-vous sans cesse du confort et du bien-être que vous ressentez quand vous ralentissez – et ne soyez pas surpris si l'on vous dit que vous paraissez plus confiant, plus reposé, plus digne et plus heureux.
C'est votre vie, et celle de personne d'autre. Ralentissez et appréciez-la !

(HANSON Rick, « Le pouvoir des petits riens » (2011), Éditions des Arènes [2013], Pocket n°16162 [2015], p.45-48)

Libellule, Parc nationale de la Krka (Croatie)

mercredi 10 juin 2015

L’enfant intérieur

En chacun de nous se trouve un enfant qui souffre. Nous avons tous connu des périodes difficiles et beaucoup d’entre nous ont été fortement perturbés durant l’enfance. Et pour nous protéger de toute cette souffrance, la seule solution que nous ayons trouvée a été d’oublier ces épisodes douloureux. Chaque fois que la douleur se réveille, cette sensation nous est si insupportable que nous refoulons nos sentiments et nos souvenirs au plus profond de notre inconscient. À tel point que nous pouvons passer des années et des années à négliger cet enfant blessé.
Pourtant, ce n’est pas parce que nous l’ignorons que l’enfant n’est pas là. L’enfant blessé est toujours là, et il essaie d’attirer notre attention. Il se manifeste comme il peut : « Je suis là. Je suis là. Tu ne peux pas m’ignorer. Tu ne peux pas me fuir. » Désireux d’atténuer notre peine, nous refusons de l’entendre, et nous nous en tenons aussi éloignés que possible. En vain, car cette fuite ne met pas fin à notre souffrance ; bien au contraire, elle ne fait que la prolonger.
L’enfant blessé a besoin de soins et d’amour mais nous les lui refusons. La douleur et le chagrin qui nous habitent semblent insurmontables, et, effrayés par toute cette souffrance, nous la fuyons. Même si nous en avons le temps, nous ne revenons pas en nous-mêmes par peur de la confronter. Nous nous perdons dans une quête permanente de divertissements (télévision, cinéma, activités mondaines, alcool, drogues) parce que nous ne voulons plus faire l’expérience de toute cette souffrance.
L’enfant blessé est là et nous ne le savons même pas. C’est une réalité, mais nous ne pouvons pas la voir. Cette incapacité est une forme d’ignorance. Cet enfant a été sévèrement blessé. Il a vraiment besoin que nous revenions vers lui pour en prendre soin. Et, malgré tout, nous nous détournons de lui.
L’ignorance infuse chaque cellule de notre corps et de notre conscience, telle une goutte d’encre diluée dans un verre d’eau. Cette ignorance nous empêche de voir la réalité ; elle nous pousse à faire des choses idiotes qui nous font souffrir encore plus, tout en blessant encore et encore notre enfant intérieur.
(Thich Nhat Hanh, « Prendre soin de l'enfant intérieur »(2010), Éditions Pocket 2015, p. 7-8)

Parc national des lacs de Plitvice (Croatie)

dimanche 7 juin 2015

Le pendule

L’horloger était sur le point de fixer le pendule d’une horloge, lorsque, à sa grande surprise, il entendit le pendule parler.
« S’il vous plait, laissez-moi, plaida le pendule. Ce sera un acte de bonté de votre part. Pensez au nombre de fois que j’aurai à faire tic-tac, jour et nuit. Tant de fois chaque minute, soixante minutes par heure, vingt-quatre heures par jour, trois cent soixante-cinq jours par année. Année après année … des millions de tic-tac. Je n’y arriverai jamais. »
Mais l’horloger opposa une réponse emplie de sagesse : « Ne pense pas à l’avenir. Fais juste un tic-tac à la fois et tu jouiras de chaque tic-tac tout le reste de ta vie. »
Et c’est exactement ce que le pendule décida de faire. Et il continue toujours de le faire – dans la joie.
(Anthony de Mello, s.j., « Histoires d’humour et de sagesse » [1987], Éd. Albin Michel poche 2011 n°172, p.197-198)

Horloge astronomique (Bâtiment de la Chambre des points noirs à Riga, Lettonie)

mercredi 3 juin 2015

Reconnaître et conduire le flux des pensées (2)

Lorsque vous apprenez à mieux connaître votre pensée, vous remarquez mieux ses histoires, ses jugements, ses interprétations, les « je dois encore faire ceci ou cela ». Vous découvrez à quel point les idées relatives au passé ou à l'avenir ont de l'influence. Vous pouvez alors vous dire : « Ce sont des ruminations », « Je me fais du souci pour quelque chose que je ne dois faire que dans quatre semaines », « Si c'était encore comme ça... ».
Les idées sont agitées. Elles cherchent des stimulations. Elles vagabondent, réagissent impulsivement et passent du coq à l'âne. Vous apprenez à les connaître en les suivant pendant un temps. Vous les calmez si vous ne suivez pas à chaque fois les « il faut » ou les « si ceci..., alors cela ». Ainsi vous pouvez opérer plus facilement des choix : est-ce que j'emboîte le pas ou est-ce que je dis : «Non, pas maintenant » ?
Une attention consciente peut vous aider à briser des idées et des modes de réaction dysfonctionnels. En établissant une autre relation avec vos idées, vous vous rendez moins dépendant de leur contenu. Vous pouvez alors vous rendre compte qu'avoir des idées et en prendre conscience sont deux choses différentes. Vous arrivez ainsi à des découvertes surprenantes :
  • Vous avez des idées, mais vous n'êtes pas vos idées.
  • Vous ne pouvez pas vous empêcher d'avoir des idées, mais vous pouvez ne pas toujours les écouter.
  • Lorsque vous êtes calme, vous apprenez et retenez beaucoup mieux que quand vous êtes stressé.
Lorsque vous êtes moins assujetti à vos réactions (notamment de panique), vous restez le capitaine du navire. Vous faites des choix différents, conscients, salutaires. Revenir à la respiration quand une vague risque de vous submerger, cela aide considérablement. Vous ne pouvez pas arrêter les vagues de la vie, mais vous pouvez apprendre surfer sur une planche sans voile. Bien sûr, ce n'est pas toujours facile. Surfer n'est pas pour rien un sport difficile. Mais en vous exerçant souvent, vous apprenez comment être pleinement présent à cette vague-ci, maintenant. Vous apprenez à utiliser une partie de sa force et de son énergie de sorte que vous restez debout. Quelle sensation formidable ! La tension et le stress sont inévitables. Vous n'avez pas de contrôle sur les situations qui les provoquent, mais vous en avez sur la façon d'y réagir. Ça, c'est une idée sûre. Si, malgré tout, vous ne trouvez pas le sommeil et que vous ressassez ce qui ne va pas bien et ce que vous devriez encore faire, vous avez cette possibilité : prendre conscience du fait que vous ruminez, ensuite passer de la tête au ventre.
(SNEL Éline, « Respirez : la méditation pour les parents et les ados » (2014), Éditions des Arènes, 2015, p.73-75)

Lézard, Parc national des lacs de Plitvice (Croatie)