vendredi 30 janvier 2015

Équilibre émotionnel

Qu'est-ce que l'équilibre émotionnel ? D'un point de vue algébrique, en tout cas : quelle est la bonne proportion entre émotions positives et émotions négatives ? Je sais bien, l'équilibre n'est pas forcément le bonheur, et ce dernier survient parfois, justement, d'instants de déstabilisation. Mais tout de même, être sans cesse submergé d'émotions négatives, comme le sont les anxieux et les déprimés, ce n'est pas la voie la plus simple pour se sentir heureux. Alors des travaux ont été conduits, consistant en gros à faire des sondages émotionnels brefs : un petit bip résonne sur votre téléphone portable, environ dix fois par jour pendant quelques semaines, et vous avez chaque fois à mentionner la tonalité émotionnelle qui est la vôtre juste à cet instant, agréable ou désagréable. Les données retrouvées dans ces recherches montrent que le ratio optimal (celui qu'on observe chez les personnes ne souffrant pas de stress excessif, d'anxiété, de dépression) est d’environ trois émotions positives pour une émotion négative. Il ne s'agit donc pas de tout positiver : on peut ressentir régulièrement des émotions négatives, nous stimulant pour nous adapter, comme peuvent le faire l'inquiétude, la tristesse, la culpabilité, l’agacement etc. Mais il faut, pour parler d'équilibre, que ces émotions négatives soient trois fois moins nombreuses à notre esprit que les positives. Le compte est bon pour vous ?
(ANDRÉ Christophe, « Et n’oublie pas d’être heureux », Éd. Odile Jacob, 2014, p.129)

Vivement le printemps ?
Hamac sous la neige (sentier des vignes, Jussy, Moselle, France)

mardi 27 janvier 2015

Les pensées et les émotions : les vagues et l'océan

Quand les gens commencent à méditer, ils se plaignent souvent que leurs pensées se déchaînent, qu'elles n'ont jamais été aussi incontrôlables. Je les rassure en leur disant que c'est bon signe. En effet, loin de signifier que vos pensées sont plus déchaînées, cela montre que vous êtes devenu plus calme : vous prenez enfin conscience de combien vos pensées ont toujours été bruyantes. Ne vous découragez pas, n'abandonnez pas. Quelle que soit la pensée qui s'élève, continuez simplement à demeurer présent à vous-même. Revenez constamment à votre respiration, même au beau milieu de la confusion.
Dans les instructions anciennes sur la méditation, il est dit qu'au début les pensées se précipitent les unes après les autres, sans interruption, comme une cascade dévalant la pente escarpée d'une montagne. À mesure que vous progressez dans la pratique de la méditation, les pensées deviennent semblables à un torrent coulant dans une gorge profonde et étroite, puis à un fleuve déroulant lentement ses méandres jusqu'à la mer. Enfin, l'esprit ressemble à un océan calme et serein que trouble seulement de temps à autre une ride ou une vague.
Certaines personnes pensent que, lorsqu'elles méditent, elles ne devraient avoir aucune pensée, aucune émotion. Si pensées ou émotions se manifestent, cela les contrarie, les fâche contre elles-mêmes et les persuade qu'elles ont échoué. Rien n'est moins vrai. Ainsi que le dit un proverbe tibétain : « C'est beaucoup demander que de vouloir de la viande sans os et du thé sans feuilles. » Tant que vous aurez un esprit, des pensées et des émotions s'élèveront.
De même que l'océan a des vagues et le soleil des rayons, ainsi les pensées et les émotions sont-elles le propre rayonnement de l'esprit. L'océan a des vagues ; pourtant, il n'est pas particulièrement dérangé par elles : les vagues sont la nature même de l'océan. Les vagues se dressent, mais où vont-elles ? Elles s'en retournent à l'océan. D'où ces vagues viennent-elles ? De l'océan. De même, les pensées et les émotions sont le rayonnement et la manifestation de la nature même de l'esprit. Elles s'élèvent de l'esprit, mais où se dissolvent-elles ? Dans l'esprit. Quelle que soit la pensée ou l'émotion qui surgit, ne la percevez pas comme un problème particulier. Si vous n'y réagissez pas de façon impulsive mais demeurez simplement patient, elle se déposera à nouveau dans sa nature essentielle.
Quand vous comprenez ceci, les pensées qui s'élèvent ne peuvent qu'enrichir votre pratique. Mais tant que vous ne réalisez pas quelle est leur nature intrinsèque – le rayonnement de la nature de votre esprit – elles deviennent les germes de la confusion. Entretenez donc envers vos pensées et vos émotions une attitude bienveillante, ouverte et généreuse, car vos pensées sont en fait votre famille, la famille de votre esprit. Dudjom Rinpoché avait coutume de dire : « Soyez à leur égard comme un vieil homme sage qui regarde jouer un enfant. »
Bien souvent, l'on ne sait que faire de sa négativité ou de certaines émotions perturbatrices. Dans le vaste espace de la méditation, il est possible d'adopter une attitude tout à fait impartiale envers pensées et émotions. Quand votre attitude change, c'est l'atmosphère tout entière de votre esprit qui s'en trouve modifiée, y compris la nature même de vos pensées et de vos émotions. Lorsque vous devenez plus conciliant, elles le deviennent aussi. Si vous n'avez pas de difficultés avec elles, elles n'en auront pas davantage avec vous.
Quelles que soient les pensées et les émotions qui se manifestent, laissez-les donc s'élever puis se retirer, telles les vagues de l'océan. Permettez-leur d'émerger et de s'apaiser, sans contrainte aucune. Ne vous attachez pas à elles, ne les alimentez pas, ne vous y complaisez pas, n'essayez pas de les solidifier. Ne poursuivez pas vos pensées, ne les sollicitez pas non plus. Soyez semblable à l'océan contemplant ses propres vagues ou au ciel observant les nuages qui le traversent.
Vous vous apercevrez vite que les pensées sont comme le vent : elles viennent puis s'en vont. Le secret n'est pas de « penser » aux pensées, mais de les laisser traverser votre esprit, tout en gardant celui-ci libre de commentaire mental.
Dans l'esprit ordinaire, nous percerons le flot de nos pensées comme une continuité ; mais en réalité, tel n'est pas le cas. Vous découvrirez par vous-même qu'un intervalle sépare chaque pensée de la suivante. Quand la pensée précédente est passée et que la pensée suivante ne s'est pas encore élevée, vous trouverez toujours un espace dans lequel Rigpa, la nature de l'esprit, est révélé. La tâche de la méditation est donc de permettre aux pensées de ralentir afin que cet intervalle devienne de plus en plus manifeste.
Mon maître avait un étudiant indien du nom d'Apa Pant. ... Apa Pant continuait à le harceler, lui demandant sans répit comment méditer. Tant et si bien que cette fois, lorsque mon maître lui répondit, ce fut d'une manière telle qu'il sut que la réponse était définitive :
– « Écoute-moi bien, c'est ainsi : quand la pensée précédente est passée et que la pensée future ne s'est pas encore élevée, n'y a-t-il pas là un intervalle ?
– Oui, répondit Apa Pant.
– Eh bien, prolonge-le : c'est cela, la méditation ! »
(Sogyal Rinpoché, « Méditation » (1992), Éditions La Table ronde (1994), p. 63-70)

Vieux pont, Vaux (Moselle, France)

samedi 24 janvier 2015

Des petites variations d'humeur peuvent réinstaller le programme « pensées dépressives »

Les humeurs tristes réactivent les attitudes et les croyances vulnérables
À la fin des années 1980, les travaux de Jeanne Miranda et Jackie Persons apportèrent des preuves nouvelles et importantes. Dans plusieurs études, elles observèrent les effets de l'humeur, non sur les mesures de la mémoire, comme l'avait fait John Teasdale, mais exactement sur les mêmes mesures d'attitudes dysfonctionnelles qui avaient donné les résultats décevants antérieurs. Elles trouvèrent que, lorsque des individus jamais déprimés auparavant disent être tristes, leurs croyances à ce moment changent peu. Au contraire, lorsque d'anciens déprimés disent être tristes, ils risquent plus d'adopter des attitudes dysfonctionnelles que lorsqu'ils sont de meilleure disposition. Ces personnes, par exemple, lorsqu'elles sont tristes, vont être plus enclines à penser que, pour être heureuses, elles doivent réussir dans tout ce qu'elles entreprennent.
Ces résultats aboutissaient à la même conclusion que celle obtenue par Teasdale : une petite pointe de tristesse peut mener ceux qui ont été dépressifs par le passé à un rétablissement des schémas de pensée connus au temps de leur dépression. En informatique, on dirait que le programme « pensées dépressives » n'avait pas été effacé du disque dur au cours de la guérison, et que de petites variations d'humeur pouvaient le réinstaller, comme s'il n'avait jamais été absent.
Au début du projet MacArthur, nous pensions que le degré avec lequel des variations d'humeur avaient rétabli des schémas de pensées négatives chez une personne, prédisait le risque qu'elle connaisse une rechute ou une récidive de la dépression. Une étude ultérieure confirma cette hypothèse. Zindel Segal et ses collègues induirent une humeur négative chez des patients qui venaient de terminer leur traitement (d'antidépresseurs ou de thérapie cognitive) dans un centre de santé mentale à Toronto. Ils cherchaient à déterminer l'effet du traitement sur les croyances dysfonctionnelles : plus précisément si les traitements modifiaient les croyances qui s'activaient en réponse aux détériorations de l'humeur. Segal et ses collègues voulaient également voir à quel point les changements de score sur l'échelle d'attitudes dysfonctionnelles prédisaient une rechute chez le patient.
Les résultats montrèrent que les patients chez lesquels le nombre de croyances dysfonctionnelles augmentait le plus suite à cette induction négative de leur humeur, étaient plus susceptibles de souffrir d'une rechute dans les trente mois suivant l'expérience. De plus, les patients qui avaient suivi une thérapie cognitive réagissaient dans une moindre mesure : leurs attitudes dysfonctionnelles étaient moins influencées par leurs changements d'humeur. Ceci confirma davantage notre point de vue selon lequel cette « réactivité cognitive », c'est-à-dire la tendance à réagir à de petits changements d'humeur par de grands changements de pensées négatives, était la question à laquelle il fallait s'atteler pour prévenir la dépression. En plus, des données d'autres sources suggéraient que la réactivité cognitive pouvait avoir un effet cumulatif, chaque épisode dépressif augmentant la probabilité d'un nouvel épisode.
(SEGAL Zindel, WILLIAMS Mark, TEASDALE John, « La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience pour la dépression : Une nouvelle approche pour prévenir la rechute », Éditions De Boeck 2006, p.52-53)


Dunes, pince de crabe de l'Arakao (Niger)

dimanche 18 janvier 2015

L’interdépendance des phénomènes : bouddhisme et physique quantique

Pour le bouddhisme, le monde est comme un vaste flux d'événements reliés les uns aux autres et participant tous les uns des autres. La façon dont nous percevons ce flux en cristallise certains aspects de manière purement illusoire et nous fait croire qu'il s'agit d'entités autonomes dont nous sommes entièrement séparés. ...
Selon le bouddhisme, donc, tout est interconnecté. De manière étonnante, des expériences scientifiques nous ont aussi contraints à dépasser nos notions habituelles de localisation dans l’espace. Elles nous ont amenés à conclure que l’univers possède bien un ordre global et indivisible, tant à l’échelle subatomique qu'à celle de l'infiniment grand.
Une célèbre expérience de pensée proposée en 1935 par Einstein et deux de ses collègues, Boris Podolsky et Nathan Rosen (on l'appelle l’expérience « EPR », d'après les initiales des trois auteurs), nous oblige à abandonner nos idées sur la localité des choses, sur notre perception d’» ici » ou de « là ». Or ce concept de non-localité est étrangement proche du concept bouddhiste d'interdépendance. En termes simplifiés, l'expérience EPR est la suivante :
Considérons une particule qui se désintègre spontanément en deux photons (des particules de lumière) A et B. Du fait des lois de symétrie, les deux photons partent toujours dans des directions opposées. Si A part vers le nord, nous détectons B au sud. Jusque-là, apparemment rien d'extraordinaire. Mais c'est oublier les bizarreries de la mécanique quantique qui dit qu'une particule a une nature duelle : celle-ci est à la fois onde et particule, et son apparence dépend du fait que l'instrument de mesure est activé ou non, c'est-à-dire de l'acte d'observation. Avant que détecteur ne soit activé, le photon A ne présentait pas l’aspect d'une particule, mais celui d'une onde. Cette onde n'étant pas localisée, il existe une certaine probabilité pour que A se trouve dans n'importe quelle direction. C'est seulement quand l'appareil de mesure est activé et que A est capté par ce dernier qu'il se métamorphose en particule et « apprend » qu'il se dirige vers le nord. Mais si, avant d'être capturé, A ne « savait » pas quelle direction il allait prendre, comment B aurait-il pu « deviner » à l'avance le comportement de A et régler le sien de façon à être capté au même instant dans la direction opposée ? Cela n'a aucun sens, à moins d'admettre que A peut informer instantanément B de la direction qu'il a prise. Or la théorie de la relativité chère à Einstein interdit à aucun signal de voyager plus vite que la lumière. « Dieu n'envoie pas de signaux télépathiques », disait le physicien pour souligner qu'il ne peut y avoir de mystérieuse action à distance entre deux particules séparées dans l'espace.
Sur la base de cette expérience de pensée, Einstein conclut donc que la mécanique quantique ne donne pas une description complète de la réalité. Déterministe invétéré, il s'éleva contre la description de la réalité en termes de probabilités par la mécanique quantique. Selon lui, A doit savoir quelle direction il va prendre et communiquer cette information à B avant de s'en séparer. Il faut donc que les propriétés de A aient une réalité objective indépendante de l'acte d'observation. L'interprétation probabiliste de la mécanique quantique selon laquelle A pourrait se trouver dans n'importe quelle direction doit être erronée. Einstein pensait que sous le couvert de l'incertitude quantique devait se cacher une réalité intrinsèque et déterministe. Selon le physicien, la vitesse et la position de définissant la trajectoire d'une particule étaient bien localisées sur la particule, indépendamment de l'acte d'observation. Il souscrivait à ce qu’on appelle le « réalisme local ». Pour Einstein, la mécanique quantique ne pouvait rendre compte de la trajectoire définie d'une particule, car elle ne prenait pas en compte des paramètres supplémentaires, appelés « variables cachées ». Elle était donc incomplète.
Pendant longtemps, le schéma EPR resta à l'état d'expérience de pensée. Les physiciens ne savaient pas comment la réaliser pratiquement. En 1964, John Bell, un physicien irlandais travaillant au CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire), conçut un théorème mathématique connu sous le nom d’« inégalités de Bell » qui aurait dû être vérifié expérimentalement s'il existait des variables cachées. Ce théorème permettait d'amener le débat du plan métaphysique à celui de l'expérience concrète. En 1982, à l'université d'Orsay, le physicien français Alain Aspect et son équipe effectuèrent une série d'expériences sur des paires de photons (les physiciens les appellent des photons « intriqués ») afin de tester l'effet EPR. Les résultats furent sans appel : les inégalités de Bell étaient systématiquement violées. Einstein s'était trompé. Dans l'expérience d'Aspect, les photons A et B sont séparés par douze mètres, et pourtant B « sait » toujours instantanément ce que fait A. On sait que ce phénomène est instantané, car un signal lumineux transportant des informations de A à B n'aurait pas eu le temps de couvrir la distance de douze mètres. En effet, des horloges atomiques associées aux détecteurs captant A et B, permettent de mesurer très précisément le moment d'arrivée de chaque photon. La différence entre les deux temps d’arrivée est inférieure à quelques dixièmes de milliardièmes de seconde (elle est probablement nulle, mais la précision des horloges atomiques actuelles ne permet pas de mesurer des temps inférieurs à 10-10 seconde). Or, en 10-10 seconde, la lumière ne peut franchir qu'une distance de trois centimètres, bien inférieure aux douze mètres séparant A de B. De plus, le résultat reste le même lorsqu'on augmente la distance entre les deux photons. Dans l'expérience plus récente réalisée en 1998 par le physicien suisse Nicolas Gisin et son équipe à Genève, les photons sont séparés de dix kilomètres et les comportements de A et B sont toujours parfaitement corrélés. Ces résultats bafouent le bon sens.
La physique classique nous dit que les comportements de A et B devraient être totalement indépendants car ils ne peuvent pas communiquer. Comment expliquer alors le fait que B « sache » toujours instantanément ce que fait A ? Cela pose problème seulement si nous supposons, comme Einstein, que la réalité est morcelée et localisée sur chacun des photons. Mais le paradoxe n'a plus cours si nous admettons que A et B font partie d'une réalité globale, quelle que soit la distance, même s'ils se trouvent aux deux extrémités de l'univers. A n'a pas besoin d’envoyer un signal à B car tous font partie d'une même réalité. Les deux photons restent constamment en relation par une interaction mystérieuse. L'expérience EPR élimine ainsi toute idée de localisation. Elle confère un caractère holistique à l’espace. Les notions d’« ici » ou de « là » n’ont plus de sens, car « ici » est identique à « là ». Les physiciens appellent cela la « non-séparabilité » de l’espace.
(TRINH XUAN THUAN, « Le cosmos et le lotus », 2011, Éditions Albin Michel 2011, p. 204-210)


Confluence du Zanskar et de l'Indus (entre Leh et Nimu, Ladakh, Inde)

jeudi 15 janvier 2015

La sobriété heureuse

Le diamant

Le sannyāsin(*) avait atteint la périphérie du village
et il s'installa pour la nuit sous un arbre,
quand un villageois s'approcha en courant et lui dit :
« La pierre ! La pierre !, Donnez-moi la pierre précieuse ! »
« Quelle pierre ? » demanda le sannyāsin.
« La nuit dernière, le seigneur Shiva m'apparut en rêve, dit le villageois,
et me dit que si j'allais à la périphérie du village à la tombée de la nuit,
je trouverais un sannyāsin qui me donnerait une pierre précieuse
qui me rendrait riche pour le reste de ma vie. »

Le sannyāsin fouilla dans son sac et en sortit un pierre :
« Il voulait probablement dire celle-ci, dit-il, en tendant la pierre au villageois :
je l'ai trouvée dans un sentier de la forêt, il y a quelques jours.
Vous pouvez certainement l'avoir. »
L'homme regarda la pierre avec émerveillement : c'était un diamant.
Probablement le plus gros diamant du monde entier,
puisqu'il avait les dimensions d'une tête d'homme.
Il prit le diamant et s'éloigna.

Toute la nuit, il se retourna dans son lit, incapable de dormir.
Le lendemain, dès l'aube, il éveilla le sannyāsin et lui dit :
« Donnez-moi la richesse qui vous permet de donner ce diamant avec autant d'aisance. »

(*) : sannyāsin : Terme sanscrit qui désigne un « Renonçant ».

(Anthony de Mello, s.j., « Comme un chant d’oiseau » [1982], Éd. Desclée de Brouwer/Bellarmin 1984, p.153-154)p.153-154)

Stupa de Chabahil (Katmandou, Népal)

lundi 12 janvier 2015

Méditation du scan corporel (body scan)

1° Couchez-vous, installez-vous confortablement, allongé sur le dos sur un tapis ou sur un matelas, dans un endroit chaleureux et calme. Laissez vos yeux se fermer doucement.
2° Prenez un moment pour être en contact avec le mouvement de la respiration, avec les sensations que vous sentez dans le corps. Quand vous êtes prêt, prenez conscience des sensations physiques dans le corps, particulièrement les sensations de contact et de pression, les points où votre corps entre en contact avec le plancher ou le lit. À chaque expiration, laissez-vous vous enfoncer plus profondément dans le tapis ou le lit.
3° Rappelez-vous l'objectif de cet exercice. Son but n'est pas de se sentir différent, détendu ou calme; ceci peut se produire ou pas. L'intention est plutôt de prendre conscience du mieux que vous pouvez de toutes les sensations que vous détectez, quand vous concentrez votre attention sur chaque partie du corps tour à tour.
4° Maintenant, prenez conscience des sensations physiques dans le bas de l'abdomen, en vous rendant compte des différences de sensation dans la paroi abdominale quand vous inspirez et quand vous expirez. Prenez quelques minutes pour sentir les sensations quand vous inspirez et quand vous expirez.
5° Après avoir pris contact avec les sensations de l'abdomen, pointez le « projecteur » de votre conscience en bas de la jambe gauche, dans le pied gauche, jusqu'aux orteils du pied gauche. Concentrez-vous tour à tour sur chacun des orteils du pied en étudiant avec une curiosité bienveillante la qualité des sensations que vous ressentez, peut-être en notant la sensation de contact entre les orteils, la sensation de picotement, la chaleur ou aucune sensation particulière.
6° Quand vous êtes prêt, lors d'une inspiration, sentez ou imaginez le souffle entrer dans les poumons, et puis descendre vers le bas de l'abdomen, dans la jambe gauche, le pied gauche, et jusqu'au bout des orteils du pied gauche. Puis, lors de l'expiration, sentez ou imaginez le souffle faisant le chemin en sens inverse, passant par le pied, dans la jambe, vers le haut par l'abdomen, la poitrine et sortant par le nez. Du mieux que vous pouvez, répétez cet exercice pendant quelques respirations, en respirant vers le bas dans les orteils. II peut être difficile de comprendre cette pratique ; pratiquez simplement cette « respiration intérieure, du mieux que vous pouvez, comme un jeu.
7° Maintenant, quand vous êtes prêt, lors d'une expiration, laissez aller la conscience jusqu'au bout de vos orteils, et prenez conscience des sensations dans le bas de votre pied gauche - portez votre conscience avec bienveillance et persistance sur la plante du pied, le cou-de-pied, le talon (par exemple en notant les sensations éprouvées aux points de contact du talon avec le tapis ou le lit). Expérimentez les sensations en les accompagnant de votre respiration - en étant conscient de votre souffle à l'arrière-plan, alors qu'à l'avant-plan, vous explorez les sensations du bas du pied.
8° Laissez maintenant la conscience se déployer dans le reste du pied, vers la cheville, le dessus du pied, et entrez dans les os et les articulations. Puis, prenez une respiration un peu plus profonde, dirigez-la vers le bas dans tout le pied gauche, et, lors de l'expiration, laissez aller le pied gauche complètement, alors que la conscience se déplace dans le bas de la jambe gauche, le mollet, le tibia, le genou, et ainsi de suite, tour à tour.
9° Continuez à centrer votre conscience, avec une bienveillante curiosité, sur les sensations physiques de chaque partie du reste du corps tour à tour - haut de la jambe gauche, orteils du pied droit, pied droit, jambe droite, bassin, dos, abdomen, poitrine, doigts, mains, bras, épaules, cou, tête, et visage. Dans chaque partie, du mieux que vous pouvez, ayez le même niveau détaillé de conscience et de curiosité des sensations corporelles présentes. Quand vous quittez une région corporelle, « inspirez à l'intérieur » de cette région et quittez-la sur l'expiration.
10° Quand vous prenez conscience d'une tension ou d'autres sensations dans une partie particulière du corps, vous pouvez « respirer à l'intérieur » de ces sensations lors d'une inspiration, en focalisant votre conscience au cœur de ces sensations. Ensuite, du mieux que vous pouvez, relâchez et laissez aller ces sensations lors de l'expiration.
11° Votre esprit va inévitablement s'éloigner de la respiration et du corps de temps en temps. C'est tout à fait normal. C'est comme ça que fonctionne l'esprit. Quand vous le remarquez, reconnaissez-le avec magnanimité, en notant où votre esprit est parti, et puis ramenez doucement votre attention à la partie du corps sur laquelle vous aviez l'intention de vous focaliser.
12° Après avoir exploré le corps entier de cette façon, pendant quelques minutes et en pleine conscience, sentez le corps comme un tout, et le souffle fluide qui entre et sort librement.
13° Si vous sentez que vous vous endormez, vous pouvez glisser un oreiller sous la tête, ouvrir les yeux, ou faire l'exercice assis plutôt que couché.
(SEGAL Zindel, WILLIAMS Mark, TEASDALE John, « La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience pour la dépression : Une nouvelle approche pour prévenir la rechute », Éditions De Boeck 2006, p.135-136)


Lac Skadar (Monténégro)

jeudi 8 janvier 2015

La pleine conscience : le meilleur exhausteur de goût

Pourquoi suis-je incapable de penser, de marcher et d’être pleinement consciente du goût d’une tarte au citron simultanément ?
Si je n’arrive pas à faire toutes ces choses en même temps, c’est que l’esprit a deux fonctions distinctes : la pensée et la conscience. Quand la pensée fonctionne, la conscience est hors circuit. Quand la pensée tourne à fond, nous pouvons avaler un repas entier, un gâteau entier ou un pot de glace entier sans en goûter plus qu’une ou deux bouchées. Et, lorsque nous ne savourons pas ce que nous mangeons, nous pouvons nous empiffrer et nous sentir encore insatisfaits. C’est que l’esprit et la bouche n’étaient pas présents, qu’ils ne goûtaient pas aux aliments et ne jouissaient pas de ce que nous mangions. L’estomac s’est rempli, mais l’esprit et la bouche sont restés sur leur faim et continuent de réclamer de la nourriture.
Insatisfaits, nous allons donc nous mettre à chercher quelque chose d’autre ou de différent à manger. Il est arrivé à tout le monde d’arpenter la cuisine, en ouvrant l’une après l’autre les portes des armoires et du garde-manger, à la recherche de quelque chose, n’importe quoi, pour se satisfaire. Le seul remède à cet état de manque, à cette faim fondamentale, est de s’asseoir et d’être, ne serait-ce que quelques minutes, totalement présent.
Si nous mangeons en restant connectés à notre propre expérience et aux personnes qui ont cultivé, qui ont cuisiné et qui nous ont servi nos aliments, ainsi qu’à celles avec qui nous les partageons, nous nous sentirons plus rassasiés, même si le repas était frugal. C’est là le cadeau de l’alimentation en pleine conscience : elle nous permet de retrouver le sens de la satisfaction, peu importe ce que nous mangeons ou ne mangeons pas.
(CHOZEN BAYS Jan Dr, « Manger en pleine conscience : La méthode des sensations et des émotions » (2009), Postface de Jon Kabat-Zinn, Éditions Les Arènes, 2013)

Citronnier, à proximité de Sarangkot (Népal)

lundi 5 janvier 2015

Colère et pleine conscience

Identifier la présence ou l'absence de colère est source de nombreux bienfaits. ...
Premier bienfait constaté de l'observation attentive de la présence ou absence de colère : nous sommes bien plus heureux quand la colère n'est pas présente. La colère est une flamme qui jaillit et consume notre maîtrise, nous faisant penser, dire et faire des choses que nous regretterons sans doute ensuite. Les actes du corps, de la parole et de l'esprit commis sous l'emprise de la colère nous emportent loin sur le chemin de l'enfer. ... Un esprit dénué de colère – calme, frais et sain – est l'une des onze formations mentales positives. L'absence de colère est la base du vrai bonheur, la base de l'amour et de la compassion.
Deuxième bienfait de l'observation attentive de la présence ou absence de colère : identifier notre colère suffit à lui faire perdre un peu de son pouvoir destructeur. Elle ne devient destructrice que si nous ne l'observons pas attentivement quand nous la ressentons. Quand elle naît en nous, suivons étroitement notre respiration tout en identifiant notre colère et en l'observant attentivement. En faisant ainsi, nous avons déjà engendré l'attention et la colère ne peut plus monopoliser le champ de notre conscience. La pleine conscience accompagne la colère : « Je sais que je suis en colère. » Cette conscience est une compagne pour la colère. L'observation attentive ne consiste pas à refouler ou à chasser notre colère, mais juste à veiller sur elle. C’est un principe très important dans la pratique de méditation. L'observation attentive est une lampe lumineuse. Ce n'est pas un juge. Elle éclaire notre colère, la prend en compte, veille sur elle avec un soin affectueux, comme une sœur aînée veillant sur sa petite sœur et la réconfortant.
Quand nous sommes en colère, notre colère est notre être même. La refouler ou la chasser, c'est nous refouler ou nous chasser. Quand nous sommes joyeux, nous sommes joie. Quand nous sommes en colère, nous sommes colère. Quand nous aimons, nous sommes amour. Quand nous haïssons, nous sommes haine. Quand la colère est née, nous pouvons être conscients que cette colère est une énergie intérieure et changer cette énergie en une autre sorte d'énergie. Pour la transformer, il faut d'abord savoir l'accepter.
(Thich Nhat Hanh, « Transformation et guérison », Albin Michel pocket n°166, 1999, p.87-88)

Grenouille, Lac Skadar (Monténégro)